Laïcité dans le sport : une proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat
Une proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport a été adoptée en première lecture au Sénat. Elle touche à la fois à la tenue des sportifs en compétition, aux conditions d'utilisation des équipements publics et aux règlements des piscines.
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© Capture vidéo Sénat/ Michel Savin
Une proposition de loi (PPL) du sénateur LR de l'Isère Michel Savin visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport a été adoptée en première lecture au Sénat, le 18 février. Son article premier dispose que "lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives délégataires, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit aux acteurs de ces compétitions".
Le champ de ce premier article est vaste : il s'agit d'interdire le port de signes religieux (ou politiques, bien que cet aspect ait été peu discuté) dans toutes les compétitions. Plusieurs amendements en ont affiné la rédaction initiale pour circonscrire la disposition aux compétitions organisées par les seules fédérations ayant reçu délégation du ministre des Sports. De plus, la mesure a été limitée aux seuls "acteurs" de ces compétitions (sportifs, arbitres et officiels) afin d'en exclure explicitement les spectateurs. L'interdiction a également été étendue aux personnes sélectionnées en équipe de France par une fédération sportive délégataire. On notera ici que Pierre Ouzoulias, sénateur (groupe CRC) des Hauts-de-Seine, et Max Brisson, sénateur (LR) des Pyrénées-Atlantiques, souhaitaient une application à toute la pratique sportive en club, au delà des seules compétitions.
Des sanctions propres à chaque fédération
Un alinéa a été ajouté à cet article premier pour prévoir des sanctions "dans les conditions prévues par le règlement disciplinaire de chaque fédération sportive délégataire de service public et de chaque ligue professionnelle". Une difficulté peut ici se poser puisque, face à une interdiction de valeur législative, chaque organisateur de compétitions pourra choisir les sanctions qui lui conviennent. Une situation qui pourra, de fait, créer une inégalité entre pratiquants de disciplines différentes. Il est à noter que le rapporteur du texte, Stéphane Piednoir (LR), avait proposé une sanction financière en cas de non-respect de l'interdiction, tandis que Pierre-Antoine Levi, sénateur (groupe UC) du Tarn-et-Garonne, optait pour une suspension de licence temporaire de six mois pour l'auteur de l'infraction.
L'article 2 intéresse directement les collectivités propriétaires d'un équipement sportif. Il leur est demandé de déterminer "les conditions d'utilisation de cet équipement et des locaux attenants", étant entendu que cette utilisation pour la pratique sportive "exclut tout usage pour l'exercice d'un culte". Un article 2 bis, introduit en commission, prévoit par ailleurs la possibilité pour le préfet de retirer l'agrément d'une association sportive qui ne se conformerait pas aux règles de respect de la laïcité lors des compétitions ou au règlement d'utilisation d'un équipement sportif arrêté par une collectivité propriétaire. Toutefois, un équipement sportif pourra toujours être mis temporairement à la disposition d'une association qui souhaite l'utiliser à des fins cultuelles, à condition que cette mise à disposition ne soit pas effectuée dans des conditions préférentielles.
Pas de "burkini" dans les piscines
Autre disposition visant directement les collectivités : les mesures à inclure dans le règlement d'utilisation d'une piscine ou d'une baignade artificielle publique à usage collectif. Ce règlement devra garantir le respect des principes de neutralité du service public et de laïcité. À ce titre, il devra "assurer l'égalité de traitement des usagers" et "ne peut pas prévoir d'adaptation susceptible de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l'ordre public". Et alors que le texte initial du texte n'apportait guère plus de précision, les sénateurs l'ont clarifié en votant un amendement du gouvernement disposant que le règlement des piscines "prohibe notamment le port de signes ou de tenues susceptibles d'y contrevenir". Le gouvernement précisant qu'il s'agit de mettre la loi en adéquation avec l'ordonnance du Conseil d'État du 21 juin 2022 portant sur l'interdiction du "burkini" dans les piscines publiques de Grenoble.
Enfin, l'examen de la PPL a donné lieu à l'ajout d'un article 4 qui inclut la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif parmi les motifs pouvant entraîner une enquête administrative destinée à vérifier que le comportement des candidats n'est pas incompatible avec l'exercice de cette fonction. Enquête qui peut notamment donner lieu à la consultation du bulletin n°2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel. "En l'état actuel du droit, avait souligné le rapporteur, un individu fiché dans le cadre de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste peut se voir délivrer une carte professionnelle d'éducateur sportif."
Le Parlement n'en a pas fini avec la question de la laïcité. En attendant que cette PPL arrive à l'Assemblée nationale, celle-ci pourrait être amenée à examiner prochainement un autre texte, du député ciottiste du Gard Alexandre Allegret-Pilot, visant à inclure les sorties scolaires dans la loi de 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.