Le Défenseur des droits plaide pour une politique d'ensemble en faveur de la petite enfance
Le 20 novembre, à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, Jacques Toubon, le Défenseur des droits, et Geneviève Avenard, son adjointe et Défenseure des enfants, ont présenté le rapport 2018 de cette dernière, intitulé "De la naissance à six ans : au commencement des droits". Comme son titre l'indique, le rapport est entièrement centré sur la petite enfance - soit 5,2 millions d'enfants -, sous la forme d'un plaidoyer pour "une politique d'ensemble en faveur de la petite enfance".
Les moins de six ans ont des droits
Placé sous le patronage moral de Thomas Berry Brazelton, le célèbre pédiatre américain mort centenaire cette année ("Le bébé est une personne"), et de Françoise Dolto, le rapport 2018 consacré aux moins de six ans entend donc explorer "si et comment leurs droits [sont] appréhendés et effectivement mis en œuvre, au plan individuel comme au plan collectif".
Le document rappelle effectivement que les moins de six ans ont des droits, au sens juridique du terme, en particulier à travers des textes comme la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989, avec notamment l'introduction de la notion d'"intérêt supérieur de l'enfant". Le rapport insiste également sur le fait que "l'effectivité de ces droits est déterminante pour le développement de l'enfant".
Le bilan est loin d'être négatif, puisque "les nombreux rapports et études consacrés à la petite enfance ces dernières années témoignent de la prise de conscience grandissante, par les pouvoirs publics, de l'importance de cette tranche d'âge et de la nécessité de mieux connaître l'environnement, les besoins, les parcours ou les difficultés des tout petits enfants pour définir des politiques publiques qui leur soient adaptées". La Défenseure des droits constate d'ailleurs des progrès bien réels, comme la redéfinition des programmes de l'école maternelle en 2015. Néanmoins, "les efforts doivent être poursuivis", notamment en matière de prise en compte de la parole des enfants, d'adaptation aux besoins individuels de l'enfant, de transition entre les structures de la petite enfance et l'école ou de développement d'offres d'accueil plus flexibles.
Le rapport dénonce au passage, comme l'a déjà fait le Défenseur des droits, "la violence induite par l'enfermement en centre de rétention administrative des tout petits enfants, qui, même pour une brève période, entraîne chez eux des troubles anxieux et dépressifs, des troubles du sommeil, des troubles du langage et du développement".
"Renforcer la capacité collective"
De façon plus large, la Défenseure des enfants propose de "renforcer la capacité collective", en développant une stratégie globale pour la petite enfance. Ceci passe, en premier lieu, par un décloisonnement des interventions dans le champ de la petite enfance. Ceci suppose aussi un renforcement des dispositifs de prévention et d'accompagnement à la parentalité, notamment en améliorant la précocité des interventions.
Ces orientations générales se traduisent par 26 recommandations. Parmi celles intéressant le plus directement les collectivités territoriales figurent notamment la formation des enseignants et des agents territoriaux intervenant au sein des écoles maternelles à la connaissance des stades de développement et leur sensibilisation aux droits de l'enfant, ou encore la mise sur pied d'activités d'éducation nutritionnelle dans les structures d'accueil de la petite enfance et les écoles maternelles, ainsi que le renforcement de la mixité dans les métiers de la petite enfance. De même, le Défenseur des droits recommande aux départements et aux établissements hospitaliers de désigner "dans les meilleurs délais" un médecin référent en protection de l'enfance.
Développer une offre périscolaire abordable
Une autre recommandation vise le développement d'une "offre abordable permettant la participation de tous aux activités périscolaires, d'encourager une répartition plus homogène des lieux d'accueil périscolaire sur le territoire et d'assurer le respect de leur vocation inclusive". Le rapport préconise aussi d'améliorer la formation, initiale et continue, des professionnels qui interviennent dans le domaine de la petite enfance sur la prise en charge des jeunes enfants en situation de handicap. Il demande également aux collectivités publiques de "prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l'accès effectif de tous les enfants, sans aucune discrimination, aux modes d'accueil collectif de la petite enfance, notamment en développant des offres d'accueil flexibles permettant des temps de présence modulables de l'enfant".
Dans le même esprit, il recommande de soutenir budgétairement les dispositifs d'accueil enfants/parents - en insistant sur la formation des professionnels à l'interaction bienveillante et non prescriptive avec les parents - et de renforcer l'information des parents sur les ressources et lieux auxquels ils peuvent recourir pour être accompagnés dans leur parentalité au bénéfice de leurs enfants.
Une campagne sur les violences intrafamiliales
Autre événement lié à la Journée internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre : le ministère des Solidarités et de la Santé a lancé une campagne d'information grand public sur les violences intrafamiliales envers les enfants. Il s'agit en l'occurrence de sensibiliser les Français "pour mobiliser chacune et chacun, pour inciter à agir", mais aussi de "rappeler à tous comment agir : face à la maltraitance ou dans le doute, il faut appeler le 119".
La campagne consiste en la diffusion d'un "film choc" sur France 2 et sur un recours aux réseaux sociaux, avec deux vidéos réalisées par les youtubers Emy LTR et Max Bird et diffusées sur leurs chaînes.
A cette occasion, le ministère rappelle que 131 mineurs ont été victimes d'infanticides en 2016, dont 67 dans le cadre intrafamilial. Parmi ces enfants décédés sous les coups d'un parent ou d'un proche, près de quatre sur cinq avaient moins de cinq ans. De même, 143.000 enfants sont exposés à des violences conjugales (dont 42% ont moins de 6 ans) et 96 enfants sont devenus orphelins à la suite d'homicides commis au sein du couple (dont 69 étaient présents lors de l'homicide). Et pourtant, ajoute le ministère, "ces chiffres ne sont qu'une partie de la réalité. En effet, les maltraitances faites aux enfants ne se limitent pas aux violences physiques et sexuelles, et toutes ne donnent pas lieu à un dépôt de plainte".