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Habitat - L'Ansa propose un ensemble de mesures pour généraliser le "logement d'abord"

Pour généraliser le dispositif "Logement d'abord", qui a fait ses preuves auprès des publics en très grande précarité, l'Agence nationale des solidarités actives (Ansa) formule une série de propositions : priorité d'attribution des logements aux personnes sans domicile, augmentation de la production de logements très sociaux, renforcement de l'accompagnement, meilleure prise en main par les métropoles de leurs nouvelles compétences, essaimage au travers d'un programme "villes logement d'abord"...

L'Agence nationale des solidarités actives (Ansa) publie un rapport intitulé "Le logement d'abord, et après - Bilan et propositions pour la généralisation du logement d'abord en France", réalisé en partenariat avec Action Tank entreprise & pauvreté. Le "logement d'abord" - appelé aussi "Un chez-soi d'abord" - consiste à répondre en premier lieu au besoin d'un logement stable, avant de s'en servir comme point d'appui pour mettre en place un accompagnement vers les soins et l'inclusion sociale. Le dispositif vise en effet les personnes sans domicile et en situation de grande précarité, dont environ 30% souffrent de troubles psychiques. Avec toutefois un petit bémol dans le cas de l'étude de l'Ansa : "l'approche doit être entendue comme le 'logement d'abord pour tous', et pas seulement pour les profils les plus complexes qui sont la cible des modèles Housing First traditionnels."

Obstacle n°1 : l'offre insuffisante de logements très sociaux

Le bilan du dispositif établi par l'Ansa n'est pas la partie la plus originale du rapport, puisqu'un bilan officiel de l'expérimentation a été réalisé sous l'égide de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal, voir notre article ci-dessous du 22 juin 2016). Les bons résultats de ce bilan ont débouché sur le décret du 28 décembre 2016, qui pérennise le dispositif et l'étend à l'ensemble du territoire (voir notre article ci-dessous du 5 janvier 2017). Plus intéressantes sont les préconisations pour permettre la mise en œuvre effective de cette généralisation.
L'Ansa commence par identifier un certain nombre d'obstacles à la généralisation du logement d'abord. Le premier d'entre eux tient à l'offre "insuffisante et inadapté" de logements très sociaux. Malgré "une légère évolution" ces dernières années, seul un quart des nouveaux logements sociaux financés correspond aux conditions des PLAI (prêts locatifs aidés d'intégration), alors que 74% des demandeurs se situent sous les plafonds de ressources PLAI. En outre, cette offre n'est pas toujours géographiquement bien répartie.

Toujours la gouvernance...

Second obstacle identifié par l'Ansa : la faible part des logements mobilisés au bénéfice des personnes sans domicile. Le logement d'abord suppose en effet une réponse très rapide, qui n'est pas toujours compatible avec les délais habituels d'attribution des HLM. Le rapport pointe également un dispositif d'accompagnement "sous-dimensionné, éclaté et parfois inadapté". Or l'accompagnement renforcé est consubstantiel au principe même du logement d'abord.
Autre obstacle : une orientation "toujours organisée autour de l'escalier d'insertion", autrement dit qui met des étapes avant l'accès à un logement. Enfin - et sans surprise car il s'agit d'un thème récurrent dans les rapports sur l'hébergement et l'accès au logement -, l'Ansa met en évidence la complexité de pilotage du dispositif. L'élaboration d'une réponse adaptée aux personnes sans domicile nécessiterait pourtant une articulation entre les politiques locales de logement et d'hébergement, sociales, médicosociales et sanitaires. Or le rapport observe que "le pilotage de ces compétences sont, à ce stade, éclatées entre l'Etat et trois types de collectivités" (l'intervention de l'Etat étant elle-même partagée entre plusieurs ministères et administrations déconcentrées).

Politiques nationales et mobilisation locale

Face à ces difficultés, le rapport propose la mise en œuvre de quatre mesures principales, alliant "politiques nationales et mobilisation locale". La première d'entre elles consiste à élaborer et animer une nouvelle stratégie nationale sur le logement d'abord, avec pour objectif de surmonter les obstacles identifiés par l'Ansa à travers plusieurs dispositions : priorité d'attribution des logements pour les personnes sans domicile, augmentation de la production de logements très sociaux, renforcement de l'accompagnement, réorganisation de l'orientation autour de l'accès direct au logement et renforcement du pilotage local, en incitant les EPCI - et notamment les métropoles - à se saisir de leurs nouvelles compétences.
La seconde recommandation consiste à aider les acteurs à s'approprier les approches de type logement d'abord, par exemple en mettant sur pied un programme d'essaimage "villes logement d'abord" pour inciter les vingt principales agglomérations à mettre en place le dispositif à grande échelle ou encore en assurant une diffusion large des enseignements des expérimentations menées en France et à l'étranger.
La troisième mesure - qui devrait logiquement venir avant la précédente - consiste à expérimenter une plateforme logement d'abord à l'échelle d'une agglomération française.
Dernière mesure enfin : l'Ansa préconise de soumettre des projets et des pratiques prometteurs à une évaluation rigoureuse, dans le cadre d'un fonds d'expérimentation logement d'abord. Ce fonds financerait et accompagnerait cinq à dix expérimentations clés sur cinq ans, avec une dotation globale de dix à vingt millions d'euros.