Le design de service public pour "adapter les solutions jusqu'au premier centimètre" de l'usager
Partir du terrain, des besoins des usagers, du vécu des agents et associer les parties prenantes pour concevoir des solutions concrètes et personnalisées : c'est la mission du designer de services publics, un métier encore récent au sein de l'administration et présenté lors du "RDV de la DITP" (direction interministérielle de la transformation publique) du 25 juin 2024.
Le job des designers tient en trois mots, selon Ariane Epstein : "1 : écouter les besoins, 2 : imaginer les solutions et 3 : tester et expérimenter." Les designers sont, estime la cheffe du pôle "design public", au service innovation et participation citoyenne de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), "des éponges créatives qui vont absorber, se nourrir du vécu des gens pour proposer des solutions qui répondent à leur problème". Avec Grégoire Tirot, chef du service innovation et participation citoyenne de la DITP, Ariane Epstein a ouvert le "RDV de la DITP" du 25 juin 2024, organisé sur le thème "design de services publics : partir du vécu des usagers et des agents pour transformer". Tous deux ont détaillé l'impact du design pour porter la transformation des organisations publiques.
"Plus proche, plus efficace, plus performant, plus inclusif"
"Nous allons en immersion sensible, sur le terrain pour nous ajuster aux attentes du réel", poursuit Ariane Epstein, qui avertit qu'il "ne s'agit pas de se projeter". Ensuite, "quand nous allons fabriquer et tester, c'est pour adapter les solutions jusqu'au premier centimètre de l'usager, là où se vivent les choses", poursuit-elle. Ariane Epstein donne l'exemple "un peu ancien" du nouveau vélo de ville pour lequel un designer a pu être démarché : "Ce n'est peut-être pas tant que ce nouveau vélo doit être léger, en carbone ou innovant", décrit-elle. "C'est plus que ce nouveau vélo de ville ne doit pas prendre de place chez les gens", poursuit-elle avant de conclure qu'en fait, "la réponse c'était plutôt un réseau de vélos en libre-service". C'est ainsi que le designer va "interroger le besoin, challenger la demande pour garantir que le service offert soit plus proche des usagers, plus efficace, plus performant et aussi plus inclusif".
Être plus juste" by design"
"Pour l'État, cela reste une véritable révolution copernicienne que de partir du vécu de l'usager et du terrain", reconnaît Grégoire Tirot de la DITP. "Cela exige une transformation interne très forte car avant on imaginait des dispositifs depuis l'administration qui pensait le besoin de l'usager… Aujourd'hui on pense plutôt 'moments de vie' de l'usager", résume-t-il.
En quoi cette méthode est-elle un accélérateur de la transformation publique ? Selon Grégoire Tirot, "le changement ne se décrète pas, il faut partir du terrain". Il rappelle ce slogan politique : "le changement c'est maintenant" - et le compare au design, avec lequel "le changement c'est ici" afin qu'il existe une proximité entre l'action et les bénéficiaires. Ainsi, on connaît un "changement de philosophie". Selon lui, le design tente de répondre à une équation à trois facteurs entre les usagers, l'administration et une intention. Il décrit le design comme permettant "un alignement entre l'intention et ses acteurs pour être plus juste 'by design' dès la conception". "En cela c'est un accélérateur car l'on réussit la transformation du premier coup", conclut-il.
Une maturité différente selon les administrations
Grégoire Tirot rappelle toutefois qu'en la matière, l'État n'a pas été le premier. Le design est d'abord né dans les collectivités territoriales il y a une quinzaine d'années puis a fait sa place dans la fonction publique hospitalière. Il s'est ensuite introduit au sein de l'État par le biais du digital diffusé via la direction interministérielle du numérique (Dinum). Aujourd'hui, c'est le lien entre l'usager et l'administration au guichet et au téléphone qui est travaillé, et cela de "manière naturelle", affirme le chef du service innovation et participation citoyenne de la DITP, une administration dotée d'un pôle de designers. Il rappelle par ailleurs l'existence d'un réseau des designers publics "qui permet de diffuser les bonnes pratiques et la culture du design".
Cette démarche a également gagné le terrain avec le réseau de 16 laboratoires d'innovation territoriale, un par région, placé sous l'autorité du préfet de région. "Nous avons créée 25 emplois dont 12 de designers qui sont en train d'être recrutés", lance Grégoire Tirot qui liste des postes à pourvoir à la Réunion, à Toulouse, à Bordeau, à Marseille, etc. Des fiches de poste sont en train d'être publiées sur le site du de la DITP et sur le site Choisir le service public.
Côté formations, on signalera enfin un module de design de formation initiale à l'Institut national du service public (INSP). Une formation continue sur le "réflexe design" devrait être disponible courant du dernier trimestre 2024 sur le site du Campus de la transformation et sur Mentor.gouv.fr.