Habitat - Le lent démarrage du programme de revitalisation des centres-bourgs
Sur les 54 communes sélectionnées fin novembre 2014 dans le cadre du programme expérimental de revitalisation des centres-bourgs, 7 ont signé la convention permettant le démarrage des travaux. C'est ce qu'a annoncé l'Anah (Agence nationale de l'habitat) chargée de conduire ce programme avec le CGET (commissariat général à l'égalité des territoires), le 22 juin. Il s'agit de Joinville (Haute-Marne), Lodève (Hérault), Pont-Saint-Esprit (Gard), Sierck-les-Bains (Moselle), Giromagny (Territoire de Belfort), Schirmeck (Bas-Rhin) et Salins-les-Bains (Jura). Une dizaine d'autres conventions seront passées "d'ici l'automne" et la moitié à la fin de l'année. L'Anah justifie ces délais par la lourdeur des opérations à venir et la phase de préparation. Chacune des 54 communes a déjà fait l'objet d'une subvention au titre du Fonds national d'aménagement du territoire (FNADT) permettant de cofinancer le recrutement d'un chef de projet et des études d'ingénierie. Un point crucial puisque la plupart de ces petites communes de moins de 10.000 habitants n'ont pas les compétences en la matière. Elles ont ainsi pu obtenir une aide à l'ingénierie allant de 100.000 à 300.000 euros. "Cela a permis de créer un réseau de chefs de projets" qui peuvent échanger entre eux, se félicite Blanche Guillemot, la directrice générale de l'Anah.
Un potentiel pour rebondir
Le programme de revitalisation des centres-bourgs a fait l'objet d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) à partir d'environ 300 candidatures. Chaque préfet de département devait choisir 3 communes et intercommunalités frappées par une désaffection de leur centre ancien. Elles ont été amenées à se positionner sur quatre priorités : la requalification de l'habitat dégradé, le développement économique, les services à la personne et la transition énergétique (avec, en filigrane, la lutte contre l'étalement urbain). Une enveloppe de 230 millions d'euros sur six ans a été consacrée à ce programme.
Les communes sélectionnées se caractérisent toutes par un rôle de centralité marqué au sein de leur intercommunalité, et se situent le plus souvent en milieu rural, voire en périphérie de grandes agglomérations. Elles sont touchées par une "vacance importante (du logement et du commerce, ndlr), le déclin de la population, l'étalement urbain, la perte de la petite industrie" mais ont toutes du potentiel pour rebondir, explique Christian Mourougane, directeur général adjoint de l'Anah. Il leur est pour cela nécessaire "de requalifier le centre ancien afin de leur redonner de l'attractivité".
"Un élu qui a un vrai projet"
La plupart de ces 54 communes se trouvent aux marges des régions, avec une forte concentration le long de la "diagonale du vide". "Cela interroge beaucoup l'aménagement du territoire et l'ensemble de nos politiques publiques", concède Blanche Guillemot. Mais "il y a des dynamiques qu'on peut inverser", ajoute-t-elle, citant l'exemple de Sierck-les-Bains où elle s'est rendue fin mai pour signer la convention. Cette petite commune de 1.600 habitants frontalière avec le Luxembourg a perdu de nombreux habitants, ceux-ci préférant s'installer en périphérie où le foncier est disponible. Selon Blanche Guillemot, de nombreux habitants travaillant au Luxembourg ont parallèlement investi dans l'immobilier et attendent que les prix montent… Résultat : 16% des logements sont inoccupés, dont une bonne part depuis de nombreuses années. Nombreux sont très dégradés voire indignes. Le projet du maire et président de la communauté de communes de Trois Frontières (CC3F) Laurent Steichen repose sur deux piliers : un volet social passant par l'amélioration de l'habitat et la rénovation urbaine, et un volet économique axé en grande partie sur la création d'un pôle des métiers de l'artisanat et la création d'une "route de la brocante". "Un élu qui a un vrai projet", insiste la responsable de l'Anah. Comme tous les centres-bourgs de l'AMI, Sierck va faire l'objet d'une Opah permettant d'aider les propriétaires occupants ou bailleurs à conduire des travaux, sous certaines conditions de ressources (le taux de subvention est de 50% pour les propriétaires occupants très modestes dont le revenu est inférieur à 14.000 euros par an, il est de 35% pour ceux dont le revenus est de 18.000 euros par an). Les collectivités peuvent abonder cette participation. Pour les immeubles les plus dégradés, les partenaires de la convention de Sierck auront recours à des opérations de restauration immobilière (ORI). Ils pourront ainsi prescrire des travaux aux propriétaires, sous peine d'expropriation.
Des zones pavillonnaires qui elles-aussi se dégradent...
Les conventions Opah des centres-bourgs se montent en moyenne à 4 millions d'euros par opération. Elles sont passées pour six ans, toujours avec l'intercommunalité de rattachement et l'Etat. Les "recalés" de l'AMI ont toujours la possibilité d'utiliser les différents dispositifs de l'Anah qui intervient depuis de nombreuses années sur la requalification des centres anciens, notamment à travers le PNRQAD (programme national de requalification des quartiers anciens dégradés) ou le nouveau programme national de renouvellement urbain. Alors que l'ancien sénateur Yves Dauge planche actuellement sur la question de la revitalisation des centres historiques, le sujet est loin d'être épuisé, comme en attestent les derniers chiffres de la fédération du commerce spécialisé Procos qui montrent de surcroît une augmentation continue de la vacance commerciale dans les petites et moyennes villes depuis plusieurs années. En attendant un retour hypothétique des habitants dans les centres, l'étalement urbain se poursuit. Mais l'Anah voit plus loin. "Beaucoup de zones pavillonnaires se dégradent très vite, notamment les systèmes de fondation, Cela va être un sujet pour les quelques années qui viennent", estime Christian Mourougane.