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Réforme du code minier - La proposition de loi adoptée à l'Assemblée

La proposition de loi socialiste portant adaptation du code minier au droit de l'environnement a passé avec succès le cap de l'Assemblée nationale qui l'examinait en première lecture ces 24 et 25 janvier. En gestation depuis 2011 et sans cesse reportée, cette réforme du code minier aura toutefois du mal à terminer sa course au vu du calendrier parlementaire.

L'Assemblée nationale a voté ce 25 janvier la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement. Son inscription à l'ordre du jour conduit enfin au débat parlementaire cette réforme à la gestation difficile. Certains l'auraient souhaitée plus ambitieuse. Durant cinq années, rapports et groupes de travail se sont succédé pour tenter de moderniser un code minier dont les carences ont notamment été mises en lumière par la problématique des pétroles et gaz de schiste. Mais finalement aucun projet de loi n'a été déposé.
En qualité de président de la commission du développement durable (et rapporteur du texte), Jean-Paul Chanteguet a estimé "qu'il serait regrettable qu'à l'approche de la clôture de la législature, le travail effectué à la fois par les parties prenantes et par notre Assemblée n'aboutisse pas". Ce serpent de mer pourra-t-il achever son parcours parlementaire avant la fin de la législature ? La fenêtre de tir est étroite, la suspension des travaux parlementaires étant fixée au 24 février prochain. "Le temps est court et il est compté", reconnaît Jean-Paul Chanteguet, "mais il est important que l'on fasse voter un texte qui continuera à vivre et sera toujours affublé d'une déclaration d'urgence". "Il faut qu'on retrouve de la sérénité, de la transparence et de la concertation au sein des territoires. On peut développer de nouvelles exploitations à partir du moment où les règles d'attribution des permis permettent la participation du public, l'expertise environnementale et associent les élus", a déclaré le député (PS) de l'Indre.
Selon le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie, Christophe Sirugue, l'installation d'un "cadre juridique stabilisé et modernisé" répond aux voeux des professionnels qui attendent "des procédures clarifiées et des délais de décision maîtrisés et plus courts". Hostile au texte, le groupe LR s'est quant à lui prononcé contre cette proposition de loi "mort-née" puisqu'elle "n'est pas inscrite dans les travaux du Sénat".

Charte de l'environnement et Accord de Paris

Saisie au fond, la commission du développement durable a pleinement joué le jeu et enrichi profondément le texte déposé en novembre dernier (lire notre article ci-contre). A l'ouverture des débats à l'Assemblée, la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, a ainsi relevé les "grandes avancées" du texte, "grâce aux remarquables travaux de la commission". "La France donne l'exemple au reste du monde, comme l'y oblige la réussite que constitue l'Accord de Paris sur le climat affirmant clairement que la recherche d'hydrocarbures n'est plus une priorité", s'est-elle félicitée.
En séance, l'Assemblée a complété les principes généraux du code de l'environnement auxquels doivent être soumises l'ensemble des activités minières (art. 1er bis), via des amendements identiques de la députée socialiste Delphine Batho et de la rapporteure Marie-Noëlle Battistel. Ceux de l'élue EELV, Michèle Bonneton, précisant que les activités minières doivent s'exercer dans le respect de l'Accord de Paris et de la loi relative à la transition énergétique ont en revanche été repoussés. Un amendement de Delphine Batho prévoit toutefois que la politique nationale des ressources et des usages miniers tient compte de la raréfaction des ressources et traduit l'Accord de Paris (art. 4). En outre, un amendement du gouvernement fait en sorte que le schéma départemental d'orientation minière (Sdom) de Guyane soit cohérent avec la politique nationale minière. Le gouvernement a également proposé un amendement visant à établir un lien entre la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la politique nationale des ressources et des usages miniers, afin de limiter l'exploration et l'exploitation en matière d'hydrocarbures. Le texte pose aussi au niveau législatif le principe de la caractérisation des gisements qui doit être préalable à l'obtention de l'autorisation et du permis d'exploitation dans les territoires d'outre-mer (art. 7 E).
A l'initiative du rapporteur, le cahier des charges devra si "la protection de la sécurité et de la santé publiques" le justifie, interdire le recours à certaines techniques d'exploration ou d'exploitation sur tout ou partie du périmètre du titre, voire limiter les formations géologiques auxquelles le titre s'applique (art. 2). Les demandes d'octroi et d'extension ainsi que la prolongation de titres d'exploitation pourront être également soumises, à la demande du préfet instructeur, à "une étude socioéconomique sur les effets du projet, notamment sur le territoire susceptible d'être économiquement affecté par l'exploitation". Par ailleurs, le silence gardé pendant plus de deux ans sur les demandes d'octroi, d'extension ou de prolongation d'un titre minier d'exploration et d'exploitation vaudra décision de rejet, selon un amendement de Delphine Batho adopté contre l'avis du gouvernement. (art. 1er ter).

