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Aménagement - Le Grand Paris à l'heure du développement territorial

Collectivités et Etat commencent à signer les accords-cadres qui serviront de base aux vingt contrats de développement territorial (CDT) du Grand Paris. Dix ont déjà été conclus. Les délais sont respectés mais des questions se posent autour du financement des projets et des périmètres des CDT qui ne coïncident pas toujours avec les intercommunalités. Certains élus pointent également un manque de cohérence d'ensemble.

Le projet du Grand Paris a franchi une nouvelle étape au premier trimestre 2012 avec la signature de dix accords-cadres entre les communes concernées et l'Etat. Ces accords sont la première étape devant conduire aux futurs contrats de développement territorial (CDT). Prévus dans le cadre de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, les CDT sont destinés à développer les territoires concernés par ce vaste chantier à la fois sur le plan urbain (nouveaux accès et transports, restructuration de routes principales, création de logements), économique (nouvelles activités, spécialisations sectorielles, reconversions) et environnemental. Ils donnent une vision globale du développement des territoires avec des objectifs de principes et des engagements, comme le nombre de logements à construire. Vingt CDT sont ainsi prévus pour couvrir l'ensemble du Grand Paris. A l'exception de Sénart, tous les territoires sont traversés par une ligne du Grand Paris express.
La procédure va se dérouler sur deux ans. Les accords-cadres fixent les grandes lignes et les objectifs. Ils doivent déboucher sur des projets de contrats avant octobre 2012. Ces projets seront ensuite soumis à enquête publique aux alentours du mois de février 2013. A l'issue de ces enquêtes publiques, les CDT seront définitivement signés, au plus tard fin 2013, pour une durée de quinze ans. "Nous sommes donc parfaitement dans les délais, assure ainsi Maurice Leroy, ministre de la Ville, à Localtis, grâce notamment au consensus transpartisan que nous avons su trouver avec les élus de la région Ile-de-France, au premier rang desquels le président de région, Jean-Paul Huchon."
L'élaboration des CDT se fait selon un processus de partenariat. Ils sont créés, selon les territoires, soit de l'initiative de l'Etat et des collectivités, c'est le cas pour Pleyel et Le Bourget, soit de l'initiative des collectivités (Val-de-France-Gonesse, Grand Paris-Seine-Ouest). Des comités de pilotage composés des représentants de l'Etat, des collectivités et des acteurs économiques locaux sont installés pour chaque CDT. L'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France (IAU IdF)  a réalisé un gros travail d'analyse de l'ensemble de ces CDT, aboutissant à une cartographie et des fiches synthétiques sur chacun d'entre eux. Fort de cette analyse, l'institut estime que la dynamique lancée à travers ces outils est positive. "Les CDT ont créé un appel d'air et un espoir, explique ainsi Gérard Lacoste, directeur général adjoint de l'IAU IdF. Il y a eu une période assez euphorique car les territoires ont été interpellés. Cela a créé une dynamique positive de mise en mouvement des territoires et cela a amené les collectivités voisines à se parler."

