La nouvelle Assemblée nationale a distribué les postes clefs
Présidence, tête des commissions, bureau, poste de rapporteur général du budget... De jeudi à samedi, l'Assemblée nationale a été le théâtre de multiples votes. Retour sur les nouveaux titulaires de ces postes clefs, au terme d'un singulier feuilleton à rebondissements rendant le paysage politique toujours plus confus et incertain.
Interrogé par des journalistes en marge de la visite du village des athlètes à Saint-Denis, Emmanuel Macron a affirmé ce lundi 22 juillet que les Jeux olympiques seront un moment de "trêve politique". Son entourage a précisé qu'une nomination de Premier ministre était peu probable avant ces JO "sauf accélération formidable" des tractations. L'un de ses proches a toutefois estimé que le travail des "forces républicaines" en vue d'une coalition devait se poursuivre pendant les JO, avec un président dans "un rôle d'arbitre, d'unité de la Nation et d'accompagnement". Celui-ci accordera d'ailleurs mardi sa première interview depuis les législatives afin d'évoquer "la situation politique française".
La gauche cherche son nom
Pendant ce temps, nouveau renoncement à gauche pour Matignon : après la Réunionnaise Huguette Bello, la diplomate du climat Laurence Tubiana a jeté l'éponge lundi face aux désaccords internes du Nouveau Front populaire. Les socialistes ont réclamé vendredi "un vote solennel des députés des quatre groupes" de gauche d'ici ce mardi. Mais le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, prônant une décision par "consensus", a réitéré lundi son opposition à un tel vote et souligné qu'il n'y avait pas d'urgence à trancher tant que le président de la République n'appelait pas les formations de gauche à constituer un gouvernement. Au cours d'un contact entre les partenaires du NFP, d'autres noms ont été mis sur la table, dont ceux de la directrice générale d'Oxfam France et ancienne ministre, Cécile Duflot, de l'ancien candidat à la présidentielle Benoît Hamon et du chef des députés communistes, André Chassaigne.
À droite, des pactes
Dans ce contexte et pendant que le gouvernement est chargé de gérer les "affaires courantes", le camp présidentiel espère tirer son épingle du jeu. Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire devenu "en même temps" chef de file des députés macronistes, a proposé à ces derniers de "contribuer" à un pacte de "coalition" avec "la gauche et/ou la droite républicaines", dans un courrier transmis dimanche.
Ce courrier vient en résonance avec le "pacte législatif" que Laurent Wauquiez, nouveau président de l'ex-groupe LR à l'Assemblée, rebaptisé la Droite républicaine, a présenté ce lundi après-midi, avec le président des LR au Sénat, Bruno Retailleau. Après une alliance à l'Assemblée en fin de semaine dernière entre la macronie et la droite, qui a permis aux deux camps d'obtenir plusieurs postes importants, ce "pacte" pourrait servir de fondement à un éventuel accord plus large. Même si la Droite républicaine, qui compte 47 députés, assure refuser toute "coalition gouvernementale" avec le bloc central. Le document mentionne 13 textes, des lois sur lesquelles elle est "prête à s'engager" si le prochain gouvernement s'en empare. Et reprend entre autres des mesures la loi Immigration censurées par le Conseil constitutionnel en début d'année.
Présidence : Yaël Braun-Pivet réélue
Indéniablement, alors que la dissolution était supposée amener une "clarification" politique, tout est devenu plus confus. Car depuis vendredi, au sortir de longues tractations et de trois jours de votes pour attribuer les postes clefs de la nouvelle Assemblée, le résultat est une chambre "illisible" où les frontières entre majorité et opposition sont brouillées, selon un ministre.
Incarnation de ces contradictions, la présidente Yaël Braun-Pivet, qui a réussi le tour de force d'être réélue malgré la défaite de la macronie du 7 juillet. Son élection jeudi s'est certes déroulée sans accroc particulier, la députée des Yvelines l'emportant au troisième tour face au communiste André Chassaigne (220 voix contre 207) et au RN Sébastien Chenu (141 voix) après le retrait à l'issue du deuxième tour de Charles de Courson (Liot) et, à l'issue du premier, de Philippe Juvin (LR) et Naïma Moutchou (Horizon).
La gauche a dénoncé un scrutin "volé" et une "alliance contre nature" entre la droite et la camp présidentiel, le Rassemblement national criant pour sa part à la "victoire des combines". Si LFI a déposé samedi un recours au Conseil constitutionnel contre la participation au vote de 17 députés qui sont également ministres démissionnaires, le Conseil avait déjà répondu vendredi à une association qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le sujet.
