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La smart data pour construire l'intelligence des territoires

Du tourisme à la gestion urbaine en passant par la mobilité, la data et l’intelligence artificielle étaient omniprésentes lors de l’édition 2018 d’Innovative City à Nice.

A Montgenèvre (05), l'analyse des connexions au réseau de téléphonie mobile, croisée avec la fréquentation des remonte-pentes, du centre de balnéothérapie et de la météo ont permis de mieux comprendre les flux et pratiques touristiques. Une approche qui va permettre à la station de ski de se doter d'un site internet dont la page d'accueil s'adaptera en fonction de la météo pour proposer des activités adaptées à ses visiteurs. A Dijon (21), le projet de smart city prévoit la création d'un centre de commandement unique pour piloter l'éclairage public, la mobilité, les ordures, l'eau et la sécurité des 24 communes membres. Avec à la clef le développement de services tels que la priorisation des feux rouges pour l'acheminement des secours, l'optimisation des tournées de ramassage des déchets ou encore la modulation de l'éclairage public en fonction des besoins effectifs. Si ces deux projets concernent des territoires très différents - une commune touristique dont la population varie de 247 habitants à 29.000 en pleine saison à et une métropole de 250 000 habitants - ils partagent une même approche de pilotage du territoire par la donnée.

L'intelligence artificielle pour rendre la donnée intelligible

Mais au-delà de la captation des données, l'enjeu est désormais de pouvoir les analyser en temps réel pour les transformer en "smart data", c'est-à-dire en données opérationnelles pour prendre les bonnes décisions. Et pour cela, le recours à l'intelligence artificielle apparaît indispensable, car les volumes de données à analyser sont considérables. L'exemple de la vidéosurveillance est à cet égard très illustratif. "Les images collectées se comptent en téraoctets, il est devenu impossible pour l'être humain de les analyser sans l'aide de l'intelligence artificielle, d'autant plus que lorsqu'on met des caméras, l'usager s'attend à ce que l'agression dont il est victime soit résolue rapidement", témoigne ce gradé de la gendarmerie en charge de la sécurité sur la métropole niçoise. De fait "ce qui caractérise nos sociétés, c'est la complexité et la difficulté de l'intelligence humaine à l'appréhender" renchérit le général Denis Mercier, qui travaille sur le partage de données à l'échelle des 29 pays membres de l'Otan. L'approche "smart data" est ensuite lourde de conséquences sur les collectivités car elle impose de "casser les silos" et de revoir en profondeur la gouvernance de leur organisation. "L'enjeu de notre projet est avant tout organisationnel" reconnaît Denis Hameau, conseiller communautaire de Dijon Métropole en charge de la smart city, "car il s'agit de faire travailler ensemble six verticales métier avec pas moins de 600 agents concernés". Changer de méthode implique aussi de "raisonner écosystème" et de construire des passerelles entre le secteur public et le secteur privé. L'Otan a ainsi travaillé avec l'université et la ville de Norfolk (USA), où l'organisation a son siège, pour réfléchir conjointement sur la résilience urbaine. L'occasion pour les militaires de croiser leur approche sur la guérilla urbaine avec les travaux de la ville sur la gestion des ouragans. Dans les collectivités, les partenariats publics privés s'avèrent également indispensables pour mener à bien des projets qui exigent de nouvelles compétences, notamment en matière de datascience. A Montgenèvre, la collectivité s'est appuyée sur Orange business service, Dijon travaillant avec un consortium inédit entre Bouygues Energies Services, Citelum (EDF), Suez et Capgemini. Sans oublier les start-up car les données gérées par le consortium ont vocation à être mises à disposition en open data pour permettre à de jeunes entreprises créer de nouveaux services et "faire du projet de smart city un levier de développement économique et d'attractivité", se félicite Denis Hameau.

Les Gafa en embuscade de la smart city

Ces partenariats restent cependant assez classiques dans leur mise en œuvre (contrat, DSP…). Or "Il ne s'agit pas de digitaliser les processus existants mais de changer de modèle, de procéder par itération en acceptant de pouvoir se tromper" alerte le général Mercier. "Nous avons en Europe de nombreux talents et notre éthique, respectueuse de la vie privée, répond à une attente très forte des populations. Notre problème principal est celui du temps car nous avançons trop lentement par rapport aux géants de l''internet américains et chinois" a renchéri Eric Leandri, fondateur de Qwant, la seule société européenne à proposer un moteur de recherche alternatif à Google. Et urgence il y a car force est de constater que les Gafa se positionnent désormais sur la smart city, en particulier sur la mobilité intelligente. Du reste, Waze, filiale de Google, a d'ores et déjà séduit plusieurs collectivités françaises avec son offre "connected citizens" qui permet d'accéder aux incidents de circulation répertoriés par ses utilisateurs. Pour contrer les Gafa, quelques pistes ont été évoquées comme la création une Darpa européenne, du nom de cette administrations affiliée au ministère de la Défense américain dont la mission est de produire des innovations de rupture en assumant un taux de réussite de seulement 10 à 15% de ses projets. Son équivalent européen, la "Joint European Disruptive Initiative" portée par 80 grands groupes, start-up et organismes de recherche franco-allemands a été lancée en janvier dernier mais peine depuis à se concrétiser faute de budget. L'Estonie, pays leader en matière de cybersécurité et de gouvernement électronique, a également été cité comme un modèle à suivre notamment dans son usage des logiciels libres et son approche de l'interopérabilité. Comme le rappelait cependant le rapport de Cédric Villani, la matière première de l'intelligence artificielle est la donnée, l'ouverture des données reste donc un préalable au développement des approches smart data. Un sujet sur lequel les collectivités sont en première ligne.