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Insertion - La prime forfaitaire risque de réveiller la question des transferts de charge sur le RMI

Trois décrets du 29 septembre 2006 précisent les modalités de mise en oeuvre de la prime de retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux et de la prime forfaitaire mensuelle. Remplaçant les formes traditionnelles d'intéressement, cette prime forfaitaire versée par les départements pourrait bien relancer la question du financement du RMI.

La question des éventuels effets "désincitatifs" des minima sociaux est récurrente depuis la création du revenu minimum d'insertion en 1988. Prévu dès l'origine pour le RMI, le mécanisme de l'intéressement - consistant à permettre aux bénéficiaires de cumuler, sur une période allant jusqu'à un an, une partie de leur allocation avec les revenus issus de la reprise d'emploi - a été étendu en 1998, sous des formes différentes, aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API). Mais cela n'a pas suffi à clore le débat. Celui-ci a repris de plus belle avec la publication, en mai 2005, du rapport d'information du Sénat "Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité" et le lancement de l'élaboration d'une proposition de loi.
Soucieux d'éviter tout débordement sur un sujet sensible, le gouvernement a choisi de prendre les devants en créant, par un décret du 29 août 2005, une prime exceptionnelle de retour à l'emploi. D'un montant de 1.000 euros, elle s'adresse aux bénéficiaires de plusieurs minima sociaux - RMI, ASS, API et allocation aux adultes handicapés (AAH) - inscrits comme chômeurs de longue durée et qui reprennent une activité professionnelle. A l'origine, il devait s'agir d'un dispositif temporaire, valable seulement jusqu'au 31 décembre 2006. Mais devant le caractère incitatif de ce mécanisme, le gouvernement a décidé de le pérenniser au-delà de la date butoir initiale. Cette intention s'est concrétisée dans la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, qui donne une base légale au dispositif.

Une prime à l'emploi pérennisée

La loi de 2006 ne s'est pas contentée de pérenniser la prime de retour à l'emploi. Elle a également réformé en profondeur le mécanisme de l'intéressement, en créant une "prime mensuelle forfaitaire" de 150 euros, commune aux bénéficiaires des trois allocations d'insertion : RMI, API et ASS. Ce nouveau dispositif remplace l'allocation différentielle, jugée peu lisible par les bénéficiaires et donc pas assez incitative. Si la prime de retour à l'emploi est versée par l'Etat (pour le RMI et l'API) et par le fonds de solidarité de l'assurance chômage (pour l'ASS), la prime forfaitaire incombe aux départements, qui finançaient déjà les mesures d'intéressement.
Les trois décrets du 29 septembre 2006 précisent les modalités du dispositif issu de la loi du 23 mars 2006. Ils prévoient que le bénéfice de la prime de retour à l'emploi est ouvert à tout bénéficiaire de l'une des prestations visées exerçant une activité professionnelle durant quatre mois consécutifs. Toutefois, lorsque la reprise d'activité résulte de la conclusion d'un ou plusieurs contrats à durée indéterminée ou d'un ou plusieurs contrats à durée déterminée de plus de six mois, la prime peut être versée par anticipation dès la fin du premier mois d'activité, à la demande de l'intéressé. Si l'activité concernée est salariée, la durée du travail doit être au moins égale à 78 heures mensuelles (lors des débats au Parlement, une durée de 72 heures avait été évoquée). Cette durée plancher peut résulter de la conclusion d'un ou plusieurs contrats de travail. Le montant de la prime reste fixé à 1.000 euros, comme pour la prime exceptionnelle de 2005.

