Le Comité des régions regarde passer le train des accords commerciaux
Les échanges commerciaux entre l’UE et ses "partenaires préférentiels" ont pour la première fois – largement – dépassé le seuil des 2.000 milliards d’euros en 2022, souligne un rapport de la Commission qui devait être présenté ce 12 février au Comité européen des régions. Un Comité qui, s’il ne peut plus participer au groupe consultatif d’experts sur les accords commerciaux, lequel a disparu avec la commission Juncker, continue de plaider pour l’institution d’"analyses d’impact territorial" de ces accords.
Alors que la perspective d’un accord de libre-échange avec le Mercosur continue d’alimenter les débats et de nourrir les dissensions au sein des 27 (v. notre article du 2 février), la Commission européenne devait présenter ce 12 février devant la commission ECON du Comité européen des régions son 3e rapport annuel sur "la mise en œuvre et l’application des accords commerciaux de l’UE".
Plus grand réseau d’accords au monde
Publié en décembre dernier, ce rapport met en exergue le fait que la valeur du commerce de l’Union tirée de ces accords a dépassé pour la première fois, en 2022, le seuil des 2.000 milliards d’euros. 2.434 milliards, très exactement : 1.254 milliard d’exportations et 1.180 milliard d’importations. Au cours de cette même année 2022, 31 obstacles au commerce ont été supprimés avec 19 pays partenaires.
L’UE dispose "du plus grand réseau d’accords commerciaux au monde" – 42 avec 74 pays au total –, est-il souligné. Il représente désormais 44% de l’ensemble de ses échanges commerciaux. Près de 60% de ce "commerce préférentiel" est réalisé avec 5 partenaires : le Royaume-Uni (22,5% de ces échanges commerciaux préférentiels), la Suisse (13,7%), la Norvège (9,4%), la Turquie (8,1%) et le Japon (5,8%). Les États-Unis et la Chine restant au global les deux principaux partenaires commerciaux de l’Union.
Le rapport souligne encore que ces accords – singulièrement les plus récents, conclus avec la Corée du Sud, le Canada et le Vietnam – ont soutenu la croissance des exportations de l’Union. En ouvrant de nouvelles possibilités d’exportations, ils ont rendu ces dernières "plus résilientes face aux chocs géopolitiques", insiste la Commission (les exportations de l’UE vers la Russie ont chuté de 38% en valeur et de moitié en volume entre 2021 et 2022). Et de citer par exemple une augmentation de 136% des exportations de viande vers le Canada. La Commission rappelle que ces accords jouent en outre un rôle important pour les importations, notamment de matières premières critiques, en consolidant les chaines d’approvisionnement et en diversifiant les sources.
L’UE, premier opérateur commercial mondial de l’agroalimentaire
Avec 229 milliards d’euros d’exportations et 171 milliards d’euros d’importations en 2022, l’UE reste le premier opérateur commercial mondial dans le secteur des produits agro-alimentaires. Les exportations de ces produits vers les "partenaires préférentiels" ont augmenté de 17,5% (vs +13,5% avec les partenaires "non préférentiels"). Une augmentation portée par les céréales, les préparations à partir de céréales et les produits laitiers.
Les importations en provenance de "partenaires préférentiels" ont, elles, augmenté de 28%. Celles en provenance de "partenaires non préférentiels" ont même cru de 37,1%. Une croissance notamment portée par le soja et le café, "deux principaux produits de base importés pour lesquels les prix ont le plus augmenté" et qui proviennent presque entièrement des pays "non préférentiels" que sont le Brésil, l’Argentine et les États-Unis. À noter qu’en 2022, l’Ukraine a dépassé les États-Unis en tant que troisième principale source d’importations de produits agroalimentaires de l’UE (derrière le Brésil et le Royaume-Uni).
Feu le groupe d’observation
Pour le Comité européen des régions, la présentation de ce rapport annuel est venue remplacer le rôle "d’observateur" de ces accords qui lui avait un – court – temps été accordé. En 2017, la Commission européenne avait en effet créé un groupe consultatif sur les accords commerciaux de l’UE, au sein duquel le Comité avait fini par avoir un fauteuil, conformément aux souhaits de la commissaire Cecilia Malmström (v. notre article du 27 avril 2018). Le Comité y était officiellement représenté par son président – dans les faits, par le président de sa commission ECON. Mais le mandat de ce groupe d’experts, lié à celui de la Commission Juncker, expira en 2019 et ne fut pas reconduit par la Commission Von der Leyen. "Les réunions étaient assez techniques et parfois axées sur des questions très spécifiques", indique-t-on au Comité, où l’on ne semble pas regretter outre mesure cette disparition. Dans un avis adopté en plénière le 2 juillet 2020, le Comité avait certes invité la Commission à maintenir ce groupe d’experts et à y préserver la position du CdR. Mais il y accueillait également favorablement l’institution de ce rapport annuel, y voyant "non seulement une étape capitale sur la voie d’une transparence accrue mais aussi un instrument efficace pour communiquer à l’opinion publique des informations générales factuelles sur les accords de libre-échange négociés par l’UE".
Des "analyses d’impact territorial"… renvoyées aux bons soins des États membres
Dans ce même avis, le Comité plaidait en revanche pour qu’avant "toute initiative d’importance" en matière de libéralisation des échanges, des "analyses d’impact territorial" soient conduites afin de "recenser et de quantifier à un stade précoce d’éventuelles incidences asymétriques des accords commerciaux sur les régions d’Europe et de permettre ainsi aux territoires concernés de mettre en place les politiques publiques adéquates pour faire face à ces incidences". Sans grand succès. Dans sa réponse, la Commission européenne renvoie en effet la balle aux États membres : "L’attention de la Commission se concentre sur l’impact au niveau européen ; les autorités des États membres sont les mieux placées pour analyser les impacts régionaux et locaux". Certes, elle ajoute que "l'expérience et les informations recueillies par la Commission peuvent éclairer les études nationales et régionales et aider les régions à comprendre et à gérer les impacts attendus, en particulier entre la signature et l'entrée en vigueur". Mais ex post, donc, et non ex ante.
Le Mercosur, déjà
Actualité aidant, on relèvera également que dans cet avis, tout en saluant le "grand potentiel pour les exportations de produits agricoles européens" qu’offrent les accords commerciaux de l’UE, le Comité s’inquiétait du fait que "l’agriculture et les zones rurales de l’UE devraient subir des effets négatifs" avec l’accord commercial tel qu’alors envisagé avec le Mercosur. Il recommandait en outre de subordonner sa ratification à des mesures visant à inverser le processus de déforestation de l’Amazonie alors en cours au Brésil. Craintes que la Commission avait balayées, en indiquant, d’une part, que l’accord offre "un accès modeste au marché [européen] avec des contingents tarifaires bien calibrés qui ne représentent qu’une petite fraction de la production de l’UE" et, d’autre part, que "grâce à cet accord, des partenaires importants comme le Brésil avaient réaffirmé leur engagement envers les objectifs de développement durable et le respect de l'Accord de Paris".