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Urbanisme - Le Conseil d'Etat refuse l'annulation partielle de la décision de préemption sur une unité foncière située en partie en zone agricole

Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 7 juillet 2010, rappelle qu’en application de l’article L.213-2-1 du Code de l’urbanisme (C.U.), le titulaire du droit de préemption peut exercer ce droit sur une unité foncière située en partie dans le périmètre d’exercice du droit de préemption lorsqu’une opération d’aménagement le justifie. Seul le propriétaire peut exiger l’acquisition totale de l’unité foncière ou une indemnisation pour dépréciation du surplus. A défaut, le titulaire de ce droit ne peut préempter des biens exclus du périmètre.

En l’espèce, une délibération du conseil municipal de la commune de Châteaudouble avait autorisé l’exercice du droit de préemption urbain sur quatre parcelles dont l’une était située en partie sur une zone agricole. Les propriétaires ont contesté cette décision devant le tribunal administratif de Toulon qui l’a déclarée illégale. La cour administrative d’appel de Marseille, saisie par la commune, a estimé que l’affaire relevait plutôt de la compétence du Conseil d’Etat. Celle-ci lui a été transmise en application de l’article R.351-2 du Code de justice administrative.

Le Conseil d’Etat se fonde classiquement sur les dispositions de l’article L.213-2-1 C.U. pour rappeler, conformément à sa propre jurisprudence, que la commune ne peut exercer son droit de préemption sur la totalité de l’unité foncière puisqu’une des parcelles est en partie incluse dans une zone agricole. En effet, selon les dispositions de l’article L.211-1 C.U., "les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (…)", les zones agricoles en étant donc exclues.

Il ressort des dispositions de l’article L.213-2-1 précité, issu de la loi "solidarité et renouvellement urbain" du 13 décembre 2000, que les préemptions partielles sont autorisées. Le propriétaire peut se voir proposer l’aliénation de la partie de son bien située sur le périmètre de préemption. Dès lors, trois possibilités s’offrent à lui : il peut accepter cette préemption partielle en échange d’une indemnité pour l’éventuelle dépréciation de la partie de son bien restant, requérir l’emprise totale de sa parcelle ou encore renoncer intégralement à l’aliénation. Ainsi, le titulaire de ce droit ne peut user de sa prérogative pour acquérir l’intégralité de la parcelle comprenant une part hors champ du périmètre de préemption, excepté si le vendeur lui en fait la demande.

Cette disposition élargit le champ d’action du titulaire du droit de préemption urbain. Auparavant, il ne pouvait agir ni à l’extérieur du périmètre ni à l’intérieur du périmètre car l’unité foncière, située en partie dans une zone non soumise à préemption et décrite dans la déclaration d’intention d’aliéner, ne peut être modifiée par l'autorité préemptrice.

Le législateur a donc conforté le courant jurisprudentiel initié par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 23 juin 1995, commune de Bouxières-aux-Dames (n°128151), en accordant la possibilité pour le titulaire d’utiliser ce droit sur la partie de l’unité foncière intégrée à la zone où la préemption est admise. Par conséquent, dans son arrêt du 7 juillet 2010, le Conseil d’Etat confirme l’annulation de la délibération autorisant la préemption par la commune de Châteaudouble de la parcelle en son entier.

L’intérêt du présent arrêt réside dans la position prise par le juge administratif sur l’étendue de l’annulation prononcée. En effet, le juge aurait très bien pu requalifier la décision en préemption partielle au lieu de l’annuler dans son intégralité. Le Conseil d’Etat aurait ainsi pu maintenir la préemption réalisée par la commune en zone urbaine ou en zone à urbaniser sur trois des parcelles, et annuler la décision uniquement en ce qu’elle concerne la partie d’une parcelle située en zone agricole.

La Haute Juridiction a donc souhaité faire primer le caractère indivisible de la décision de préemption et l’annuler dans son intégralité, ce qui doit mettre en garde les collectivités sur l’usage de leur droit. L’annulation partielle d’une décision n’étant pas automatique, l’autorité préemptrice doit bien se garder de procéder à une préemption de l’intégralité d’une unité foncière dont une partie même infime se trouve hors du périmètre d’exercice du droit de préemption. Dans le cas contraire, le juge n’hésitera pas à annuler purement et simplement la décision.


Fanny Morisseau, avocat à la Cour, Cabinet de Castelnau

 

Référence : Conseil d’Etat, 07 juillet 2010, commune de Châteaudouble, n°331412.
 

 

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