Manque de cohérence d'ensemble

Mais après cette période "euphorique", le temps des questions, parfois sans réponse, est arrivé. Premier problème : la cohérence d'ensemble des CDT. "Il y a une vingtaine de CDT et chacun mène une réflexion spécifique. Cela va donc aboutir à une multitude de réflexions qui n'ont pas de raison d'être cohérentes entre elles, détaille Gérard Lacoste. Il n'y a pas de chef d'orchestre alors qu'il y a un besoin évident de cohérence d'ensemble." Certains territoires ont contourné le problème en analysant les objectifs complémentaires des CDT voisins. C'est le cas des quatre CDT de l'est de Paris (les CDT Descartes-Ouest, Descartes-Nord, Coeur-Descartes et Boucles-de-la-Marne). Pour ces contrats, les territoires ont lancé, avec l'aide de l'Etat, une étude permettant d'aboutir à un schéma de cohérence territoriale. "On a des objectifs qui pourraient sembler contradictoires mais on essaie de donner des dynamiques complémentaires pour ne pas créer de concurrence", explique ainsi Jacques J. P. Martin, maire de Nogent-sur-Marne et premier vice-président de Paris métropole. A l'heure actuelle, sur ces quatre CDT de l'est francilien, l'un d'entre eux, Boucles-de-la-Marne, qui intègre les communes de Bry-sur-Marne, Villiers-sur-Marne et Champigny-sur-Marne, a passé le cap de l'accord-cadre. Pour le CDT de Descartes-Ouest, qui inclut Nogent-sur-Marne, les grandes lignes ont été transmises au préfet de région et l'accord-cadre devrait être signé d'ici la fin du mois de mai. "On a eu besoin quand même de passer du temps pour essayer de se répartir les objectifs (développement économique, logements, formation), car les villes qui composent le CDT sont assez différentes et plus ou moins avancées dans la dimension économique", souligne Jacques J. P. Martin. Objectif de la démarche d'ensemble : typer les CDT. Certains mettront l'accent sur le logement, d'autres sur le développement économique (développement des PME et PMI et tourisme fluvial pour les communes proches de la Marne, par exemple). Pour Vincent Bourjaillat, directeur général adjoint à l'agglomération du Bourget (CDT Le Bourget), "c'est le projet qui fait le CDT et le protocole d'accord n'est que la transcription ou la formalisation de choses déjà pensées et écrites. Il n'a pas produit d'informations en soi. Pour nous, le CDT n'est qu'un outil au service du projet. On n'a attendu ni le protocole ni le CDT pour travailler sur ces projets". L'agglomération a fait le choix de mettre en avant quelques projets-phares et indépendants (la requalification de l'entrée de l'aéroport du Bourget et l'aménagement de la grande gare de RER du Bourget) autour desquels va s'organiser le projet de territoire.

Frilosité chez les élus

Au-delà de la cohérence d'ensemble, c'est une fois de plus la question du financement qui se pose. Une convention du 29 juin 2011 entre l'Etat et la Caisse des Dépôts a prévu 5 millions d'euros pour le financement des études préalables. Mais les élus se plaignent d'un manque de visibilité pour la suite.  "Aujourd'hui, ce n'est pas très clair, explique Jacques J. P. Martin. C'est un des sujets sur lesquels nous avons l'intention de discuter avec l'Etat, or on en est en pleine période électorale, il ne sert donc à rien d'avancer à la hussarde. On peut se prononcer sur les principes mais pour aller plus loin, il nous faut une vision plus claire sur les financements."
Au Bourget, il n'est pas certain que le CDT puisse être signé dans un délai de six mois, comme le prévoit la loi. "On n'a aucune visibilité sur la capacité de l'Etat à apporter des compléments financiers", déplore Vincent Bourjaillat.
Cette situation engendre une frilosité chez les élus locaux qui rechignent à se lancer dans des opérations de construction de logements. Pour le territoire du Bourget, l'objectif de logements est fixé à 1.360 par an, soit trois fois plus qu'aujourd'hui. Mais les élus veulent d'abord être sûrs que l'Etat va les accompagner pour financer les équipements (écoles, crèches, gymnases…) liés à ces logements. Une aide aux "maires bâtisseurs" avait été envisagée par le gouvernement, par la voix de Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au Logement, pour être finalement abandonnée en route.
"Des protocoles sont signés, mais il sont très généraux. Les engagements financiers ne sont pas notés et on ne sait pas ce que l'Etat va réellement mettre sur la table", confirme Gérard Lacoste.

Périmètre

Un troisième problème se pose. Le périmètre des CDT ne correspond pas toujours à celui des intercommunalités. "Est-ce que c'est un problème ? Il est trop tôt pour le dire", assure Gérard Lacoste. Mais des questions se posent déjà sur certains territoires. C'est le cas au Bourget avec le positionnement de Bonneuil-en-France. "Bonneuil appartient à deux dispositifs contradictoires de l'Etat : d'un côté, pour l'Etat, le CDT du Bourget intègre Bonneuil, mais le projet de schéma départemental de coopération intercommunale intègre aussi Bonneuil à l'intercommunalité de Val-de-France-Gonesse… Il y a une cohérence à trouver entre l'intercommunalité et le CDT, sinon ce sera compliqué", détaille Jacques J. P. Martin.
Enfin, dernier problème sur lequel Gérard Lacoste insiste : celui du rythme de développement du Grand Paris. "Les investisseurs ne bougeront pas tant qu'ils ne seront pas sûrs d'avoir leur desserte et les territoires ne seront sur ce point pas logés à la même enseigne. De plus, il n'y a pas d'affichage du phasage du projet du Grand Paris, sauf pour la première partie qui se fera au sud. Pour le reste, on ne sait pas à quelle vitesse cela va se développer."

 

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