Réchauffement climatique - Le déficit neigeux oblige les élus de montagne à réinventer les vacances d'hiver
Le bilan économique de certaines stations de montagne est sévère pour l'hiver 2006-2007, du fait de la tendance confirmée du déficit neigeux. Les stations pyrénéennes font partie des plus touchées. De petites stations affichent jusqu'à 80% de perte de chiffre d'affaires en fin de saison. Dans d'autres, le recul est plus modéré : entre 40 et 50%. Cette situation a conduit les élus pyrénéens à lancer un appel à la solidarité nationale à l'occasion de la réunion organisée par l'Association nationale des élus de la montagne (Anem) le 27 mars à Villeneuve-de-Rivière (31). Les élus du massif des Pyrénées ont adopté une motion appelant à la mise en place d'un fonds de solidarité étendu à l'ensemble du personnel des stations, et notamment des travailleurs saisonniers employés en régie directe. En outre, ils souhaitent que le gouvernement abonde un fonds Neige à un niveau au moins équivalent à celui du système Nivalliance (assurance mutualisée dont l'objectif est de couvrir les aléas d'exploitation des remontées mécaniques). Ces propositions s'inscrivent dans la continuité de la réunion interministérielle du 8 février dernier, reprises dans la circulaire du 28 février 2007 relative au dispositif d'intervention en faveur des collectivités et entreprises affectées par les déficits neigeux.
Situation financière tendue
Selon les données fournies par le Syndicat national des téléphériques de France, le nombre de journées skieurs enregistrées pendant les vacances d'hiver de décembre et de février, est en recul de 11% par rapport à la saison 2005-2006. Même si "la perception des stations concernant la saison 2006-2007 est plutôt positive, les professionnels de la montagne constatent cependant une baisse importante du pouvoir d'achat et un recul de la consommation dans les restaurants et les commerces", a confirmé l'Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) dans un communiqué du 22 mars sur les "Tendances touristiques - quatrième vague de l'observation nationale des stations de montagne". L'ANMSM soulignait le succès des activités complémentaires au ski "telles que les visites culturelles et surtout les promenades à pied", même si le ski reste le moteur économique des stations de montagne. D'après le Memento du tourisme édition 2006, 66,7% des personnes effectuant un séjour à la montagne pratiquent les sports d'hiver et les vacances de février constituent traditionnellement plus de la moitié du chiffre d'affaires des stations. Pour cette raison, les stations s'équipent de plus en plus de canons à neige, ce qui permet de pallier ponctuellement l'absence de poudreuse.
Les canons à neige en question
Aujourd'hui près de 190 stations - sur 300 en France - sont déjà équipées en canons à neige. Ces équipements utilisent de l'eau issue des nappes souterraines, du réseau d'eau potable, et même parfois des glaciers. De nombreuses communes investissent dans des retenues collinaires pour assurer l'approvisionnement en eau des canons (55% de l'alimentation). Aujourd'hui, 70 retenues d'altitude sont recensées dans les départements alpins et une vingtaine sont en projet. Leur taille ne cesse d'augmenter : la station du Grand-Bornand (74) vient ainsi de battre un record européen avec un nouveau bassin de 400.000 m3, soit 200 fois le volume d'une piscine olympique. Au total, la neige artificielle consomme près de 15 millions de mètres cubes par hiver en France, soit l'équivalent d'une ville de 170.000 habitants. Quelques conflits d'usage commencent à émerger dans certains villages des Alpes, "château d'eau de l'Europe". Au cours de la précédente saison, la mairie des Houches (74) a ainsi demandé aux propriétaires de canons à neige de réduire leur débit pour ménager un réseau d'eau potable vétuste et à faible rendement. Néanmoins, face à la réalité climatique, les élus sont en majorité favorables à l'utilisation des canons pour la "survie" économique des zones de montagne. Dans leur motion adoptée le 27 mars, les élus pyrénéens ont d'ailleurs demandé au gouvernement un crédit spécifique au financement de la neige de culture, "dès lors que les conditions techniques et économiques, notamment, le permettent". Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, devait étudier ces propositions.
Sophie Besrest / Victoires Editions