La sénatrice Antoinette Guhl dénonce "l’ubérisation de l’insertion" à travers le dispositif des EITI en cours d’évaluation

Dans la foulée du rejet d’un amendement sénatorial sur les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI), la ministre chargé du travail et de l’emploi Astrid Panosyan-Bouvet a confirmé que l’Igas publierait prochainement un rapport d’évaluation de ce dispositif mis en place en 2018.

À l’occasion de l’examen samedi 18 janvier, dans la cadre du PLF 2025, des crédits de la mission travail, emploi et administration des ministères sociaux, la sénatrice (Les Écologistes) de Paris Antoinette Guhl a défendu un amendement relatif aux EITI, les entreprises d’insertion par le travail indépendant, afin de dénoncer ce qu’elle qualifie "d’ubérisation de l’insertion". Si l’amendement n’a pas été adopté, la ministre chargée du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a néanmoins assuré que l’évaluation du dispositif réclamée par la sénatrice faisait actuellement l’objet d’une étude de l’Igas dont les conclusions seraient prochainement rendues publiques

Introduites par une loi de 2018, les EITI ont été envisagées à l’origine comme une cinquième catégorie de structure d’insertion par l’activité économique aux côtés des ateliers et chantiers d’insertion (ACI), des entreprises d’insertion (EI), des associations intermédiaires (AI) et des entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI). Avec la promesse de permettre à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’exercer une activité professionnelle en bénéficiant d’un service de mise en relation avec des clients ainsi que d’un accompagnement. L’enjeu consistait alors à élargir le champ de l’insertion par l’activité économique au travail indépendant, présenté comme pouvant mieux répondre à certaines situations pour lesquelles le "salariat classique" semblait moins adapté.

Sur le fond, la sénatrice de Paris s’interroge sur la création même des EITI qui relève, selon elle, "de l’ubérisation de l’économie". Un dispositif d’insertion "qui ne permet pas de vivre dignement" et à travers lequel, regrette-t-elle, "on demande à des personnes en insertion de se débrouiller toutes seules". Interpellée à ce sujet au Sénat, la ministre Astrid Panosyan-Bouvet a cité l’exemple des femmes seules avec enfants pour lesquelles le système des EITI constituait selon elle une alternative aux contraintes du salariat, notamment en termes de respect des horaires. Ce que conteste la sénatrice de Paris qui estime que "les structures existantes de l’insertion par l’activité économique pourraient tout à fait adapter leurs horaires pour les maintenir dans le salariat".

"Ce n’est pas dans l’esprit de l’insertion"

Sur la forme, Antoinette Guhl déplore l’absence d’évaluation du dispositif, pourtant prévu dans la loi de 2018 et qui aurait dû être effective au bout de 3 ans d’expérimentation. Astrid Panosyan-Bouvet promet en réponse un rapport imminent de l’Igas sur le sujet des EITI "qui sera rendu public". "Je l’attends avec impatience", lui a répondu Antoinette Guhl qui pointe l’inefficacité du dispositif et son mode de financement : un système dans lequel les structures d’insertion bénéficient à la fois de subventions de l’État et d’un soutien des collectivités locales et qui prélèvent en parallèle 25% de ce que perçoivent les "autoentrepreneurs" dans le cadre de la mise en relation avec les clients. "Ce n’est pas dans l’esprit de l’insertion qui est d’accompagner vers une forme d’autonomie", souligne la sénatrice qui s’insurge "que l’on fasse payer des personnes en insertion". "Le problème c’est qu’il s’agit de structures à but lucratif, ce qui n’est pas le cas dans les structures classiques d’insertion", insiste-t-elle. Au final, déplore l’élue parisienne, "cette ubérisation de l’insertion crée beaucoup plus de difficultés pour les personnes en insertion qui ont avant tout besoin d’accompagnement ; à travers le recours aux EITI on les précarise davantage et elles auront d’autant plus de mal à revenir dans le salariat".

Devant les sénateurs, Astrid Panosyan-Bouvet a expliqué qu’un décret venait d’être publié qui renforce les obligations des structures incriminées afin d’améliorer la qualité de leur accompagnement. Quant à la prolongation de l’expérimentation en 2021, décidée sans qu’aucune évaluation n’ait été réalisée, la ministre a rappelé qu’elle avait été décidée "à la demande du Parlement". L’arrêté du 2 janvier 2025 définit un cahier des charges qui décrit précisément les missions des EITI ainsi que leurs relations avec France Travail et l’écosystème du réseau pour l’emploi. Un décret du 30 décembre 2024 avait précédemment précisé les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation sur les EITI (voir notre article du 7 janvier).

 

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