Le Beauvau des polices municipales relancé... et à l’épreuve
Relancé ce 21 février à Lyon, le Beauvau des polices municipales se déroulera au pas de charge, avec pour objectif le dépôt d’un projet de loi "à la carte" d’ici à la fin juin. Une première réunion marquée notamment par le boycott du syndicat FO, "faute de garanties sur le volet social".

© @fnb_officiel/ François-Noël Buffet
Comme annoncé, le Beauvau des polices municipales a bien été relancé ce 21 février, à Lyon. Une "ville qui paye trop souvent, malheureusement, le prix des incivilités et de la délinquance", a déclaré le ministre François-Noël Buffet en donnant le coup d’envoi de cet événement qui vise "à adapter le cadre juridique des polices municipales aux nouvelles réalités de l’insécurité en France".
Un régime qui n’est plus adapté à la réalité
"Cela fait 26 ans, depuis 1999, [qu’il] n’a pas fondamentalement évolué", rappelle le ministre, en observant que "nombre de maires réclament pour leurs polices municipales des moyens accrus, davantage de compétences, une plus grande reconnaissance". Des polices qui ont par ailleurs, elles aussi, considérablement évolué. "En l’espace de 25 ans, leurs effectifs ont doublé, atteignant aujourd’hui plus de 28.000 agents répartis dans 4.500 communes. Comme leur nombre, leur équipement s’est étoffé : 80% d’entre eux sont dorénavant armés et 58% possèdent des armes à feu", met en exergue François-Noël Buffet.
Un Beauvau au pas de charge
"Nous ne partons pas d’un feuille blanche", souligne le ministre, en rappelant que Dominique Faure (voir notre article du 17 mai) et Nicolas Daragon (voir notre article du 21 novembre) avaient "chacun pavé la voie de nos discussions à venir". Comme prévu, ces dernières se succéderont au pas de charge : le 4 mars, à Metz, sur la formation, la reconnaissance et le volet social des policiers municipaux et des gardes champêtres ; le 6 mars, à Meaux, sur la déontologie, la responsabilité et la protection fonctionnelle ; le 10 mars, au Havre, sur la mutualisation des moyens entre communes et sur une meilleure coordination avec les forces de sécurité intérieure. Des rencontres qui seront complétées par "des consultations et des ateliers au ministère, avec notamment les organisations syndicales et les associations d’élus", précise François-Noël Buffet, le tout afin "d’alimenter un projet de loi de modernisation des polices municipales" dont le dépôt est "espéré avant la fin du premier semestre".
Respect des principes
Ce projet aura pour principe cardinal "le respect du principe de libre administration des collectivités", assure le ministre. "Notre volonté n’est pas d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit", insiste-t-il, évoquant "un droit d’option comme pour l’armement". Il y va du respect "des principes institutionnels et constitutionnels". En l’espèce, le ministre "n’oublie pas que l’article 1er de la loi Sécurité globale (…) avait été censuré par le Conseil constitutionnel" (voir notre article du 21 mai 2021), texte dont il avait à l’époque vertement étrillé la méthode d’élaboration (voir notre article du 4 mars 2021). Respect des principes… budgétaires également. "L’extension va nécessairement de pair avec une hausse des coûts", rappelle-t-il, en observant que "80% des polices municipales comptent 10 agents ou moins, et que 50% des polices municipales comptent 2 agents ou moins. La réalité des polices municipales, c’est aussi celle-là".
Boycotter…
Pour les syndicats, cette extension des prérogatives va précisément de pair avec une revalorisation de la condition des agents. Faute d’assurance en la matière, le syndicat FO a indiqué, la veille de la rencontre, qu’il boycotterait la réunion lyonnaise. "Force est de reconnaître que le gouvernement n’est intéressé que (par) le seul fait d’ajouter des prérogatives supplémentaires aux polices municipales", estime le syndicat qui, s’il se déclare "ouvert à certaines mesures", fait de la reconnaissance préalable de "garanties sur le volet social" (rémunérations, amélioration des carrières, reconnaissance de la filière, conditions d’accès à la retraite…) une condition sine qua non de la réforme. La décision était d’autant plus inattendue que, comme le syndicat le rappelle lui-même, "FO a été jusqu’alors un acteur majeur dans la construction des Beauvau consacrés à la police municipale". En outre, il avait été le seul, avec la FA-FPT, à avoir signé l’an dernier (voir notre article du 6 mars 2024) la réforme du régime indemnitaire entrée en vigueur, dans les collectivités volontaires, le 1er janvier dernier. Le syndicat sera dans tous les cas reçu ce lundi au ministère, nous précise ce dernier.
… ou donner sa chance au produit
La FA-FPT, elle, était bien présente. "Nous ne pratiquons que rarement la politique de la chaise vide", précise Fabien Golfier, secrétaire national de l’organisation, interrogé par Localtis. "On préfère aller voir et faire valoir nos positions. Il faut des échanges et des négociations. Pour l’heure, on s’y retrouve. Les thématiques restent les mêmes que précédemment, seul leur ordonnancement ayant été quelque peu modifié. Il faut donner sa chance au produit. Mais cela ne préjuge en rien de notre décision finale. De toute façon, rien ne sera validé en dehors du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et de la Commission consultative des polices municipales", explique-t-il. Il concède toutefois que ce calendrier "particulièrement resserré n’est pas facile à tenir. D’autant que les séquences ne se déroulent désormais que sur une demi-journée. Mais l’espérance de vie du gouvernement est courte, et l’on a bien compris qu’il entendait porter le projet avant de plier bagages". Attention toutefois à ne pas aller plus vite que la musique, laisse-t-il cependant entendre, en relevant que dans sa circulaire "Ville de sécurité renforcée", Bruno Retailleau évoquait "les pouvoirs bientôt étendus dans le cadre du Beauvau [des] polices municipales" (voir notre article du 18 février). "C’est bien de se projeter, mais…"