Marchés publics - L'annonce d'un revirement de jurisprudence sur l'ouverture du recours aux tiers ?
Le 29 juin, à l'occasion d'un recours formé par la société Tropic Travaux Signalisation à l'encontre d'un marché à bons de commande passé par la chambre de commerce et de l'industrie de Pointe-à-Pitre, le commissaire du gouvernement Didier Casas a proposé à l'Assemblée du contentieux de considérer comme recevable la demande d'un tiers si celui-ci peut attester d'un droit patrimonial lésé.
Un intérêt patrimonial
Cette acceptation concerne les tiers suffisamment proches du contrat comme "les entreprises évincées des procédures de marchés publics, les usagers du service public, un contribuable local lorsque les conditions financières d'un contrat affecteraient ses droits patrimoniaux...". De nouvelles modalités d'organisation seraient nécessaires pour que les tiers puissent avoir connaissance du contrat et de la date de sa signature. Didier Casas propose de publier la décision de signer en mentionnant le lieu où le contrat pourrait être consulté. Cette publicité permettrait une matérialisation de la signature du contrat et par conséquent, elle donnerait le point de départ d'un délai de recours contentieux de deux mois.
Ce nouveau recours ne devrait pas avoir d'influence sur les recours habituels des parties au contrat. Les tiers n'ayant pas qualité à agir dans le nouveau recours seraient toujours recevables à demander l'annulation de l'acte détachable au juge du recours pour excès de pouvoir (REP). Les nouveaux requérants seraient par contre exclus des recours concernant l'annulation de l'acte détachable.
Les pouvoirs du juge s'en trouveraient élargis puisque celui-ci pourrait décider de poursuivre le contrat ou de l'annuler totalement voire partiellement, de décider d'indemnités... De telles conclusions laissent entrevoir les prémices d'un revirement majeur du contentieux administratif qui devrait être confirmé ou non, avant la fin de ce mois, par la décision du Conseil d'Etat. Les effets d'un tel revirement de jurisprudence ne s'appliqueraient toutefois qu'aux marchés conclus après la décision du juge administratif.
L'Apasp
Les fondements de ce revirement de jurisprudence
Le commissaire au gouvernement souligne le caractère artificiel du recours contre les actes détachables qui mène depuis la jurisprudence Epoux Lopez (CE section 7 octobre 1994) à l'annulation presque systématique du contrat. Au niveau européen, Didier Casas évoque la refonte des directives Recours qui envisagent l'annulation du contrat pour violation grave des dispositions communautaires en matière de marchés publics et notamment concernant la publicité et la mise en concurrence. Par ailleurs une prochaine décision de la CJCE (Commission/Allemagne, affaire C-503/04) pourrait mener à l'annulation du contrat, "seule solution envisageable pour faire cesser les illégalités" si les considérations de l'avocat général européen étaient suivies et donc conforter la position du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat.