Marchés publics - Le futur code ne répond pas à la commande

Après trois mois de discussions serrées, la négociation entre le Conseil d'Etat et le gouvernement sur le futur Code des marchés publics arrive à échéance. Les positions d'Alain Ménéménis, rapporteur au Conseil d'Etat, laissent présager l'arrivée imminente d'un nouveau code... largement corrigé.

Alain Ménéménis, conseiller d'Etat et rapporteur du projet de décret réformant le Code des marchés publics au Conseil d'Etat, était invité, le 15 juin, à une conférence débat de l'Association des acheteurs des collectivités territoriales (Aact). Il partage le diagnostic de Jérôme Grand d'Esnon, le directeur des affaires juridiques du Minéfi qui, lui, porte le projet au nom du gouvernement. "La phase travail n'est pas terminée mais elle est très avancée !", affirment-ils tous les deux, mais visiblement il reste difficile de trouver d'autres terrains d'entente entre les deux hommes. 

Une première question se pose : comment se fait-il qu'un texte dont la principale vocation est seulement de transposer le droit européen en droit français fasse l'objet d'un débat si contradictoire ? La réponse est simple : c'est très exactement cet exercice de transposition qui oppose les deux protagonistes. Le gouvernement a tendance à interpréter de façon restrictive cette obligation vis-à-vis de la législation européenne. Le Conseil d'Etat se place au-dessus de la mêlée, se faisant le garant d'une transposition des directives Marchés publics de 2004, mais aussi des principes qui les gouvernent. 

Une définition différente des marchés publics

"Il est important, a expliqué  le conseiller d'Etat aux acheteurs des collectivités territoriales venus l'écouter, que vous gardiez à l'esprit que ce futur code transpose de façon critiquable les directives Marchés. Il faut continuer à vous référer en priorité à la législation européenne." Pour Alain Ménéménis, le futur code ne répond pas à la commande. Il ne concerne que l'Etat et les collectivités. Or, les directives, avec les pouvoirs adjudicateurs, ont un champ d'application beaucoup plus large. La notion même de marché public diffère. "Les contrats de partenariat tels qu'ils sont définis dans l'ordonnance de 2004, sont, au sens des directives, des marchés publics." Pour le rapporteur du projet au Conseil d'Etat, le futur code n'est donc pas l'achèvement du travail de transposition. "On attend depuis longtemps un toilettage des mesures concernant les marchés publics dans le CGCT, mais rien n'a été engagé jusqu'à présent."

Adaptations et clarifications admises

Parlant en son nom, car le Conseil d'Etat n'a pas encore tranché, Alain Ménéménis considère que la suppression du cahier des charges à l'issue de la première phase de dialogue compétitif, avant l'examen des offres définitives, va poser un problème aux acheteurs publics car "le travail de comparaison des offres va être délicat". Rappelant que le projet gouvernemental a voulu, dans l'article 51 du Code des marchés publics, faciliter la modification de la composition des groupements d'entreprises, le conseiller d'Etat a précisé quelle était la solution adoptée. "Si une des entreprises d'un groupement ne peut plus continuer la procédure pour une raison indépendante de sa volonté, le groupement pourra postuler au marché si, après vérification, ses capacités financières et techniques sont suffisantes. Lorsqu'un groupement sera ainsi affaibli, il pourra faire appel à un sous-traitant en demandant à l'administration de prendre en compte la capacité technique et financière de cette dernière entreprise pour évaluer celle du groupement." Reconnaissant que le nouveau texte va apporter de véritables progrès en matière d'exécution des marchés (avances, garanties), Alain Ménéménis s'est montré, à l'inverse, particulièrement sévère à l'encontre des mesures en faveur des PME.

Les mesures PME devraient être largement minorées

"Le droit a pour objet de permettre aux pouvoirs adjudicateurs de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Il n'y a pas de place pour une utilisation de la commande publique à d'autres fins ! Il n'est pas possible, a insisté le conseiller d'Etat, de favoriser telle ou telle entreprise parce qu'elle est petite ou sympathique ! Toutes ces annonces gouvernementales ne devraient pas aller bien loin." Comme l'a reconnu, lors de la manifestation Planète PME, Jérôme Grand d'Esnon, la disposition concernant l'allotissement va être assouplie. Pour la disposition qui, dans les appels d'offres restreints, imposerait aux acheteurs de sélectionner des PME au nombre des candidats, Alain Ménéménis est là aussi formel : "Le code précise qu'on ne peut utiliser que des critères relatifs aux marchés pour sélectionner les candidats." Terminant son intervention en mettant en exergue des points qui risquaient de passer inaperçus, le rapporteur du projet de décret se déclare opposé à la modification, dans l'article premier, de la définition de marchés de travaux. Cette modification consisterait à supprimer l'un des critères, l'obligation qu'une personne publique (collectivités territoriales, Etat) exerce la maîtrise d'ouvrage. Le gouvernement serait prêt à suivre cette position sur ce sujet. On peut maintenant s'attendre, à la lumière de l'exposé d'Alain Ménéménis, à un nouveau code largement corrigé.

Clémence Villedieu

 

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