Consultation des collectivités

Pour les demandes de titres d'exploration s'appliquera la procédure de consultation électronique du public comme prévue dans le code l'environnement, en vertu d'un amendement de Jean-Paul Chanteguet. Le rapporteur a également souhaité retenir un critère "plus clair, facile à appliquer, incontestable" pour identifier les collectivités qui devront être informées et consultées sur une demande de titre minier : le fait d'être situées en tout ou partie dans le périmètre du titre minier demandé. Le texte étend en outre la consultation aux EPCI dont le ressort territorial serait lui-même situé en tout ou partie dans le périmètre du titre demandé. Un décret en Conseil d'État fixera la liste des organismes consultatifs territoriaux compétents sur les questions environnementales (commissions locales de l'eau par exemple) qui devront être consultés par le préfet instructeur.
Toujours à l'initiative du rapporteur, les conditions de déclenchement de la procédure de concertation renforcée ont été revues (art. 3). L'amendement modifie le critère identifiant les électeurs et les communes pouvant demander au préfet d'activer cette procédure, en retenant là encore les communes situées en tout ou partie dans le périmètre du titre demandé. "La notion d'impact environnemental, sanitaire ou socio-économique est trop floue, difficile à déterminer et large. Non seulement ces délimitations seront contestées, mais un périmètre trop large pourrait rendre les seuils définis inaccessibles, et le dispositif obligatoire inopérant", justifie Jean-Paul Chanteguet. Le texte ramène également la majorité qualifiée des deux tiers exigées des communes à une majorité simple.
Le choix des experts pour une tierce expertise sur un projet minier ne sera pas soumis à l'avis du demandeur, selon un amendement défendu par Delphine Batho.
La rapporteure Marie-Noëlle Battistel a souhaité garantir la mise en œuvre d'une commission spéciale de suivi à la suite de l'octroi du titre minier "s'il y a une forte demande des collectivités territoriales ou des populations". Cette commission pourra être instaurée si le groupement participatif en fait la demande dans ses conclusions. Mais également lorsque la procédure renforcée d'information n'a pas été mise en œuvre, si les deux tiers des communes situées sur le périmètre géographique concerné par le titre le demande.
L'Assemblée a également adopté un amendement du député de Guyane Gabriel Serville permettant de remplacer la procédure d'enquête publique, "matériellement impossible à conduire dans toutes les communes de France", par une consultation nationale pour se prononcer sur le passage d'une substance de carrière dans la catégorie des substances de mines. Un autre soumet à consultation publique les demandes d'autorisation d'exploiter des mines en outre-mer. Le groupement participatif introduit à l'article 3 de la PPL concernera également les territoires ultramarins, au terme d'un amendement défendu par la députée SER de Guyane Chantal Berthelot. Le registre national qui recensera l'ensemble des décisions administratives prises en application du code minier comportera notamment une carte des titres miniers en vigueur et en cours d'instruction sur le territoire national, mise à jour au moins tous les semestres (art. 4). A l'article 5, un amendement gouvernemental supprime le régime spécifique de référé-suspension en matière minière, sans condition d'urgence, pour les collectivités et pour les associations agréées. "Ce dispositif serait en effet totalement dérogatoire du droit commun", a justifié Christophe Sirugue.

L'après-mine

Sur le volet de l'après-mine, pour éviter un afflux massif de dossiers au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), le gouvernement a souhaité limiter l'extension de son champ d'intervention - par rapport aux dispositions introduites en commission - "aux publics les plus fragiles qui ne peuvent supporter les coûts et la durée d'une procédure contentieuse contre le responsable des dommages" (art. 6). L'article 6 ter introduit lui aussi en commission et visant à prescrire les actions réelles immobilières par trente ans à compter de la découverte du dommage et non du fait générateur est supprimé. A l'initiative de Gabriel Serville, un article additionnel transpose en droit minier le régime des servitudes d'utilité publique déjà prévues par la réglementation ICPE au titre du code de l'environnement. Un autre rend obligatoire pour l'exploitant toutes mesures assurant la protection des intérêts énumérés à l'article L.161-1 (santé, salubrité publique, environnement, etc.) pendant les périodes d'inactivité de la mine. En cas d'inactivité prolongée (supérieure à trois ans), l'autorité compétente pourra mettre en demeure l'exploitant d'engager la procédure d'arrêt de travaux et entamer ainsi la phase d'après mine.

Interdiction des gaz et huiles de schiste

L'Assemblée a entériné l'interdiction d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures non conventionnels piégés dans la roche-mère introduite en commission pour compléter le dispositif mis en place par la loi de 2011 qui s'était limitée à interdire une technique (la fracturation hydraulique). La définition retenue permet néanmoins d'exclure de l'interdiction les hydrocarbures gazeux contenus dans les veines de charbon comme en Lorraine, "dans la mesure où son extraction ne nécessite pas l'emploi de la fracturation hydraulique", selon le rapporteur. Autre regret des écologistes, l'absence de sanction pour tout contrevenant qui explorerait le sous-sol en vue d'exploiter ces hydrocarbures, malgré un amendement défendu en ce sens par Laurence Abeille.
Afin d'atteindre pleinement l'objectif de réforme et d'amélioration de la lisibilité du code minier, le gouvernement propose enfin via un titre additionnel après l'article 7H de légiférer par ordonnance notamment pour permettre l'adaptation du code minier aux spécificités de l'outre-mer et répondre aux enjeux de la traçabilité de l'or en Guyane.