Le chassé-croisé des projets de loi de finances se poursuit
L'Assemblée nationale a adopté mardi en fin de journée le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 avec, notamment, ses crédits pour le plan de relance. Le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 (PLFR 4) a quant à lui été adopté au Sénat puis en commission mixte paritaire. Côté Sénat toujours, le projet de loi de financement de la sécurité sociale PLFSS a été voté, également mardi. Rapide récapitulatif, avec liens vers les articles que nous avons consacrés à ce jour au suivi de ces trois textes.
L'Assemblée nationale a largement adopté mardi 17 novembre le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, qui contient notamment (mais pas que) le plan de relance de 100 milliards d'euros. Il a été soutenu par 355 voix contre 202 en première lecture, lors d'un vote solennel en fin d'après-midi au Palais Bourbon. Le Sénat, qui en a commencé l'examen en commission, s'en saisira jusqu'au 8 décembre, en vue d'une adoption définitive par le Parlement avant fin décembre.
La crise sanitaire et le reconfinement depuis fin octobre ont évidemment fait bouger les lignes par rapport au projet de budget présenté le 28 septembre (le plan de relance ayant pour sa part été présenté le 3 septembre). Mardi soir, le gouvernement a d'ailleurs révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2021. En raison du "maintien de règles sanitaires dans les mois qui viennent", le rebond du PIB attendu est finalement de 6%, contre 8% prévus auparavant. Dans l'hémicycle, l'opposition de droite avait déjà dénoncé un budget "caduc" et un "endettement inquiétant". Au Sénat, le rapporteur général Jean-François Husson (LR) considère que le reconfinement oblige à "réajuster" le plan de relance qu'il trouve "trop tardif et mal conçu pour stimuler l'activité à court terme".
L'une des mesures pour 2021, la baisse de 10 milliards des impôts de production des entreprises, a concentré les critiques de la gauche qui fustige une "politique de l'offre" favorable aux "grandes entreprises" et l'absence de toute "contrepartie écologique ou sociale". Valérie Rabault (PS) a ainsi repris à son compte l'étude de l'Institut des politiques publiques qui estime que le plan de relance va surtout bénéficier aux grandes entreprises industrielles et pas aux entreprises les plus pénalisées par la crise.
Laurent Saint-Martin (LREM), rapporteur général du budget à l'Assemblée, répond qu'"il y a deux temporalités différentes : les mesures d'urgence avec le fonds de solidarité ou le soutien à l'activité partielle, et la baisse des impôts de production dont l'objectif est la souveraineté et la relocalisation des emplois industriels". Et loue un "budget qui prépare la France de demain". Le sujet des contreparties aux aides de l'État a fait débat jusque dans la majorité qui a finalement adopté un amendement demandant aux entreprises de plus de 50 salariés d'améliorer leur "performance" en matière "écologique, de parité et de gouvernance", avec divers indicateurs – une mesure jugée "gadget" à gauche.
Le reste du plan de relance comprend notamment 22 milliards de crédits pour 2021, dont trois milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments. En matière écologique, le malus automobile pour l'achat de véhicules polluants a été vivement contesté par la droite qui y voit de "l'écologie punitive" pour "faire les poches des Français moyens". Le gouvernement a finalement choisi de faire grimper moins vite que prévu ce "malus C02". Dans le même temps, il a introduit un malus poids-lourds pour taxer les véhicules de plus de 1,8 tonne, un signal envoyé à la Convention citoyenne pour le climat mais considéré comme cosmétique par les écologistes. Au total, ce budget est "sans ambition climatique" selon l'ONG Greenpeace.
Le volet cohésion pour 2021 prévoit cinq milliards d'euros pour la "sauvegarde de l'emploi" (chômage partiel, formation) et quatre milliards à destination des "jeunes", notamment pour leur entrée dans la vie professionnelle. La gauche a reproché au gouvernement l'absence de mesures fortes contre la pauvreté ou pour la "consommation populaire".
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Pendant ce temps, le Sénat adoptait, dans la nuit du 16 au 17 novembre, le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour 2020, qui prévoit plus de 20 milliards de dépenses supplémentaires. Les sénateurs l'ont adopté par 251 voix pour (LR, centristes, RDPI à majorité En Marche, RDSE à majorité radicale et Indépendants) et 93 contre (PS, CRCE à majorité communiste, écologistes). Pour le groupe LR, Vincent Segouin a critiqué "un manque d'anticipation", qui a placé le gouvernement "au pied du mur", tandis que le centriste Vincent Capo-Canellas évoquait un vote "par souci de responsabilité".
