Finances locales - La pluriannualité budgétaire dans les collectivités locales : un vaste chantier
En 2009, le budget de l'Etat sera pluriannuel. Quel sera l'impact pour les collectivités territoriales appelées à participer à l'obligation pour l'Etat de déposer chaque année, auprès de la Commission européenne, un "programme de stabilité" présentant l'évolution des dépenses publiques nationales, mais également sociales et locales ?
Philippe Séguin, le premier président de la Cour des comptes, a appelé récemment à une meilleure articulation entre les projections budgétaires pluriannuelles des collectivités locales et les objectifs de la programmation nationale. En effet, le souci d'une meilleure visibilité de l'évolution des comptes publics irrigue une série de travaux récents : en janvier 2007, le rapport du député Gilles Carrez au Conseil d'orientation des finances publiques introduisait l'idée d'un plafond triennal de dépenses.
Les collectivités locales (à l'exception des communes de moins de 3.500 habitants) ont une pratique désormais rodée de la pluriannualité. Ainsi, les autorisations de programme (AP) sont des dotations budgétaires pour l'investissement qui demeurent valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation ou leur révision (article L.2311-3 du Code général des collectivités territoriales). Un régime parallèle existe pour les dépenses de fonctionnement sous le nom d'autorisations d'engagement (AE), mais il est limité aux seules dépenses résultant de conventions, de délibérations ou de décisions au titre desquelles la commune s'engage, au-delà d'un exercice budgétaire, à verser une subvention, une participation ou une rémunération à un tiers. Les frais de personnel et les subventions versées aux organismes privés ne peuvent faire l'objet d'une telle autorisation d'engagement. Dans ces conditions, la simple addition des AP et des AE ne permet pas, aujourd'hui, d'obtenir une vue précise et exhaustive des engagements pluriannuels des collectivités.
En tout état de cause, une réforme des budgets locaux devra, comme dans le cas de l'Etat, trancher techniquement un certain nombre de questions : les contraintes pluriannuelles sont-elles glissantes (chaque année, pour les trois années à venir) ou prévues pour une période fixe (par exemple 2009, 2010 et 2011) ? Faut-il abandonner le principe d'un vote annuel ou le conserver ? Dans ce dernier cas, comment articuler la programmation pluriannuelle avec la déclinaison annuelle ? La dernière année de la période devra-t-elle absorber le choc pour obtenir le respect de l'engagement pluriannuel alors même que, depuis l'adoption dudit engagement, des éléments comme l'indice du point de la fonction publique ou le taux d'intérêt des emprunts auront connu une évolution échappant aux responsables locaux ?
Un "rapprochement" des engagements pluriannuels des collectivités avec les objectifs de la programmation nationale, s'il devait se traduire par la fixation, par l'Etat, de normes d'évolution de la dépense locale, pourrait être considéré comme contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. A moins que l'ensemble de ces prévisions, pour l'Etat comme pour les collectivités locales, demeurent indicatives.
Ces engagements pourraient alors, comme l'avait proposé Pierre Richard en décembre 2006, être réunis dans "un nouveau pacte de relations financières" pluriannuel.
Philippe Bluteau / Cabinet de Castelnau