L'ancienne sablière d'Hamel devient une réserve de biodiversité pour les abeilles (59)
Après 30 ans d'exploitation industrielle, les 19 hectares de la sablière d'Hamel se sont transformés en réserve naturelle aménagée spécifiquement pour les abeilles solitaires. Piloté par la commune et l'exploitant carrier, ce projet original prouve que l'activité industrielle peut créer de nouveaux écosystèmes propices à l'installation d'espèces en danger.
Sur l'ancienne sablière d'Hamel – petite commune du Nord (59) à 10 kilomètres de Douai – une soixantaine d'espèces d'abeilles solitaires ont déjà été repérées par les naturalistes locaux. Ces abeilles, qui ne produisent pas de miel, restent essentielles dans la pollinisation de nombreuses espèces et notamment des arbres fruitiers. Alors qu'elles sont en danger du fait de l'utilisation de pesticides et de la raréfaction de leurs habitats, ce site est un véritable sanctuaire propice à leur développement. Il attire aussi de nombreuses hirondelles de rivage qui nichent dans le sable.
Naissance d'une carrière municipale
Au tout début des années 1990, un exploitant artisanal de sable sollicite le maire pour passer à une échelle industrielle. « Nous avons accepté, à condition que la commune se rende propriétaire du site pour bénéficier des retombées financières de l'exploitation, » indique Jean-Luc Hallé, actuel maire déjà en poste à l'époque. Pour acquérir les 19 hectares de terrain - alors qu'elle ne dispose pas du budget nécessaire - la mairie propose un montage juridique gagnant-gagnant : les propriétaires acceptent de lui céder gratuitement les terrains, en échange d'un partage du droit de fortage (redevance d'extraction versée au propriétaire des terrains) : 5/12es pour la commune, autant pour les propriétaires et 2/12es pour les exploitants agricoles.
D'un projet « classique » à un projet original de remise en état
Le plan d'occupation des sols (POS) est modifié pour passer d'un usage agricole à un usage industriel et l'arrêté préfectoral d'exploitation prévoit une remise en état « classique ». « Nous étions sur des champs captants, liés au système hydraulique local et en continuité des marais de la vallée de la Sensée, poursuit le maire. Il s'agissait donc, comme cela se fait classiquement, de remettre de la terre végétale, boiser et créer des points d'eau pour installer un nouvel espace naturel ». En 2005, 15 ans après le début de l'exploitation, l'écologue du Conseil départemental du Nord (ensuite passé à l’Établissement public foncier du Nord) découvre sur le site des colonies d'abeilles sabulicoles, des abeilles nichant dans les sols sableux. « Il nous a alors convaincu, le carrier et la commune, d'entreprendre un projet de remise en état favorable à l'implantation pérenne de ces espèces ». L'exploitant de la carrière, soucieux de biodiversité, a accepté le challenge : « C'est son engagement qui a permis un parcours sans faute », souligne le maire. Dès lors, tous les travaux de remise en état vont viser à créer un nouveau milieu propice aux abeilles.
15 années pour créer un nouveau milieu à la biodiversité unique
Au lieu de la terre végétale initialement prévue, un mélange de terre et de sable est installé, les pentes sont orientées de manière à maximiser l'ensoleillement, des espaces plantés d'arbustes et plantes à fleurs butinées par les abeilles, des points d'eau créés pour maximiser la biodiversité. Les espaces ainsi rénovés sont régulièrement débroussaillés pour conserver le caractère nu et ensoleillé favorable aux abeilles. « Nous sommes même allés jusqu'à ne pas exploiter volontairement 1 hectare de la carrière, où se situait le nid originel des abeilles, précise le maire. Pour le carrier, c'est 300.000 € de sable non extrait et de recettes non engrangées ! »
Au-delà du pilotage courant mené avec le carrier et l'écologue, un groupe de travail s'est réuni chaque année pour valider les orientations du projet de remise en état. Il associait le groupement ornithologique du Nord, le mouvement national de lutte pour l'environnement et la société locale de chasse qui surveillait le site. La qualité de la remise en état de la sablière d'Hamel a été saluée en 2013 par le grand prix de développement durable de l’Union nationale des producteurs de granulats et en 2015 par l'European Award de l’Union européenne des mêmes producteurs.
Demain, une réserve naturelle productrice d'énergie
Avec la fin de l'exploitation prévue en 2020, la commune a ensuite dû inventer de nouvelles modalités d'entretien du site. « Nous souhaitions garder la maîtrise de sa gestion à l'échelon communal mais notre budget limité ne nous le permettait pas vraiment, » précise le maire. La solution est venue d'industriels souhaitant créer des fermes photovoltaïques. La commune a prévu de leur louer près de la moitié du site : panneaux photovoltaïques et abeilles cohabitent sans problème. Le Conservatoire des espaces naturels entretiendra le reste. Enfin, la commune prévoit d'aménager un sentier d'interprétation de 2 km menant à un belvédère et une table d'orientation qui prendront place au sommet des terres végétales mises de côté et qui ne seront pas réinstallées sur le site. « De là-haut, on verra à 80 km à la ronde. C'est un vrai plus pour les habitants qui permettra de découvrir cette réserve naturelle unique créée de toute pièce sur un ancien site industriel, » conclut le maire.
Un projet financé par l'industriel
Tout exploitant de carrière se doit de remettre en état le site à la fin de son exploitation. La remise en état de la carrière d'Hamel en tant que réserve de biodiversité au profit des abeilles a donc été totalement financée par l'industriel carrier. Lorsque le site sera totalement remis en état fin 2022, la commune en confiera la gestion de 10 hectares au Conservatoire des espaces naturels, pour un coût de l'ordre de 5.000 € par an. Les 9 hectares de la ferme photovoltaïque seront entretenus par l'exploitant de cette dernière qui versera 23.000 € de loyers annuels à la commune.
Commune de Hamel
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