Les dépenses supplémentaires de plus de 20 milliards d'euros contenues dans ce PLFR 4 sont orientées principalement en direction des entreprises et indépendants, avec notamment 10,9 milliards d'euros pour le fonds de solidarité (portant la provision totale pour 2020 à 19,4 milliards), 3,2 milliards au titre de l'activité partielle, 3 milliards au titre des exonérations de cotisations sociales, et 1,1 milliard pour la prime exceptionnelle de précarité. "Face aux incertitudes (...), nous voulons tout simplement être en mesure d'aider et de soutenir nos entreprises jusqu'à la fin de l'année, y compris en phase transitoire de déconfinement", a souligné le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt. "Nous allons aussi ouvrir (...) des crédits d'urgence à hauteur de 115 millions d'euros pour la culture, de 100 millions d'euros pour le sport, de plus de 50 millions d'euros pour le ministère de l'Enseignement supérieur", a ajouté le ministre.
Le Sénat a donné son feu vert à un amendement du gouvernement ouvrant 25 millions d'euros de crédits supplémentaires pour financer le recrutement d'assistants d'éducation dans les collèges et lycées, afin de faciliter le "dédoublement" de classes. Il est par ailleurs revenu sur l'annulation d'une partie des crédits de la mission sport (4,7 millions d'euros). Et a prévu que les avances faites aux autorités organisatrices de la mobilité ne seront remboursées que "l'année qui suit un retour à la situation financière" de 2019.
La commission mixte paritaire s’est ensuite réunie mardi 17 novembre et est parvenue à un accord sur les dispositions qui restaient en discussion entre les deux chambres. Plusieurs apports du Sénat sont conservés dans le texte adopté par la commission. Dont, précisément, la préservation des crédits du sport, ainsi que la clause de "retour à meilleure fortune" et le principe d’un remboursement échelonné sur une période minimale de 6 ans pour les AOM.
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Enfin, le Sénat a également adopté mardi en première lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 et ses déficits abyssaux, après avoir ajouté un article polémique sur les retraites, voué à disparaître dans la suite de la navette. Le texte modifié par les sénateurs par rapport à la version adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale a été voté par 190 voix pour, 106 voix contre et 50 abstentions. Députés et sénateurs vont tenter dans la foulée de ce vote de se mettre d'accord sur un texte commun en commission mixte paritaire. En cas d'échec, une nouvelle lecture sera organisée dans les deux chambres, l'Assemblée nationale ayant le dernier mot.
Avec un déficit de 49 milliards d'euros en 2020, le projet de loi de finances est marqué du sceau du Covid-19. Pour 2021, Olivier Dussopt prévoit un déficit de "27,1 milliards", et "des déficits élevés de plus de 20 milliards d'euros par an" au-delà.
Côté recettes, le Sénat a voté plusieurs dispositions nouvelles, contre l'avis du gouvernement, dont un effort supplémentaire demandé aux complémentaires santé. Mais surtout la majorité sénatoriale a une nouvelle fois proposé d'allonger la durée du travail pour tenter d'équilibrer le régime des retraites.
Côté dépenses, le Sénat a voté une nouvelle rallonge de 800 millions d'euros pour 2020 demandée par le gouvernement afin de couvrir les dépenses liées à l'augmentation des tests PCR et au déploiement des tests antigéniques, ainsi que pour accroître les moyens des établissements et services pour personnes âgées. L'Assemblée avait déjà intégré une enveloppe supplémentaire de 2,4 milliards pour les hôpitaux et les hausses de salaires du "Ségur de la santé".
Le texte inclut aussi une enveloppe de 150 millions d'euros en 2021 puis 200 millions à partir de 2022, pour augmenter les salaires des aides à domicile, en première ligne auprès des personnes âgées.
Au chapitre des réformes, le Sénat a validé à la quasi-unanimité et sans modifications la mesure phare du texte, le doublement du congé paternité, de 14 à 28 jours à partir du 1er juillet prochain, après un débat nourri sur les sept jours obligatoires.
Feu vert de la chambre haute encore à la création de nouvelles maisons de naissance ainsi qu'au "forfait" de 18 euros pour les patients allant aux urgences sans être ensuite hospitalisés. Les sénateurs ont cependant maintenu les exonérations pour les personnes bénéficiaires d'une ALD.
En attendant la loi grand âge et autonomie promise par le gouvernement pour 2021, le Sénat a voté très largement la mise en oeuvre de la cinquième branche de la Sécurité sociale, tout en regrettant le manque de "moyens" dédiés à cette nouvelle branche et l'absence de "mesures concrètes".
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