Couverture mobile - Le gouvernement boucle un accord ambitieux pour "en finir avec les zones blanches"
Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a annoncé dimanche des dispositions engageant les quatre opérateurs de téléphonie mobile à déployer chacun 5.000 points mobiles d’ici 2020 afin de couvrir toutes les zones blanches en haut débit. Ce faisant, le gouvernement et l’Arcep prennent acte d’une évolution technologique de fond, en ciblant la 4G plutôt que la 3G, et engagent les opérateurs dans un "new deal" de l'aménagement numérique plus favorable à l'investissement privé.
Au terme d’une négociation engagée à l’été 2017 dans le contexte de la première conférence des territoires - lors de laquelle le président de la République avait formulé l’objectif d’une couverture mobile de qualité pour tout le territoire dès 2020 -, Julien Denormandie a présenté dimanche 14 janvier les objectifs concrets imposés aux quatre opérateurs (Bouygues, Free, Orange, SFR) afin d’en "finir avec les zones blanches".
Sur proposition de l’Arcep, chacun d’entre eux a accepté de construire, d’ici trois ans, 5.000 sites mobiles (antennes ou pylônes), ce qui représente une accélération substantielle du rythme de déploiement des réseaux mobiles, pour un coût de trois milliards d’euros qui devrait être entièrement pris en charge par les opérateurs. Les axes de transport constituent la première priorité de cet accord (en particulier les 30.000 kilomètres de ligne TER), avant la généralisation de la couverture de tout le territoire français.
Quand on sait qu’environ 20.000 communes françaises sont aujourd’hui dépourvues de point haut, on peut attendre de cet accord qu’il permette de densifier considérablement la couverture du territoire. Un effort qui devrait permettre, selon le secrétaire d’Etat, de voir passer 10.000 communes de la 2G ou 3G à la 4G. L’amélioration de la couverture des bâtiments en intérieur figure aussi dans les objectifs de cet accord.
Au cœur des revendications des collectivités, la révision de la définition des "zones blanches" est aussi à l'ordre du jour. Le nouveau standard sera celui de la "bonne couverture" telle que définie par l'Arcep depuis quelques mois. Mais rien ne dit encore quels seront, dans les communes, les points de référence à partir desquels les mesures de qualité de couverture seront effectués.
L’Etat renonce aux recettes d’attribution des fréquences
Les avancées consenties par les opérateurs et leur effort financier considérable ne sont cependant pas sans contreparties : les licences d’exploitation des fréquences mobiles, qui devaient être renégociées à partir de 2021 pour chacun des quatre opérateurs, seront finalement reconduites dans les mêmes termes, tandis que les redevances annuelles associées seront gelées. L’Etat obtient ainsi le financement de l'amélioration de la couverture par un jeu de vases communicants, en renonçant partiellement à la manne financière que représentent ces précieuses attributions : les enchères avaient rapporté à l’Etat 2,8 milliards d’euros en 2015 et la loi République Numérique l’autorisait à multiplier par 2,5 les redevances annuelles, aujourd’hui à hauteur de 200 millions d’euros environ. "Cela restera inférieur aux engagements pris par les opérateurs", assure Sébastien Soriano, président de l’Arcep. En outre, pour faciliter les déploiements, le gouvernement s’engage à simplifier les règles d’implantation des points hauts.
Le projet de loi Logement a été rebaptisé "loi Evolution du logement et aménagement numérique" (Elan), manière pour l'exécutif d'intégrer dans son agenda la proposition de loi sur l'aménagement numérique portée depuis plusieurs mois par le président de l'Avicca, Patrick Chaize.
L'impact réel de l'accord dépendra de ses modalités d'application
Dans cet accord, nombre de revendications portées par les territoires semblent entendues. Par exemple, l’Etat prend en compte une évolution technologique importante en ciblant le déploiement de la couverture 4G, là où l’investissement massif dans la 3G agaçait des élus locaux peu favorables au développement d’une technologie déjà presque obsolète.
En outre, grâce au renouvellement précoce des autorisations de fréquences, l'Arcep pourra imposer très vite un caractère contraignant à ces nouveaux objectifs de couverture mobile, dont la progression sera vérifiée sur une base trimestrielle. Les opérateurs seront sanctionnés si les performances de qualité de service annoncées ne sont pas atteintes. De plus, le principe de mutualisation est soutenu, en dépit des réticences des opérateurs.
Si le gouvernement précise qu'il "associera particulièrement les collectivités territoriales, dont le rôle est crucial pour identifier les besoins de couverture et faciliter le déploiement des nouvelles infrastructures fixes et mobiles", on ne sait pas encore quelle procédure permettra de recenser les besoins les plus urgents, et de hiérarchiser les déploiements.
Ces derniers mois, de nombreuses collectivités s'organisaient et mutualisaient leurs moyens, à l'image du syndicat mixte Haute Saône numérique, pour bâtir de nouveaux pylônes sous maîtrise d'ouvrage publique. L'annonce d'investissements massifs issus du secteur privé devrait soulager les finances des intercommunalités et des départements, mais aussi rebattre les cartes des équilibres de gouvernance et des procédures.
Pour l'heure, les avancées l'emportent cependant sur le flou. Le sénateur Patrick Chaize s'est dit "très heureux" de cet accord et a salué le courage des opérateurs, dont les concessions au service de l'aménagement numérique ne sont pas anecdotiques. Le temps d'un "new deal" de la couverture mobile s'approche peut-être à grands pas.
Première association d’élus à réagir, l’Association des petites villes (APVF) s’est félicitée de cet accord, tout en se disant "vigilante sur le calendrier et les conditions d’application". Ainsi que sur la pleine association des collectivités à la mise en œuvre de cet accord, "notamment dans le cadre de l’identification des zones d’intervention et des mesures de simplification visant à faciliter le déploiement du réseau".