À la veille de ses assises, Départements de France redoute l'asphyxie financière

Les départements sont toujours vent debout contre les mesures du projet de loi de finances touchant leurs recettes. Dont le fonds de précaution auquel les députés viennent eux aussi de s'opposer en commission des finances. Selon François Sauvadet, le président de Départements de France, 44% de l'effort demandé aux collectivités retombera sur les départements. Et ce alors que ces derniers n'ont ni marge de manoeuvre fiscale ni possibilité de piloter la majeure partie de leurs dépenses.

"Les départements asphyxiés, tous les Français impactés." C'est sous ce slogan que François Sauvadet compte placer les prochaines Assises des départements, qui se dérouleront du 13 au 15 novembre à Angers, à l'invitation du département de Maine-et-Loire. Un rendez-vous auquel sont attendus 1.200 participants, ce format "assises", choisi pour la quatrième année consécutive, étant ouvert à l'ensemble des élus départementaux et non aux seuls présidents.

Si le président de Départements de France juge ce slogan particulièrement d'actualité, c'est évidemment parce que les dispositions que le gouvernement a inscrites dans le projet de loi de finances (PLF) pour faire participer les collectivités au redressement des finances publiques sont considérées par son association comme risquant de porter le coup de grâce à des finances départementales déjà exsangues. "Cela va nous conduire droit dans le mur", assure-t-il.

"Arrêtez de charger la barque !"

Certes, les départements ne sont pas les seuls concernés par ces dispositions. Mais ils le seraient plus que les autres niveaux de collectivités. Selon François Sauvadet, sur les 5 milliards d'"efforts" attendus, 2,2 milliards, soit 44%, retomberont sur les départements. Et sur la principale économie imaginée par le gouvernement, à savoir le "fonds de précaution" correspondant à un prélèvement de 3 milliards sur les recettes des 450 plus grandes collectivités, les départements devraient y contribuer à hauteur de 1,3 milliard. Quant au gel de la TVA, sur 1,2 milliard, ce sera 688 millions de moins pour les départements. L'abaissement du FCTVA, enfin, coûtera 180 millions aux départements, sur un total de 800 millions d'euros.

Et tout cela "alors même que les départements sont la strate la plus fragile", a souligné l'élu mercredi 30 octobre lors d'une conférence de presse de présentation des Assises… peu avant que la commission des finances de l'Assemblée ne vote la suppression du fonds de précaution (voir notre article de ce jour). Les députés ont visiblement été sensibles aux arguments – pour ne pas dire propositions d'amendements – des associations d'élus locaux, dont Départements de France qui, depuis la présentation du PLF, appelle le Parlement à "prendre ses responsabilités" en refusant le mécanisme prévu. Et qui a évidemment aussi alerté l'exécutif : "Je l'ai dit au gouvernement, arrêtez de charger la barque !", rapporte François Sauvadet, qui s'est entretenu avec Michel Barnier, Laurent Saint-Martin, Catherine Vautrin… "Il faut avoir une réflexion sur qui peut contribuer et à quelle hauteur. Nous sommes la seule strate sans marge de manœuvre fiscale, nous sommes pieds et poings liés", poursuit-il, assurant que nombre de départements "ne savent pas comment faire leur budget".

"C'est tous les départements qu'il faut sortir"

Certes, le gouvernement a déjà fait savoir qu'il était prêt à allonger la liste des départements susceptibles, du fait de leurs difficultés, d'échapper au fonds de précaution. Mais pour François Sauvadet, "c'est tous les départements qu'il faut sortir". "Même les Hauts-de-Seine vont être en marge nette négative", pointe-t-il. Et l'élu de se référer au rapport de la Cour des comptes sur les finances locales de l'été dernier qui indiquait que fin 2023, 15 départements avaient atteint le "seuil d'alerte". Ils seraient actuellement 40… et on en compterait 80 l'an prochain si les mesures du PLF devaient s'appliquer.

Pour Départements de France, ces mesures sont d'autant plus "injustes" que les départements "ont déjà fait un effort de solidarité" entre eux avec le fonds de péréquation des DMTO, doté l'an dernier de 1,9 milliard. Et qu'a également été créé le "fonds de sauvegarde" (alimenté par "la tonicité" de la TVA) en faveur des 14 départements les plus fragiles. Sauf qu'aujourd'hui, "en se basant sur les mêmes critères, ce ne sont plus 14 mais 30 départements" qui devraient en bénéficier.

En cause, notamment, l'effondrement des DMTO, dont le produit est passé de 16,4 milliards fin 2022 à 10,7 milliards aujourd'hui. "La dégradation est très rapide". D'où la demande de l'association de pouvoir relever le taux plafond des DMTO, idée à laquelle "Matignon ne serait pas opposé", indique François Sauvadet. Quid de l'idée d'une part de CSG ? "C'est une piste qu'il faut creuser", estime-t-il. Mais sans devoir renoncer aux DMTO.

"Nous défendons un modèle social"

Au-delà de la question de possibles nouvelles ponctions, "le premier enjeu, c'est la dépense" et il faut donc commencer par là, souligne François Sauvadet. Ceci dans la mesure où "les deux tiers des dépenses des départements ne sont pas pilotables", notamment du fait du poids des dépenses sociales. Or celles-ci continuent d'augmenter, notamment du côté de la protection de l'enfance. Et se voient encore alourdies par des décisions en série telles que l'extension du Ségur. En outre, le sujet du financement des allocations individuelles de solidarité reste sur la table. "Nous demandons toujours que la CNSA couvre 50% du financement de ces allocations. Tant que nous n'aurons pas obtenu cela, nous ne discuterons pas de la réforme des fonds de concours de la CNSA", prévient le président de Départements de France. Aujourd'hui, les départements assurent 52% de cette dépense.

"Nous ne défendons pas une boutique, nous défendons un modèle social", clame François Sauvadet, évoquant les défis du vieillissement, de l'enfance, du handicap... et donc un vrai "risque social". Faudrait-il pour autant renoncer à d'autres politiques ? "On nous dit parfois 'Repliez-vous sur vos compétences obligatoires'... Mais imaginez alors ce qui se passerait dans nos campagnes", répond-il, mettant en avant l'enjeu des solidarités territoriales et citant entre autres l'aide aux communes et les Sdis.

Les Assises, qui correspondront au 83e congrès de l'association, donneront lieu comme de coutume à l'élaboration et au vote d'une motion. Les grandes séquences thématiques de ce rendez-vous : en premier lieu l'enfance, sachant que Florence Dabin, la présidente du Maine-et-Loire, est aussi présidente de France Enfance Protégée, et que des propositions seront remises à Agnès Canayer, la ministre déléguée chargée de la famille et de l'enfance. Mais aussi le vieillissement, le sport et la culture, le tourisme, les routes... et les finances. Florence Dabin dit souhaiter faire de ces journées angevines un rendez-vous "pragmatique, porteur de solutions". Et espère que tout comme Elisabeth Borne était venue il y a un an conclure les Assises de Strasbourg, Michel Barnier assurera le discours de clôture avec, à la clef, des annonces sonnantes et trébuchantes.

 

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