Le gouvernement confirme la reprise en main du RSA en Guyane
Le Premier ministre a confirmé, dans une communication en conseil des ministres, le 2 novembre, la volonté de l’Etat de reprendre en main le RSA en Guyane. "Au regard de la charge considérable du RSA en Guyane, qui en fait une véritable mission régalienne, l’Etat en reprendra la gestion et il sera donc réintégré dans le budget de l'Etat et piloté par l'Etat", peut-on lire dans cette communication prononcée moins d’une semaine après le déplacement d’Emmanuel Macron en Guyane au cours de laquelle il avait lui-même fait cette annonce. La gestion du RSA a coûté environ 150 millions d’euros en 2016 à la collectivité territoriale de Guyane. Son versement sera par ailleurs "prochainement subordonné à l'installation en séjour régulier sur le territoire durant 15 années et non plus 5 années, et il se fera non plus en prestations monétaires mais en cartes prépayées pour qu'il soit dépensé localement", est-il également question. Une mesure qui vise à enrayer une forme d’appel d’air créée par le RSA vis-à-vis de l’immigration, à l’image de ce qui se pratique déjà à Mayotte. "Je ne veux plus voir des situations où les ressortissants des pays voisins se sont fait régulariser, touchent le RSA pour ensuite le dépenser au Surinam, au Brésil ou ailleurs", avait déclaré le président de la République à ce sujet. Les procédures de demandes d’asile seront dans le même temps ramenées à deux mois et le versement de l’allocation pour les demandeurs d’asile sera limité à deux mois. "On ne peut pas avoir une situation où on verse pendant douze mois, dix-huit parfois vingt-quatre mois l'allocation pour demandeur d'asile qui est supérieure au salaire moyen dans l'ensemble des pays voisins", avait déclaré Emmanuel Macron.
Dans sa communication, le Premier ministre revient également sur la mise en œuvre de l’accord signé le 21 avril dans un climat social très tendu. "Le président de la République a rappelé que les mesures prévues dans l’accord de Guyane, déjà largement engagées, seraient tenues", insiste-t-il. Dans le cadre de cet accord, qui se monte à 1,08 milliard d’euros, l’Etat et la collectivité territoriale de Guyane ont signé une convention financière le 28 octobre. Cette convention prévoit le versement par l’Etat de 98 millions d’euros : 53 millions d’euros pour l’investissement, 36 pour soutenir les dépenses sociales pour les Guyanais les "plus vulnérables", 9 millions pour compenser dès cette année les recettes d’octroi reversées aux communes, indique le ministère des Outre-Mer, dans un communiqué du 30 octobre. A travers cette convention, l’Etat s’engage aussi dans des "projets structurants" : 250 millions pour les collèges et lycées d’ici cinq ans et 150 millions d’euros dans les écoles d’ici dix ans. L’Etat accompagnera également financièrement la collectivité dans son prochain budget. En contrepartie, la collectivité s’engage à "améliorer la performance de sa gestion" et à "maîtriser ses dépenses de fonctionnement". Des dépenses récemment épinglées par la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les finances publiques locales, présenté ce 11 octobre.
A ce plan, le collectif "Pou Lagwiyann Dékolé" et les élus de Guyane avaient demandé au gouvernement, au printemps dernier, d'ajouter des mesures "très urgentes" chiffrées à 2,1 milliards d'euros. Lors de sa visite, Emmanuel Macron a répondu à ce sujet qu'il n'était "pas le Père Noël". "L'Etat a fait trop de promesses qui n'ont pas été tenues. Donc je suis là pour dire les choses en vérité."
Recentralisation du RSA : ailleurs en Outre-Mer ?
La reprise en mains par l'Etat de la gestion du RSA en Guyane telle qu'annoncée par Emmanuel Macron a donné lieu à un satisfecit… en Guadeloupe, où la présidente du conseil départemental, Josette Borel-Lincertin, espère que cette décision "ouvrira la voie à une approche similaire dans les autres départements d'Outre-Mer et, singulièrement, en Guadeloupe".
L'élue rappelle dans un communiqué que lors du dernier congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), les départements et collectivités d'outre-mer ont adopté une motion commune dans laquelle leurs exécutifs demandent - contrairement désormais aux départements métropolitains - une recentralisation du RSA "au regard de la croissance exponentielle et hors de contrôle du nombre de bénéficiaires, et au regard de l'insuffisante compensation de ces dépenses par l'Etat". Josette Borel-Lincertin compte d'ailleurs demander audience au Premier ministre, Edouard Philippe, qui doit effectuer ce vendredi 3 novembre une visite de trois jours dans les Antilles françaises, avec arrivée dimanche en Guadeloupe, "afin d'avoir un premier échange concret sur le cadre et les conditions dans lesquels pourrait intervenir, dès 2019, une recentralisation du RSA qui doit redevenir pleinement une prestation de solidarité nationale."
Démonétisation : un précédent de rejet par le Conseil d'Etat
Concernant l'intention du président de la République de démonétiser le versement du RSA, c'est cette fois vers l'île de Saint-Martin que l'on pourra se tourner… En 2016 en effet, la collectivité de Saint-Martin avait adopté une délibération prévoyant que le versement du RSA "s'effectue pour partie sous une forme démonétisée", faisant valoir qu'une "proportion importante des sommes octroyées à ce titre sont dépensées en dehors du territoire de la collectivité". Or le préfet de Saint-Martin avait saisi le Conseil d'Etat… lequel, par une
décision de février 2017, annulait la délibération du conseil territorial, jugeant qu'une "telle circonstance ne constitue pas une caractéristique particulière justifiant, au regard de l'objet des dispositions instituant le revenu de solidarité active, de priver les bénéficiaires de la libre disposition de la ressource qui leur est ainsi allouée."
C. Mallet