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Tourisme / Environnement - La nouvelle campagne de communication de Vacances propres joue la culpabilisation

C'est fini le temps où Vacances propres disait merci aux gens qui jetaient leurs déchets dans une poubelle, sur fond de plage au sable doré et immaculé. La campagne de communication 2015 de Vacances propres, conçue par l'agence BDDP & Fils (*), veut "réveiller les consciences", en jouant sur la culpabilisation. Le message "Vous pouvez laisser une plus belle trace sur terre" est décliné sur cinq affiches où figure en gros plan un déchet sauvage.
Sur le déchet lui-même est inscrit le nom de la personne responsable et la date où le méfait a été commis. Paul Héfard a ainsi jeté un paquet de cigarettes rempli de mégots le 5 novembre 2014, Pierre Deploc un emballage de hamburger le 22 mars 2009, Marie Odeville un gobelet en carton le 19 mai 2011, Léa Mamont un sac en plastique le 14 avril 2012 et Kevin Broniard une boîte de conserve le 12 octobre 1999. En arrière-plan : du sable, mais aussi de l'eau, de la boue, des branches d'arbre...

4.200 tonnes de déchets sauvages "oubliés" sur les plages

C'est qu'on en trouve partout des déchets sauvages. Sur les 88.000 tonnes de déchets sauvages estimés par an (soit "8,7 tours Eiffel" ou "12.500 éléphants"), 60.400 tonnes se trouvent dans les cours d'eau (dont 56.000 tonnes de déchets flottants et 350 tonnes de déchets échoués sur les rives), 23.200 tonnes sur les routes et leurs abords, 4.200 tonnes sur les plages et 70 tonnes en montagne. Des chiffres en hausse par rapport à l'année dernière, avec une répartition sensiblement différente. Il était alors question de 57.000 tonnes estimés par an dont 27.700 sur les cours d'eau, 28.000 tonnes sur les routes 1.200 tonnes sur les plages et 170 tonnes sur les pistes de ski.
Ce ne sont que des estimations, réalisées à la louche à partir d'observations locales extrapolées au niveau national (**). Or sur le terrain aussi, l'Association des maires de France (AMF) constate "une recrudescence des déchets sauvages, témoignage d'un comportement incivil de plus en plus décomplexé et d'une appropriation des espaces publics en baisse". "Il peut y avoir une certaine lassitude des équipes municipales face à l'incivilité chronique des habitants", constate Jacques JP Martin, membre du comité directeur de l'AMF où il s'investit notamment sur les questions des déchets et de la propreté en milieu urbain. Une lassitude ressentie notamment par "les équipes de propreté, quand elles n'ont pas grand-chose à ramasser dans les corbeilles parce que les déchets sont en dehors", ajoute-t-il.

"On commence par jeter un mégot..."

Alors, le programme Vacances propres, lancé en 1971, sert-il à quelque chose ? "Bien sûr que Vacances propres améliore la propreté dans les territoires !" répond Magali Ordas, présidente de l'AVPU (Association des villes pour la propreté urbaine), maire-adjoint délégué à l'environnement, la propreté et la qualité de vie. "On peut avoir l'impression d'engager des actions peu productives, mais il faut continuer", invite Jacques JP Martin.
Car pour lui, comme pour Vacances propres, il faut "expliquer qu'un petit geste au quotidien - laisser un soda sur un banc, faire tomber un paquet de cigarette de sa poche, 'oublier' un emballage de gâteau sur la plage... – quand on est des milliers à le faire, c'est une atteinte à la planète". Et puis "on commence par jeter un mégot et ça peut se terminer par un lit, ou un canapé, ou autre chose flottante dans la Marne", insiste-t-il.
Il est d'ailleurs tenté, dans sa ville de Nogent-sur-Marne, de lancer une opération coup de poing expérimentée par un de ces confrères : plutôt que de porter à la déchetterie les dépôts sauvages, les équipes municipales les ont stockées une année puis les ont empilées à l'occasion d'un évènement de sensibilisation du public, avec une pancarte indiquant "servez-vous car ceci vous appartient".

Des plages payantes ?

Le parrain de la campagne Vacances propres 2015, François Galgani, océanographe à l'Ifremer, estime également que les actions de prévention, via la sensibilisation du grand public, sont à privilégier. Les ramassages de déchets organisés "ne constituent malheureusement qu'une solution curative", estime-t-il, tout en admettant qu'ils apportent "un soutien pédagogique aux collectivités locales pour lesquels les déchets sauvages représentent un coût très important". Un coût que l'AMF n'est pas aujourd'hui en mesure d'estimer mais qui dépasserait le million d'euros par an pour une agglomération comme celle de Nice Côte d'Azur.
Des solutions juridiques seraient étudiées dans un groupe de travail dédié à la prévention des déchets marins, piloté par le ministère de l'Ecologie. Il envisagerait l'interdiction pure et simple des sacs plastiques, mais aussi la taxation de l'accès à certaines plages très touristiques afin de financer leur entretien et leur nettoyage. A l'AMF, l'accès payant aux plages devrait faire débat. A titre personnel, le maire de Nogent-sur-Marne préfère la verbalisation des personnes inciviles, d'ores et déjà du ressort des conseils municipaux.  Mais la meilleure solution reste selon lui celle de Vacances propres : la prévention. Et tant pis s'il faut passer par la culpabilisation. "Culpabiliser, c'est le minimum que l'on puisse faire", estime-t-il.
C'est aussi ce que pense Jean-François Molle, président de Vacances propres, qui assume totalement l'objectif de sa campagne 2015 : "Culpabiliser le jeteur, renforcer le contrôle social."

Valérie Liquet

(*) Fondation Abbé Pierre (avec la signature : "Désormais, avoir un emploi ne nous garantit plus d'avoir un logement décent"), Radio Classique ("Beethoven sous ma douche"), ou encore Lustucru (avec la saga "Germaine et les martiens")...

(**) Par exemple, les 4.200 tonnes de déchets sauvages sur les plages ont été calculées par extrapolation des déchets sauvages collectées sur trois territoires : la communauté de communes de l'Ile d'Oléron, de Lège-Cap-Ferret et de l'Eco-organisation TEO (La Rochelle).

Vacances propres en 5 chiffres

1.000 collectivités locales et agglomérations sont partenaires du programme Vacances propres ;
30.000 collecteurs Vacances propres ont été installés ces 10 dernières années ;
2,2 millions de sacs Vacances propres ont été utilisés en 2014 ;
22.000 tonnes de déchets ont été collectés via des sacs Vacances propres en 2014 ;
11.600 affiches de la campagne Vacances propres ont été diffusées en 2014 dans toute la France.