Social - La réforme des tutelles en voie de finalisation
La réforme du régime de protection juridique des majeurs, tant de fois promise, va-t-elle enfin voir le jour ? Il semble que oui ! Les deux ministres concernés, Pascal Clément et Philippe Bas, assurent qu'un projet de loi sera présenté "très prochainement" en Conseil des ministres. Ils se refusent toutefois à être plus précis en termes de calendrier.
Les objectifs et les axes de la réforme sont en tout cas connus de longue date... et viennent même d'être exposés de façon assez précise. Le garde des Sceaux et le ministre délégué à la Sécurité sociale ont en effet été entendus le 22 mars dernier à l'Assemblée nationale par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à laquelle s'était associée la commission des lois. La demande des députés a été claire : "disposer rapidement d'un texte pour commencer les travaux parlementaires". "Il importe d'agir au plus vite pour abroger la législation archaïque en vigueur et instaurer des garde-fous, ce qui suppose que la réforme puisse aboutir avant les prochaines législatives", a par exemple insisté Laurent Wauquiez (Haute-Loire).
L'imprécision des délais est due, ont expliqué les ministres, à la phase de consultation engagée avec l'Assemblée des départements de France. Or les conseils généraux sont peu enthousiastes à l'idée de devoir "absorber une nouvelle réforme" (après celle du RMI, du handicap... et, bientôt, de la protection de l'enfance). Ils demandent donc à "souffler un peu".
Distinguer protection juridique et mesures sociales
Le ministre délégué, toutefois, "ne désespère pas de les convaincre". Il devra également se montrer convaincant sur le terrain du financement des prérogatives que les départements se verront confier, à savoir notamment le futur dispositif d'"accompagnement social spécifique".
Regrettant que cette réforme des tutelles ait été reportée à plusieurs reprises, Pascal Clément a rappelé que plus de 600.000 personnes sont actuellement placées sous un régime de protection juridique (auxquelles s'ajoutent 67.000 personnes soumises à une mesure de tutelle aux prestations sociales). En 2010, il pourrait s'agir de 800.000, voire un million de personnes. Au-delà du facteur "vieillissement de la population", le garde des Sceaux souligne que la protection judiciaire des majeurs s'est trop souvent "écartée de sa finalité", faisant parfois office de "palliatif aux insuffisances des dispositifs sociaux" pour des personnes victimes, non pas d'une altération des facultés mentales mais d'une situation de grande précarité.
L'avant-projet de loi entend par conséquent établir une différenciation plus claire entre mesures de protection judiciaire et dispositifs de nature sociale, réservant les premières à "ceux qui en ont vraiment besoin" du fait d'une déficience médicalement avérée.
Un contrat signé par le président de conseil général
C'est ainsi que la tutelle aux prestations sociales et la curatelle pour prodigalité seront supprimées et se verront remplacées par un dispositif "graduel" dont le premier volet, administratif, sera mis en oeuvre par les départements. Il s'agira tout d'abord de proposer un "contrat d'accompagnement social" signé entre le président de conseil général et la personne majeure.
En cas de refus ou d'échec de ce contrat, le président de conseil général pourra solliciter du juge une "montée en puissance des mesures de contraintes", avec par exemple l'autorisation de percevoir le RMI pour assurer le paiement d'un loyer.
Lorsque cette mesure se révélera à son tour insuffisante, les services sociaux s'adresseront au procureur de la République. Celui-ci décidera s'il est ou non pertinent de saisir le juge en vue d'une mesure "de gestion budgétaire et d'accompagnement social". "Cette mesure judicaire n'entraînera aucune incapacité juridique", a précisé Pascal Clément, insistant sur le fait que désormais, seul le procureur et la famille de la personne concernée pourront saisir le juge.
Le texte introduit par ailleurs la formule du "mandat de protection future" pour toute personne souhaitant "organiser par avance sa protection, au cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à la défense de ses intérêts" (en cas de maladie neurodégénérative par exemple).
Financement : le chiffrage reste à faire
Insistant sur le principe de "l'affirmation des droits de la personne vulnérable", le garde des Sceaux a également détaillé un certain nombre de dispositions liées à la procédure judiciaire. Elles concernent l'audition de la personne concernée (avec assistance possible d'un avocat), le libre choix du tuteur ou curateur, l'information de la personne sur les actes faits en son nom, etc. Philippe Bas a en outre précisé qu'un réexamen de toute décision de placement sera réalisé tous les cinq ans.
Enfin, la réforme prévoit une série de dispositions relatives à la professionnalisation des intervenants exerçant des missions de protection juridique : formation, évaluation, assurance, interdiction de la pratique des "comptes pivots", présentation annuelle d'un compte de gestion au greffier en chef?
Concernant l'aspect financier, Philippe Bas a rappelé aux parlementaires la répartition actuelle des charges : 200 millions d'euros supportés par l'Etat, 180 millions par la sécurité sociale et environ 30 millions par les départements. Quant au nouvel équilibre financier? on saura seulement, selon les indications de Pascal Clément, qu'un "travail d'expertise" va être mené "pour chiffrer de manière précise les économies que pourrait générer cette réforme" et évaluer ce qui sera à la charge des départements. Philippe Bas a pour sa part assuré, au moment où les associations tutélaires alertent sur la gravité de leur situation financière, que les retards de paiement de la part de l'Etat sont sur le point d'être "entièrement résorbés" grâce à l'augmentation des crédits sur 2006 .
Claire Mallet