Lanceurs d'alerte : quelle procédure pour les signalements internes ?
Un décret paru ce 4 octobre vient préciser les modalités s'appliquant, notamment dans les collectivités, aux "procédures internes de recueil et de traitement des signalements" par les lanceurs d'alerte tel que prévu par les lois Warsmann de mars dernier.
Deux lois de mars dernier, initiées par le député Sylvain Waserman, sont venues renforcer la protection des lanceurs d'alerte et aménager les dispositifs de signalement (sur le détail de ces textes, voir notre article du 5 mai 2022). À la clef, de nouvelles règles pour les collectivités ayant l'obligation de mettre en place une procédure interne pour recueillir d'éventuels signalements. Les collectivités concernées ? Celles employant au moins 50 agents et comptant au moins 10.000 habitants (ou EPCI dont toutes les communes comptent au moins 10.000 habitants).
Plusieurs décrets d'application de ces lois étaient attendus. Dont celui sur les modalités s'appliquant aux "procédures internes de recueil et de traitement des signalements", qui a été publié ce 4 octobre au JO. "Chaque entité concernée détermine l'instrument juridique le mieux à même de répondre à l'obligation d'établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements", indique la notice du décret (avec une exception pour les administrations de l'État qui devront, elles, suivre les instructions de leur ministère, qui seront précisées par arrêté).
Il s'agit tout d'abord de prévoir un "canal de réception des signalements". Les options possibles sont larges : les signalements peuvent être recueillis par écrit, mais aussi par oral (rencontre physique, téléphone, messagerie, visioconférence). Dans ce cas, le signalement sera consigné soit par un enregistrement soit par un procès-verbal. En n'oubliant pas que certains lanceurs d'alerte souhaitent rester anonymes et en ont la possibilité. L'auteur du signalement doit être informé par écrit de la réception. Et être informé des suites qui vont être données, y compris si la collectivité estime que son signalement n'est pas recevable au regard des termes de la loi.
Qui est en charge de ce recueil ? C'est à chaque entité de désigner des "personnes" ou "services". Le décret soulignant toutefois que "les personnes ou services désignés disposent, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l'autorité et des moyens suffisants à l'exercice de leurs missions". Il pourra s'agir, lorsqu'il a été mis en place, du référent déontologue.
Vient ensuite le traitement. La collectivité peut, "afin d'évaluer l'exactitude des allégations qui sont formulées, demander tout complément d'information à l'auteur du signalement", précise le décret. "Lorsque les allégations lui paraissent avérées, l'entité met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l'objet du signalement. La procédure prévoit que l'entité communique par écrit à l'auteur du signalement, dans un délai raisonnable n'excédant pas trois mois (…) des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l'exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l'objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières."
La procédure doit garantir "l'intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l'identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné".
Le décret publié le 3 octobre comprend un deuxième chapitre consacré cette fois aux signalements recueillis et traités par une autorité externe. La loi prévoit en effet que "tout lanceur d'alerte (…) peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne (…), soit directement". La procédure suit globalement les mêmes règles que pour un signalement externe. Surtout, le décret fournit un annexe une liste des autorités habilitées à recueillir un signalement, classées par thématiques. Ainsi par exemple, si le signalement concerne les marchés publics, il s'agira selon les cas de l'Agence française anticorruption (AFA), pour les atteintes à la probité, ou de la DGCCRF ou de l'Autorité de la concurrence pour les pratiques anticoncurrentielles. S'il est question de protection de l'environnement, ce sera l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd). Et si le signalement met en jeu des questions de "droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d'une mission de service public", ce sera le Défenseur des droits.
Référence : décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte |