Le gouvernement lance son propre baromètre de l'industrie

Alors que la "réindustrialisation" promise semble donner quelques signes de faiblesse, le gouvernement a décidé de changer de thermomètre. En effet, depuis 2009, le cabinet Trendeo comptabilisait les investissements et désinvestissements en France, à partir des sources ouvertes, notamment publiées dans la presse locale. Instrument sur lequel l'exécutif s'est abondamment appuyé pour vanter les résultats de sa politique industrielle. Seulement, en 2023, les résultats n'étaient plus aussi bons (voir notre article du 28 novembre 2023). Profitant de la sixième édition du salon Global Industrie qui se tient du 25 au 28 mars à Villepinte, le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure, a dévoilé les résultats d'un tout nouveau baromètre de l'industrie, réalisé par la direction générale des entreprises (DGE). "Aucune base de données existante ne permettait jusque-là de mesurer directement l’évolution de la réindustrialisation, la notion d’usine ne correspondant à aucun concept statistique", soutient le ministère, précisant que le travail a pris un an. Le temps de faire remonter toutes les autorisations administratives délivrées par les préfectures, aussi bien pour les créations que les projets d'extension.

Il ressort de cette première livraison que "le rythme d’ouverture de nouveaux sites industriels est resté très dynamique avec 201 ouvertures nettes d’usines en 2023 contre 176 en 2022", soit une hausse de 14%, souligne le ministère. On notera cependant un affaissement des ouvertures au cours de l'année, dans un contexte de plus en plus tendu, sur fond de crise énergétique et de concurrence exacerbée (notamment avec le Inflation Reduction Act américain) : 122 ouvertures sont enregistrées au premier semestre contre 79 au second.

De plus, ces chiffres comprennent aussi les extensions. Si l'on s'en tient aux pures créations ou fermetures, le solde est en fait de 57 sites supplémentaires en 2023 contre 49 en 2022. 

"Les résultats de ce premier baromètre industriel confirment la dynamique de réindustrialisation de la France et refroidissent au passage l’esprit défaitiste de certains", se réjouit néanmoins le ministre sur X.

Auvergne-Rhône-Alpes en pole position

C'est la région Auvergne-Rhône-Alpes qui engrange le plus de créations d'usines (+73 sites, en incluant les extensions), devant la Nouvelle Aquitaine (+30). Ces deux régions représentent à elles seules la moitié des créations et extensions d'usines. Elles sont suivies par la Normandie (+24).

Paradoxalement, la région Hauts-de-France, qui capte l'attention avec sa "vallée de la batterie", est la moins dynamique (-9) et ce pour la deuxième année consécutive (-6 en 2022). La Corse (-1) et le Centre-Val de Loire (0) sont aussi à la peine.

Comme en 2022, l'agroalimentaire est le secteur qui ouvre le plus de sites (+47), devant les industries vertes et l’économie circulaire (+29), les transports (+22), la santé (+20) et le textile (+19). À noter que la métallurgie revient dans le vert (+10) après une mauvaise année 2022 (-4). Le papier carton (-1), la plasturgie (0), et les industries extractives (0) sont stables.

Bataille de chiffres 

Contrairement aux données de Trendeo, ce baromètre ne comptabilise ni le volume des investissements ni les emplois créés ou détruits. Néanmoins, Roland Lescure a pu assurer lundi que 130.000 emplois industriels avaient été créés depuis 2017. Selon Trendeo, les activités de production industrielle ont enregistré environ 26.000 créations d'emplois nets en 2023, soit une perte de près de 10.000 emplois nets sur un an, avec un effet ciseau entre des créations en baisse de 17% et des suppressions en hausse de 19%. Le cabinet comptabilise un solde de 31 créations d'usines (avec 106 fermetures pour 31 ouvertures), soit un net ralentissement par rapport aux deux années précédentes (+ 85 en 2022 et +125 en 2021).

Enfin, depuis 2023, Bpifrance produit son propre outil : l'Observatoire des start-up, PME et ETI industrielles innovantes. La banque publique d'investissement recense 118 sites industriels inaugurés en 2023, à l’origine de la création de 7.600 emplois.

Mais quel que soit l'instrument utilisé, c'est l'évolution dans le temps qui compte. La prochaine production du baromètre industriel de l'État dans six mois permettra de mesurer les effets de sa politique d'attractivité, à travers notamment les sites "clés en main".