Le gouvernement présente son projet de loi sur l'alimentation
Le projet de loi "pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine et durable" a été présenté en conseil des ministres, le 31 janvier. Au-delà des relations commerciales, il entend faire de la restauration collective un levier pour promouvoir la production locale et bio et lutter contre le gaspillage.
Le ministre de l’Agriculture a présenté le projet de loi sur l’alimentation, mercredi 31 janvier, en conseil des ministres. Baptisé projet de loi "pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine et durable", il fait écho aux deux chantiers des Etats généraux de l’alimentation qui se sont déroulés de juillet à décembre 2017. Mais il ne constitue qu’un des éléments de ces états généraux. Ces derniers ayant débouché sur une feuille de route gouvernementale pour la période 2018-2022 présentée dans les grandes lignes par le Premier ministre Edouard Philippe, le 21 décembre. C'est la "première brique" de la politique de l'alimentation voulue par le gouvernement, indique-t-on au ministère de l’Agriculture. La "deuxième brique" est constituée des 35 plans de filière voulus par le président de la République (la plupart d’entre eux sont finalisés et mis sur le site du ministère). Le gouvernement prévoit aussi un plan de sortie et de réduction des produits phytosanitaires, ainsi qu'un plan bio qui sera dévoilé au prochain Salon de l'agriculture.
Lors de son déplacement à Rungis, le 11 octobre, le président de la République avait souhaité voir le projet de loi présenté au Parlement et voté au premier semestre 2018. Le calendrier est à peu près maintenu. Même si, précise-t-on au ministère de l’Agriculture, cela dépendra de "l’embouteillage du Parlement". Plus prudent, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, a parlé mercredi d'un vote courant "septembre".
Rééquilibrer les relations commerciales
Composé de 17 articles, le projet de loi habilite le gouvernement à prendre des ordonnances applicables dans un délai de six mois après la promulgation du texte en vue de l’ouverture des prochaines négociations commerciales au mois de novembre. Il comporte trois axes. Le premier vise donc à rééquilibrer les relations au profit des producteurs afin d’assurer à ces derniers un revenu décent.
Le processus de construction du prix est inversé : désormais, c’est le producteur qui proposera le contrat et le prix associé (articles 1 à 3). Les manquements au contrat seront passible d'une amende de 75.000 euros. A noter cependant que la contractualisation ne concerne que certaines filières (lait et fruits et légumes) mais reste facultative pour la filière viande. "La culture de la contractualisation va essaimer", espère-t-on au ministère.
Le texte encourage les producteurs à se regrouper en organisations professionnelles. "Parce que chacun des 400.000 producteurs n’a qu’un pouvoir individuel de négociation très limité face aux 15.000 transformateurs et à un secteur de la distribution toujours plus concentré et confronté au défi du e-commerce, les organisation de producteurs seront confortées pour rééquilibrer les négociations commerciales", explique le ministre dans sa communication en conseil des ministres. Les interprofessions se voient confier la tâche d’élaborer des indicateurs de coûts et de marché en vue de l'élaboration du contrat.
Le gouvernement cherche aussi à mettre fin à la "guerre des prix" qui pousse les industriels à rogner toujours plus leurs marges et à faire pression sur les producteurs. Une expérimentation sera menée, par voie d'ordonnance, pendant une durée de deux ans (article 9). Le seuil de revente à perte sera ainsi relevé de 10%. Ce qui fait qu’un distributeur devra obligatoirement vendre un produit au moins 10% plus cher que son prix d’achat, de manière à couvrir les frais de logistique et de transport.
Les promotions, elles, seront encadrées. En l’état, le texte n’en dit pas plus, mais le gouvernement table sur une limitation de 34% en valeur et de 25% en volume. En clair : une promotion pourra aller jusqu’à un produit offert pour deux produits achetés mais pas au-delà (un offert pour un acheté). L’ordonnance devra le préciser.
Restauration collective
Deuxième axe, qui intéresse les collectivités au premier chef : les mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable. D’ici 2022, la restauration collective devra s’approvisionner avec au moins 50% de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité. Le texte ne fixe pas de quota mais exige une "part significative" et renvoie pour le détail à un décret en Conseil d’Etat (article 11).
Le projet de loi entend aussi s’attaquer au gaspillage alimentaire qui constitue aux yeux de Stéphane Travert "un scandale social et une absurdité environnementale et économique". La restauration collective sera désormais habilitée à reverser les denrées non consommées à des associations caritatives sous forme d’aide alimentaire (article 12). Les modalités seront fixées par décret en Conseil d’Etat. Les opérateurs de la restauration collective désirant engager des actions de lutte contre le gaspillage devront par ailleurs réaliser un diagnostic préalable.
Le projet de loi vise enfin à renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits (articles 13 et 14), avec des mesures sur la commercialisation des produits phytosanitaires (séparation des activités de vente et de conseil, interdiction de rabais, ristournes et remises sur ces produits) et sur le bien-être animal. Le projet de loi n’impose pas la vidéosurveillance dans les abattoirs comme certains le proposaient, mais double les peines du délit de maltraitance. Un délit désormais étendu aux transports d’animaux.