Label et débouchés pour les agriculteurs qui protègent l’eau potable du bassin rennais (35)
En échange de pratiques plus vertueuses, les agriculteurs exploitant sur les zones de captage d'eau potable d'Eau du bassin rennais ont accès depuis 2015 au label Terres de Sources® et aux marchés publics des restaurants scolaires. Depuis 2019 le projet s’est ouvert au grand public.
Pas d'OGM ni d'huile de palme ni encore de métaldéhyde (anti-limace), un pesticide particulièrement difficile à éliminer dans une usine de traitement de l'eau potable. "Tout agriculteur candidat au label Terres de Sources® s'engage sur un cahier des charges de production", indique Daniel Helle, coordonnateur du projet Terres de Sources® à Eau du bassin rennais (EBR), le syndicat (mixte) chargé d'alimenter en eau potable les 500.000 habitants des 59 communes autour de Rennes. Ils étaient trois agriculteurs précurseurs en 2015 sur le premier marché public, on en compte aujourd'hui une quarantaine en vue du troisième marché !
Acheter une prestation de protection de l'eau, pas seulement un produit
Eau du bassin rennais (EBR) capte son eau potable jusqu'à 70 kilomètres autour de Rennes ; 80% sont des eaux superficielles. "Nous opérons sur les secteurs agricoles les plus laitiers de France, ainsi que sur les sites d'élevage porcins. Ces modes de production intensifs ont un impact sur la qualité de l'eau captée," souligne le coordonnateur du projet Terres de Source®. Mobilisé via la ville de Rennes depuis les années 90 pour promouvoir de nouvelles pratiques agricoles sur ses zones de captages - notamment dans le cadre des contrats de bassins versants - EBR ne trouve pourtant une solution gagnant-gagnant qu'au tournant des années 2010. "Nous voulions ouvrir les marchés publics de restauration collective aux exploitants situés sur les zones de captage à condition qu’ils s’engagent à améliorer leurs pratiques. Jusque-là, nous buttions toujours sur l’interdiction de la préférence locale dans les marchés publics."
Suite au Grenelle de l'environnement et au travail de plusieurs collectivités au sein du Réseau de la commande publique responsable du Grand Ouest (Reseco), la solution du marché de prestation est trouvée en 2012. "Nous travaillons en groupement de commande de collectivités aux besoins complémentaires : EBR commande de la prestation de service de protection de la ressource en eau (51 % du marché). Les communes achètent de la denrée alimentaire produite dans ces conditions. Dans un kilo de carottes, nous achetons à la fois la manière de le produire et le produit."
Engager chaque agriculteur dans un "projet de progrès" à 4 ans
Pour accéder à ce marché, les agriculteurs des zones de captage qui se portent volontaires doivent d'abord établir un état des lieux de départ de leur exploitation via la méthode "indice de durabilité des exploitations agricoles" (Idea) de la direction de la recherche du ministère de l'Agriculture. Certains produits sont interdits dès le départ : OGM, huile de palme, antibiotiques en préventif, ou encore métolachlore, un herbicide du maïs, perturbateur endocrinien. Les exploitants s'engagent aussi dans un "projet de progrès" à 4 ans, évalué chaque année. "Pour le troisième marché en cours de finalisation, nous nous donnons un cap sur les 53 indicateurs de la méthode IDEA mais nous ciblons particulièrement 9 d'entre eux, décidés en concertation entre agriculteurs, collectivités et représentants des consommateurs" souligne le coordonnateur Terres de Sources®.
En 2015, les trois premiers candidats à l'expérimentation étaient en bio ou en vente directe (agriculture raisonnée). Aujourd'hui, le marché intègre aussi des agriculteurs aux pratiques agricoles conventionnelles et en filière longue : "Cela permet de garantir un impact fort sur l'amélioration de la qualité de l'eau." Connu sur le terrain où les techniciens sont présents depuis les années 90, EBR a une vraie capacité à mobiliser le tissu agricole : le troisième marché en cours de préparation devrait ainsi compter une quarantaine de producteurs dont 20 nouveaux, desservant 15 acheteurs publics.
Un "label local de territoire"
Dès 2017 et le second marché public (20 producteurs et 15 acheteurs), le projet Terres de Sources ® convainc les élus locaux. Mais les volumes commandés par la restauration collective sont insuffisants pour assurer des débouchés aux nouvelles filières soutenues. Par ailleurs, plusieurs agriculteurs volontaires exerçant sur le territoire de consommation de l'eau potable ne sont pas éligibles aux marchés publics, car hors des zones de captage. D'où l'idée de lancer un "label local de territoire", de développer un tissu agricole au profit du local et moins de l'international, et de proposer des produits grand public via les réseaux de distribution locaux. En 2018, Terres de Sources® est lauréat de l'appel à projets "Territoires d'innovation ", géré par la Banque des Territoires au titre du programme Investissements d’avenir de l'État : 20,6 M€ d'aides sont désormais dédiés à l'accompagnement de la mutation du tissu agricole d'ici 2028. Objectif : diminuer la production de viande et de lait, augmenter celle d'huiles et de fibres, accentuer la rotation des cultures et diversifier les exploitations. Le scénario est ambitieux, il se dénomme Afterres2050.
Depuis l'été 2019, les premiers produits grand public Terres de Sources® ont rejoint les rayons des supermarchés. Une dizaine d’agriculteurs est déjà engagée et 35 s'apprêtent à les rejoindre. C'est le début d'une aventure ambitieuse pour laquelle Eau du bassin rennais prévoit de doubler ses effectifs affectés au projet : trois recrutements viennent d'être faits pour accompagner sa montée en puissance. A terme, 750 agriculteurs pourraient rejoindre la marque qui devrait être gérée sous forme de Scic associant producteurs, collectivités et représentants de consommateurs. "C'est un projet né de l'eau mais qui intègre aujourd'hui tous les enjeux d'autonomie alimentaire, de biodiversité, d'effet de serre. C'est pour ça qu'il mobilise autant !"
Eau du bassin rennais
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Laurence Besserve
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