Le Conseil constitutionnel valide la loi Énergies renouvelables, mais traque une dizaine de cavaliers législatifs
La loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables a passé sans trop de difficultés le cap du Conseil constitutionnel, et devrait donc être promulguée dans les prochains jours. Une dizaine d’articles, sans rapport avec l'objet du texte, ont néanmoins été retoqués en tant que cavaliers législatifs.
Saisi de deux recours émanant, l’un et l’autre, de plus de soixante députés (RN et LR), début février, concernant huit articles de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce 9 mars (n° 2023-848 DC). Les Sages les jugent tous conformes à la Constitution, écartant les griefs des élus, mais censurent d’office pour défaut de portée normative ou comme cavaliers législatifs onze autres articles.
Les députés RN rejoints par les élus LR contestaient tout d’abord le mécanisme de modulation tarifaire pour soutenir des projets d'énergies renouvelables dans des zones aux conditions d’implantation moins favorables (article 17). Le Conseil remarque pour écarter le grief d’une rupture d’égalité que "les producteurs d’énergies renouvelables sont, au regard de l’objet de la loi qui est d’encourager une répartition territoriale équilibrée des projets de production d’énergies renouvelables, dans une situation différente des autres producteurs d’énergie".
Validation des raisons impératives d'intérêt public majeur
Les deux saisines s’en prenaient également à la reconnaissance de raisons impératives d'intérêt public majeur (RIIPM) pour certains projets renouvelables, une mesure destinée à limiter certains contentieux (article 19). Peine perdue. Le Conseil relève que la loi vise "à favoriser la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie" et poursuit donc "un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement".
Autre cible des critiques, les dispositions de l’article 23 prévoyant que l’auteur d’un recours contre une autorisation environnementale est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur et au bénéficiaire de la décision. Le Conseil y voit toutefois "l’accomplissement d’une simple formalité visant à assurer, suivant un objectif de sécurité juridique, que les bénéficiaires d’autorisations environnementales sont informés rapidement des contestations dirigées contre les autorisations qui leur sont accordées". Est donc écarté le grief tiré d’une violation du droit à un recours juridictionnel effectif. À l’article 24, qui institue un fonds d’assurance facultatif au bénéfice des exploitants d’installations de production d’énergies renouvelables - destiné à compenser, en cas d’annulation prononcée par le juge, une partie des pertes financières -, est de même repoussée la rupture d’égalité invoquée. Tout comme une méconnaissance du principe de précaution par l’article 56, qui se borne, relève le Conseil constitutionnel, à préciser le contenu du document de planification de l’espace maritime et n’a donc "ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles d’implantation des éoliennes ou d’en autoriser l’implantation".
Les requérants se sont par ailleurs montrés un peu à court d’arguments…Les députés RN développaient ainsi une critique générale des ambitions du législateur sur le recours à l’éolien et des risques induits par la loi prise en son ensemble, sans contester sur le sujet aucune disposition particulière de la loi déférée. Le Conseil a pour cette raison balayé d’un revers de main leur requête, comme il a écarté celle dirigée contre les articles 40, 41 et 43 relatifs à l’obligation d’équiper certains bâtiments ou parcs de stationnement de procédés de production d’énergie renouvelable, les députés LR ne formulant "aucun grief particulier à leur encontre".
Chasse aux cavaliers législatifs
On en relèvera certains très techniques, touchant par exemple aux opérations d’autoconsommation collective d'électricité : levée de l'interdiction pour les producteurs y participant d’en faire leur activité principale (art. 48) et obligation pour les organismes HLM d’affecter prioritairement les surplus des opérations d’autoconsommation à la réduction de certaines charges des parties communes (art. 49).
D’autres prévoyaient la remise au Parlement de rapports : sur les conditions de la mise en place de la réglementation thermique, notamment dans les bâtiments tertiaires, dans les collectivités d’outre‑mer (art. 46), sur des propositions visant à clarifier la répartition de la compétence "énergie" entre les différents niveaux de collectivités territoriales, de façon à alimenter la prochaine loi de programmation de l’énergie (art. 94), sur la fiscalité énergétique outre-mer (art. 111) ou encore l’évaluation du potentiel d’utilisation des biocarburants outre‑mer (art. 115).
D’autres enfin touchaient plus particulièrement le bloc local, qu’il s’agisse, dans le cadre de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets, de valorisation énergétique réalisée à partir de combustibles solides de récupération dans des installations de production simultanée de chaleur et d’électricité (art. 79) ou de compléter le contenu du rapport mentionné à l’article L. 2311-1-1 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir qu’il doit exposer les actions menées en faveur de la transition énergétique (art. 97).
Notons que la publication par Voies navigables de France (VNF) d’une stratégie pluriannuelle de développement des énergies renouvelables, également sans lien avec le projet de texte initial, a elle aussi été retoquée.
Enfin, l’article 65 de la loi - qui se résume à prévoir que l’État, en cohérence avec les collectivités, facilite les opérations d’aménagement des infrastructures portuaires nécessaires au développement des projets de production d’énergies renouvelables en mer - est censuré par le Conseil constitutionnel car "dépourvu de portée normative".