Tourisme - L'Assemblée se penche sur la promotion de la destination France... et peine à y voir clair
Le rapport parlementaire Leroy-Portarrieu, sur "la promotion de la destination touristique France", invite à poursuivre et développer la promotion à l'internationale, mais sans négliger le marché intérieur ni d'autres volets comme les infrastructures. Il suggère également de rouvrir la réflexion sur l'affectation de la taxe de séjour et les compétences des collectivités.
Maurice Leroy, député (UDI, Agir et Indépendants) du Loir-et-Cher, et Jean-François Portarrieu, député (LREM) de Haute-Garonne, ont remis le rapport de la mission d'information sur la promotion de la destination touristique France, fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Considérant l'importance croissante de la contribution du tourisme à l'économie française (7% du PIB), ce rapport part du constat que "la promotion internationale du tourisme en France est un instrument qu'il faut développer, même s'il ne faut pas négliger les autres volets de la politique touristique (offre, infrastructures, marché intérieur...)". Il tient aussi compte d'une réalité : si la France demeure la première destination touristique mondiale, ses parts de marché tendent à s'éroder, en particulier en matière de recettes. Selon un rapport de l'Institut Montaigne, "entre 2010 et 2015, la France a perdu un point de parts de marché. Si la France avait su conserver son rang, 0,5 point de PIB auraient pu être gagnés"...
Difficile de s'y retrouver dans les chiffres...
Dans leur travail, les rapporteurs se sont rapidement heurtés à une situation pour le moins étonnante : le manque de fiabilité des statistiques en matière de tourisme. Ils rappellent notamment le récent épisode de la révision à la hausse, à hauteur de plus de dix milliards d'euros, de la dépense cumulée des visiteurs étrangers en France, avec par exemple un soudain quadruplement des dépenses imputées aux visiteurs chinois (voir notre article ci-dessous du 1er février 2018). D'où la question très pertinente des rapporteurs : "Comment mener une politique de promotion avec de telles incertitudes sur le 'marché' ?".
Dans ces conditions, des propositions portent sur "l'amélioration de la pertinence et de la fiabilité des données sur le tourisme, ainsi que de l'évaluation des politiques publiques, qu'il s'agisse de celles de l'opérateur national Atout France ou celles des collectivités territoriales". Les députés suggèrent de créer une "cellule d'observation et d'intelligence économique du tourisme" au sein d'Atout France, qui aurait pour mission stratégique de piloter, coordonner, enrichir, homogénéiser et adapter aux besoins prospectifs les données statistiques sur le tourisme issues de sources multiples. Elle serait en particulier chargée de collecter, d'agréger et d'analyser les dépenses de promotion réalisées au niveau local.
S'intéresser davantage au tourisme national
Mais les constats et les préconisations de la mission d'information ne s'arrêtent pas là. Le rapport rappelle ainsi "l'enjeu des choix de destination des Français". Bien que toujours positif, le solde des dépenses des étrangers en France et des Français à l'étranger tend à se réduire depuis son apogée en 2012-2013, car les dépenses effectuées par les Français voyageant à l'étranger augmentent plus vite que celles des étrangers voyageant en France.
Les rapporteurs insistent donc sur la nécessité de maintenir des politiques publiques pour le départ en vacances des Français, une dimension quelque peu passée au second plan avec le rattachement du tourisme aux affaires étrangères, inauguré sous le quinquennat de François Hollande par Laurent Fabius. Ils rappellent notamment que les financements destinés au tourisme social "se sont largement taris depuis lors, tandis que les hébergements de tourisme social se heurtaient à des difficultés croissantes (contraintes normatives, changements des préférences)".
Atout France : "Une force de frappe à relativiser"
De façon plus attendue, le rapport s'attarde aussi sur les outils de promotion internationale de la destination France, à commencer par Atout France. Le jugement porté sur cet organisme est plutôt favorable, avec une gouvernance équilibrée (dont des représentants des collectivités territoriales), un réseau "largement déployé" (33 bureaux répartis dans une trentaine de pays et couvrant au total 70 pays) des moyens "fortement renforcés" en 2017-2018 et un nombre important d'actions, au moins en volume : pour 2017, 474 campagnes de communication (dont 70% sous forme numérique), 750 événements professionnels à l'international (contre 650 en 2016) et 195 événements grand public, plus de 2.000 accueils en France de blogueurs et journalistes, 190 prestations de conseil et d'études, et 18 millions de visites sur le site France.fr.
Mais le rapport souligne néanmoins "une force de frappe et une visibilité à relativiser", comparée aux deux principaux concurrents que sont l'Espagne et les États-Unis, mais aussi et surtout aux grands acteurs privés. "D'après les chiffres circulant sur internet", Booking aurait dépensé plus de 4 milliards de dollars en publicité en 2017, Expedia près de 3 milliards et Airbnb un milliard (ces dépenses bénéficiant principalement à Google).
Le rapport préconise donc plusieurs pistes pour renforcer les moyens et la visibilité d'Atout France : pérenniser et stabiliser en montant la ressource tirée des frais de visas (en la calculant sur l'ensemble de ces frais), ou expertiser la possibilité et l'opportunité d'établir de nouvelles contributions à la promotion de la destination France de la part des différents secteurs concernés par la consommation touristique. En contrepartie, les rapporteurs recommandent de renforcer l'évaluation (notamment interne) des actions de promotion d'Atout France.
Et si on reparlait de la taxe de séjour ?
Le rapport formule également d'autres préconisations, plus sectorielles, comme la réduction effective des délais de délivrance des visas (grâce à la poursuite de l'externalisation et de la dématérialisation de certaines tâches), le renforcement de la présence et de la visibilité de la France à l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) ou encore la pérennisation des actions de promotion de la gastronomie française.
A noter : les rapporteurs préconisent aussi d'engager à l'Assemblée nationale, en lien avec le gouvernement, "une réflexion sur l'affectation de la taxe de séjour, la définition de son emploi, l'association des professionnels du tourisme et le contrôle démocratique sur celui-ci, de façon [...] que les recettes supplémentaires résultant des réformes du barème et de la collecte soient utilisées à bon escient". Le rapport suggère de lier éventuellement ce processus à une réflexion parallèle sur les compétences et les modes d'organisation des différents niveaux de collectivités locales en matière de tourisme. Sur ce point, il recommande en particulier de "poser les questions d'une éventuelle généralisation de la forme Epic pour les offices du tourisme des grandes collectivités (forme entraînant l'affectation de droit de la taxe de séjour) et du lien entre affectation de la taxe et compétences à l'intérieur du bloc communal (partage communes/intercommunalités)".