La prime forfaitaire remplace l'intéressement

Les décrets du 29 septembre 2006 précisent également les modalités de mise en oeuvre de la prime forfaitaire, qui se cumule avec la prime de retour à l'emploi. Son montant sera de 150 euros par mois pour une personne seule et de 225 euros pour une famille, ce qui correspond aux indications données par le gouvernement lors des débats parlementaires. Ce dispositif interviendra à compter du quatrième mois de reprise d'emploi, la loi ayant posé le principe d'un cumul intégral entre l'allocation et le revenu d'activité durant les trois premiers mois. A partir du quatrième mois d'activité professionnelle, le montant de la rémunération tirée de cette dernière est déduit de l'allocation, la prime forfaitaire compensant alors, durant neuf mois, tout ou partie du manque à gagner. Comme pour la prime de retour à l'emploi, le bénéfice de la prime forfaitaire est subordonné à une condition d'activité de 78 heures par mois au minimum.
Le nouveau système présente plusieurs avantages par rapport à l'intéressement traditionnel. Le principal résulte du caractère forfaitaire de la prime : le dispositif s'applique quel que soit le montant du salaire perçu lors de la reprise d'activité. Ce caractère forfaitaire accroît aussi la lisibilité de l'aide. Chaque bénéficiaire peut ainsi facilement calculer ce qu'il percevra s'il reprend un emploi. La prime forfaitaire sera par ailleurs maintenue durant neuf mois, même s'il a été mis fin au droit au RMI ou à l'allocation durant cette période.
Reste la question délicate du financement par les départements. Selon les engagements pris par le gouvernement lors des débats au Parlement, la prime forfaitaire ne devrait entraîner aucune dépense supplémentaire pour les départements. Elle remplace en effet le dispositif existant, au moins pour les bénéficiaires d'un travail d'une durée supérieure à 78 heures par mois. Cette neutralité budgétaire a également été affirmée par le rapporteur du projet de loi au Sénat. Mais les modifications apportées aux modalités d'octroi de cette aide laissent les départements sceptiques sur cette absence d'impact. A défaut de chiffrage précis, ils devraient, à tout le moins, se montrer très vigilants dans les prochains mois.

Jean-Noël Escudié / PCA

PLF 2007 : un support législatif pour les expérimentations départementales

Le Comité interministériel de lutte contre l'exclusion de mai dernier avait donné son feu vert à l'idée - portée par Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France et créateur de l'Agence nouvelle des solidarités actives - d'expérimenter avec un certain nombre de départements volontaires "de nouvelles formules" visant à inciter les Rmistes à revenir vers l'emploi. Il restait à trouver un support législatif à ces expérimentations. Celles-ci entrent en effet dans le cadre de la loi organique du 1er août 2003 "relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales", qui exige le passage par un texte de loi.
C'est désormais chose faite. Comme l'avait laissé entendre le Comité des finances locales le 26 septembre, le projet de loi de finances (PLF) pour 2007 vient, avec son article 59, "autoriser les départements qui en feront la demande à expérimenter (...), pendant une durée de trois ans, des aménagements aux lois existantes en matière de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI". Objectifs affichés par l'exposé des motifs du PLF : "améliorer les incitations financières associées à la reprise d'un emploi", "simplifier les conditions d'accès aux emplois aidés", "adopter des mesures innovantes destinées à réduire les autres obstacles au retour à l'emploi (conditions de garde des enfants, transport ou mobilité familiale par exemple)".
En particulier, l'Etat pourra confier aux départements engagés dans la démarche expérimentale "la charge de financer la prime de retour à l'emploi" versée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Les départements pourront "majorer le montant de la prime de retour à l'emploi et de la prime forfaitaire" et, le cas échéant, "fusionner ces primes en une aide modulable" aux Rmistes s'engageant dans un contrat d'avenir ou un CI-RMA.
Les départements volontaires pour mettre en oeuvre tout ou partie des expérimentations mentionnées par cet article doivent se porter candidats avant le 31 mars 2007. Ce devrait être le cas pour une dizaine d'entre eux, dont l'Eure, la Meurthe-et-Moselle, le Rhône, la Marne ou encore la Côte-d'Or qui a signé la semaine dernière une convention de partenariat en ce sens avec l'Agence nouvelle des solidarités actives.

C.M.