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Le déploiement d'Alicem reporté, un débat sur la reconnaissance faciale annoncé

Face à la polémique suscitée par Alicem, une application mobile de l'ANTS utilisant la reconnaissance faciale, le gouvernement a décidé de reporter un déploiement initialement envisagé en novembre. Plusieurs instances devraient plancher sur l'usage de la reconnaissance faciale qui se déploie aujourd'hui sans cadre juridique adapté. Leurs travaux devraient déboucher sur l'organisation d'un débat citoyen.

Le projet est né d'une intention louable : simplifier et sécuriser l'accès aux services publics en ligne. Porté par le ministère de l'Intérieur, Alicem, pour "authentification en ligne certifiée sur mobile" - permet en effet d'utiliser son mobile pour s'authentifier sur un site public sans avoir à renseigner d'identifiants et mots de passe. En pratique, l'usager doit posséder un passeport biométrique (à puce) et un smartphone Android récent équipé de la technologie NFC. Le smartphone permet de lire le contenu de la puce pour accéder à la photo de l'usager. Lors de l'installation d'Alicem, la photo du passeport et une petite vidéo prise par l'usager sont envoyées au serveur de l'ANTS pour être analysées par un algorithme développé par Gemalto (groupe Thalès) qui établit la correspondance entre les deux. Dès lors l'usager peut s'authentifier sur un site en utilisant la caméra de son smartphone. Piloté par l'ANTS, le projet a fait l'objet d'un décret en mai 2019. Ce texte autorise l'usage de technologies de reconnaissance faciale "statiques"(photo) et "dynamiques" (vidéo), et ouvre la possibilité pour un smartphone de lire, à l'aide de la technologie sans contact, certaines données d'identité stockées dans la puce, à l'exception des images des empreintes digitales. Alicem est en test depuis plusieurs mois au sein de l'ANTS où une centaine d’employés de l’ANTS l'évaluent, son ouverture au public étant prévue à l'origine en novembre 2019.

Une enfreinte au RGPD ?

Dès son lancement, le projet a suscité des réserves. Celles-ci sont d'abord venues de la Cnil qui, dans son avis en date du 18 octobre 2018, reproche au dispositif de ne pas proposer de solution alternative à la reconnaissance faciale pour bénéficier de cette solution d'identité numérique. Une absence d'alternative qui enfreindrait le RGPD, alors même que ces solutions existeraient : déplacement en préfecture ou visiophonie avec un agent de l’ANTS. Un avis partagé par l'association la Quadrature du net qui a attaqué ce décret auprès du Conseil d'Etat en juillet dernier. Mais au-delà de l'absence de choix pour l'utilisateur ou des interrogations sur la sécurité d'Alicem, le débat s'est déporté rapidement sur l'opportunité d'utiliser la reconnaissance faciale. Certains voient dans Alicem la porte ouverte à une banalisation de l'usage de cette technologie dans la sphère publique avec un possible détournement du dispositif à des fins de surveillance.

Concertation et report d'Alicem

La polémique a singulièrement enflé ces dernières semaines obligeant les pouvoirs publics à clarifier ce projet. Le secrétaire d'État au numérique Cedric O a dénoncé dans une interview au Monde  "les fantasmes" suscités par une technologie qui "offre de nouveaux usages, de nouvelles opportunités". Il a estimé cependant que les expérimentations étaient nécessaires "pour que nos industriels progressent". Et pour calmer les esprits, il a annoncé toute une batterie de concertations. Ainsi une "instance spécifique" crée en concertation avec la Cnil va être créée prochainement pour évaluer les expérimentations. Les administrations et régulateurs membres de cette instance travailleront "sous la supervision de chercheurs et de citoyens". Par ailleurs, le Conseil national du numérique et les députées Paula Forteza et Christine Hennion vont être missionnés sur Alicem. Leurs recommandations sont un préalable à l'ouverture grand public de l'application pour smartphone. Ces travaux en petit comité doivent déboucher sur un débat citoyen.

L'ANTS défend son projet

De son côté, le directeur de l'ANTS, Jérôme Létier a multiplié les prises de parole pour défendre l'application. Dans une interview au journal 01net, il précise que "les seules informations gardées sur un serveur central certifié sont les identifiants. Aucune photo n’est stockée par Alicem. Le cliché pris par l’usager lors de l’étape de reconnaissance faciale reste en local dans le téléphone de l’utilisateur" et de souligner qu'Alicem "est une simple option, elle n’a aucune vocation à devenir le canal unique d’accès aux services publics". Quant à l'absence de choix, il rappelle qu'"Alicem est déjà, en soi, une option supplémentaire donnée aux citoyens par rapport aux autres systèmes d’identification en ligne (Améli, FranceConnect, impots.gouv.fr, etc.)."

 

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