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Propriété industrielle - Laguiole en appelle à la solidarité des 36.000 communes

Condamnée à verser 100.000 euros pour frais de justice au dépositaire de la marque qui porte son nom, la commune de Laguiole en appelle à la solidarité des communes de France.

Après son nouvel échec devant la justice, le village de Laguiole, dépossédé de son nom, en appelle au président de la République et à la solidarité des 36.000 communes de France. Le 4 avril, la cour d’appel de Paris a en effet débouté la commune de 1.300 habitants dans l’Aveyron qui souhaitait voir reconnaître une "spoliation", une pratique commerciale "trompeuse" et "une atteinte à son nom, à son image et à sa renommée". La commune a même été condamnée à verser 100.000 euros de frais de justice à ses adversaires, soit 10% du budget communal, selon les élus. "Les collectivités s'entraident quand il y a des catastrophes naturelles. Nous, nous sommes victimes d'une catastrophe surnaturelle", a fait valoir à l'AFP Vincent Alazard, maire DVD de Laguiole et conseiller général, en marge d'une conférence de presse, jeudi 17 avril. Récemment, l’élu avait déjà demandé dans un courrier à être reçu à l’Elysée.
Les déboires de Laguiole ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et sont la source de deux dispositions de la loi Consommation du 17 mars 2014 qui étend les indications géographiques aux produits manufacturés et permettra aux collectivités d’être alertées par l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) du dépôt de marque de leur nom. Elles pourront alors s'y opposer dès lors que cette marque portera atteinte à une indication géographique (IG) qui portent leur nom (article 712-4 du Code de la propriété intellectuelle)...
A l’origine de cette situation kafkaïenne : un habitant de la région parisienne qui a déposé en 1993 la marque Laguiole, non seulement pour de la coutellerie (qui a fait la renommée du village), mais aussi pour toutes sortes de produits, du linge de maison, des briquets et même des boules de pétanque. Le tout fabriqué dans des pays à bas coûts comme la Chine et le Pakistan. Au total : 38 classes de produits sont enregistrées. Le détenteur de la marque avait même réussi à empêcher la commune de déposer son nom auprès de l'Inpi.
Dans son arrêt du 4 avril, la cour d’appel considère qu'il résulte du Code de propriété intellectuelle que "peuvent constituer une marque de fabrique, de commerce ou de service les noms patronymiques et géographiques". Elle estime aussi que la commune de Laguiole "ne démontre pas" que l'usage fait de son nom serait "de nature à porter atteinte aux intérêts publics ou à préjudicier ses administrés".

"Emoi légitime"

Résultat de ce jugement : "Si un entrepreneur de Laguiole souhaite fabriquer un plateau de fromages avec le nom de Laguiole, il se retrouve en contrefaçon d'un produit chinois", s'est insurgé le maire de Laguiole.
Cette décision suscite un "émoi légitime" parmi les élus et habitants du village, a reconnu le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, dans un communiqué daté de mercredi. "Désormais, le titulaire d’une IG existante pourra s’opposer au dépôt d’une marque qui lui porterait atteinte, poursuit le communiqué, en référence aux dispositions de la loi Consommation. Pour éviter des situations regrettables comme celle à laquelle est confrontée Laguiole, les collectivités pourront être alertées du dépôt d’une marque comprenant leur nom, sur demande auprès de l’Inpi. Ce droit d’alerte gratuit ouvrira aux collectivités un droit d’opposition à l’enregistrement des marques."
Seulement pour être opérationnelles, ces dispositions nécessitent des décrets d'application non encore publiés. De plus, elles n’auront pas d’effet rétroactif et ne s'appliqueront donc pas à Laguiole qui espère une modification de la loi. Le gouvernement botte en touche et renvoie à Bruxelles : "La France milite pour une extension similaire au niveau européen et encourage une réflexion sur les solutions collectives concrètes à mettre en oeuvre pour protéger les IG à l’intérieur de l’espace européen. Un livre vert devrait être publié par la Commission européenne dans les prochains mois." La commune, elle, envisage de se pourvoir en cassation.

 

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