Le Conseil adopte définitivement deux réformes clés du marché de l'énergie en Europe

En discussion depuis plus d'un an, la réforme du marché européen de l'électricité a été définitivement adoptée par le Conseil de l'UE ce mardi 21 mai. En même temps que le paquet "gaz décarboné et hydrogène".

Le Conseil de l'UE a entériné, mardi 21 mai, deux réformes importantes pour le marché de l'énergie en Europe : la réforme du marché de l'électricité et le paquet "gaz décarboné et hydrogène".

"Ces réformes soulignent la détermination de l’Europe à poursuivre la transition vers une énergie propre tout en renforçant la sécurité de l’approvisionnement et la protection des consommateurs et en s’appuyant sur les enseignements tirés de la crise énergétique", se félicite la Commission dans un communiqué du 21 mai.

Assurer des prix plus stables pour les consommateurs, les entreprises ou les collectivités tout en encourageant les investissements dans les énergies décarbonée (y compris le nucléaire) : c'est la double promesse de la réforme du marché européen de l'électricité qui avait été annoncée pour la première fois par la présidente de la Commission en septembre 2022. Cette réforme trouve son origine dans la crise énergétique de 2021-2022 sur fond d'envolée des cours du gaz (voir notre article du 16 janvier 2023). Elle entrera en vigueur vingt jours après sa publication au Journal officiel de l'UE.

La Commission avait mis sur la table sa proposition de réforme le 14 mars 2023 (voir notre article du 20 mars 2023). Les négociations entre les deux colégislateurs (Conseil et Parlement) avait débuté le 19 octobre 2023 (voir notre article du 19 octobre 2023), avant un accord provisoire trouvé le 13 décembre. Le Parlement avait voté le texte le 11 avril (voir notre article du 15 avril 2024).

Concrètement, sans remettre en cause le principe du "merit order" - selon lequel les prix de gros de l'électricité sont déterminées par le la "dernière centrale" utilisée pour équilibrer le réseau, généralement une centrale à gaz – le règlement encourage les contrats de longs termes (PPA) entre producteurs d'électricité et industriels ou revendeurs d'électricité. L'objectif est de lisser les prix dans le temps pour se prémunir de la volatilité des prix du marché. 

Soutien à l'investissement, y compris dans le nucléaire

Les États membres, eux, sont invités à signer des contrats pour différence (CFD) bidirectionnels :  si le prix du marché est supérieur au prix garanti fixé dans le contrat, le producteur doit s'engager à reverser ses revenus excédentaires à l'État (cet argent peut être reversé aux clients finaux ou être investi dans le réseau) ; à l'inverse, si le marché décroche, l'État vient à la rescousse. L'enjeu : assurer une stabilité afin de garantir les investissements dans la production d'électricité.  "Les contrats bilatéraux de différence peuvent s'appliquer aux investissements dans de nouvelles installations de production d'électricité basées sur l'énergie éolienne, l'énergie solaire, l'énergie géothermique, l'hydroélectricité sans réservoir et l'énergie nucléaire", rappelle le Conseil. Une petite argutie permettra d'étendre les CFD aux centrales existantes mais de manière non obligatoire. Les Etats membres seront habilités à accorder des régimes d'aides "dans le cas de nouveaux investissements destinés à rééquiper de manière substantielle les installations de production d'électricité existantes, à augmenter sensiblement la capacité ou à prolonger la durée de vie desdites installations"; précise le règlement. Après d'âpres négociations (en particulier avec l'Allemagne), Paris a ainsi obtenu que le nucléaire puisse en bénéficier.

Par ailleurs, la réforme donne la possibilité au Conseil de déclarer une "situation de crise", sur recommandation de la Commission, en cas d'envolée durable des prix sur les marchés de gros. Ce qui permettra aux États de prendre des mesures de protection pour les clients "vulnérables", telles que le bouclier tarifaire.

Il est également prévu d'interdire les coupures de courant pour les clients vulnérables ou en situation de précarité énergétique, même en cas de différend entre ces mêmes clients et leur fournisseur.

Limiter les importations de gaz russe

Quant au paquet "gaz décarboné et hydrogène" (comprenant un règlement et une directive), il fait partie du paquet "Fit for 55" qui vise à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55% d'ici à 2030. Présenté par la Commission en décembre 2021, il a lui aussi été adopté par le Parlement le 11 avril. Il vise une élimination progressive des importations de gaz naturel à horizon 2049 et pose les bases d'un marché de l'hydrogène, sous l'auspice de la Banque européenne de l'hydrogène. La Commission pilotera un plan quinquennal pour rapprocher offre et demande d'hydrogène. "Le cadre actualisé du marché du gaz garantit que les gaz décarbonés et l’hydrogène peuvent circuler dans toute l’Europe et donne aux États membres la possibilité d'arrêter ou de limiter les importations de gaz par gazoduc et de GNL en provenance de Russie et du Belarus, conformément aux objectifs REPowerEU", commente la Commission.

Ces deux réformes marquent l’aboutissement d’un long processus qui a véritablement démarré en 2015, bien avant la guerre en Ukraine donc, mais dans les remous de l’annexion de la Crimée, avec la stratégie pour une Union de l’énergie résiliente (voir notre article du 2 mars 2015).

 

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