Prévention - La sécurité privée met de l'ordre... dans ses rangs
"C'est un marécage où coexistent des nénuphars et des crapauds." Pour Claude Tarlet, président de l'USP, l'Union des entreprises de sécurité privée, le secteur qu'il représente s'est développé dans l'opacité ces dernières années, faute de règles du jeu bien établies. Lors d'un débat organisé le 6 juin en marge du Siseg (salon international des services généraux et des achats hors production), il a regretté "l'accumulation de textes qui n'aboutissent pas". La sécurité privée emploie aujourd'hui 150.000 salariés. Ils devraient être 250.000 d'ici à dix ans ! Autant que toutes les forces de polices réunies. Aéroports, transports publics, HLM, centres commerciaux, manifestations culturelles et sportives... plus de 4.000 entreprises se partagent ce marché juteux au côté des pouvoirs publics. Mais la sécurité privée n'offre pas un visage uniforme, beaucoup de brebis galeuses ont profité de l'absence de règles claires pour se faufiler : travail illégal, sous-traitance, non-respect du Smic sont monnaie courante alors que les dépôts de bilan s'enchaînent. Un tableau terni encore par l'introduction "mécanique" des 35 heures, selon Claude Tarlet. "Ce métier ne peut pas être respecté s'il n'est pas respectable", a-t-il martelé. L'USP exerce un fort travail de lobbying pour mettre un terme à ces dérives et professionnaliser le métier. La loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 devrait ainsi apporter quelques garanties. Elle a rendu obligatoire l'obtention d'une carte professionnelle pour exercer le métier d'agent de sécurité. Mais le décret d'application est toujours en attente. Une précédente loi du 18 mars 2003 avait fixé le principe d'une aptitude professionnelle, celui-ci devant être applicable à partir du 1er janvier 2008. Pour pouvoir assurer les besoins de formation qui en découlent, l'USP a passé une convention avec l'Afpa en mars dernier. Par ailleurs, l'union publiera dans les prochains jours un "guide des bonnes pratiques" qui fait suite au Livre blanc sur la sécurité privée publié l'an dernier. Enfin, l'USP travaille avec l'Inhes (Institut national des hautes études de sécurité) à la création d'un diplôme spécifique aux fonctions de dirigeants.
Selon Richard Bousquet, commissaire divisionnaire honoraire et conseiller sur ces questions, l'un des grands enjeux à venir réside dans l'absence de coordination entre sécurité privée et sécurité publique au plan local. "Nous avons nettement progressé dans les relations entre les polices municipales et nationale à travers les conventions de coordination, or, en même temps que l'on assiste à une montée en puissance de la sécurité privée, rien n'oblige aujourd'hui les donneurs d'ordre à informer la police de leurs activités", s'est inquiété Richard Bousquet. Un point de vue partagé par Pierre Monzani, directeur de l'Inhes, qui préconise de prendre en compte les acteurs de la sécurité privée dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Michel Tendil