Éric Coquerel garde la commission des finances
Vendredi, l'ambiance s'est encore tendue après l'annulation d'un scrutin entaché d'irrégularités. Au fil de la journée puis de la nuit, gauche, droite et camp présidentiel ont engrangé les postes tandis que le RN n'obtenait rien, victime de la consigne "ni RN ni LFI" adoptée par le camp présidentiel. La gauche, profitant de la démobilisation du camp présidentiel au coeur de la nuit, a fait élire neuf secrétaires sur douze, s'assurant la majorité au bureau.
Samedi, le camp présidentiel est parvenu à conserver six des huit présidences de commission. Mais pas celle de la commission des finances, qu'il avait promise à droite et qui est finalement restée LFI. La gauche a vivement protesté contre le choix de la macronie de réserver cette commission à son allié LR. Et, pour ce faire, de prendre part au vote, contrairement aux usages.
En principe, la présidence de cette commission des finances revient effectivement depuis 2007 à un député d'un groupe s'étant déclaré dans l'opposition. Dans cet hémicycle sans majorité absolue, c'est le cas de la France insoumise mais aussi de la Droite républicaine. In fine, c'est donc l'Insoumis Éric Coquerel qui a battu l'élue de la Droite républicaine (ex-LR) Véronique Louwagie après avoir bénéficié des voix du centriste Charles de Courson qui, en échange de son retrait, a obtenu le poste stratégique de rapporteur général du Budget. Éric Coquerel a promis de démissionner si Emmanuel Macron nommait un Premier ministre du Nouveau Front populaire.
Charles de Courson pour le PLF
C'est au terme de trois tours de scrutin que le député Liot Charles de Courson a été élu contre Jean-René Cazeneuve par 27 voix contre... 27, grâce à la procédure prévoyant que le député le plus âgé l'emporte. Le rapporteur général, sorte de numéro 2 de la commission des finances, participe avec Bercy et l'exécutif à l'élaboration du projet de loi de finances. Il sert traditionnellement d'interface entre le gouvernement, sa majorité et le reste des parlementaires, et rend des avis sur les amendements des députés, sur le fond comme sur leur recevabilité financière. Ce poste obtenu par Charles de Courson avec le soutien de la gauche, revient d'habitude à un député soutien du camp présidentiel, notamment pour que les discussions avec Bercy soient fluides.
Les autres commissions
Pour le reste, c'est la victoire du camp présidentiel dans six commissions sur sept. Florent Boudié (Ensemble pour la République, macroniste) a été élu président de la puissante commission des lois, le MoDem Jean-Noël Barrot à la commission des affaires étrangères, Paul Christophe (Horizons) à celle des affaires sociales, Antoine Armand (Ensemble) à celle des affaires économiques, Sandrine Le Feur (Ensemble) à celle du développement durable, Jean-Michel Jacques (Ensemble) à celle de la défense. La socialiste Fatiha Keloua Hachi a arraché la présidence de la commission des affaires culturelles. Cette victoire des socialistes pour la commission des affaires culturelles, au détriment du député MoDem Erwan Balanant, a été une surprise.
Le MoDem apparaît comme un des perdants de cette bataille des postes, après n'avoir fait élire aucun des siens comme vice-président, questeur ou secrétaire. Seul à sauver les meubles, le ministre délégué chargé de l'Europe, Jean-Noël Barrot. Le RN, qui n'obtient in fine aucun poste, a apporté ses voix à Florent Boudié en commission des lois. Le RN a également contribué à faire battre l'écologiste Lisa Belluco, candidate à la présidence de la commission du développement durable, en apportant ses voix au troisième tour à la macroniste Sandrine Le Feur.
Le bureau
Auparavant, vendredi, l'élection des membres du bureau de l'Assemblée avait donné lieu aux premières passes d'armes de cette 17e législature. Le Nouveau Front populaire est parvenu à rafler neuf des 12 postes de secrétaires (sur un total de 22 membres), s'assurant la majorité au sein de ce bureau. Le reste des sièges étant divisés entre les groupes du camp présidentiel (5), la Droite républicaine (3), et les indépendants de Liot (2). Les membres du bureau partagent avec Yaël Braun-Pivet la responsabilité de présider les séances dans l'hémicycle. Ils attribuent la parole, veillent au bon déroulement des débats, tranchent certains litiges et disposent d'un pouvoir de sanction sur les autres députés lors de ces séances. Ils participent également à la conférence des présidents de l'Assemblée, qui statuent entre autres sur l'ordre du jour.
L'Insoumise Clémence Guetté en a été élue première vice-présidente. Les autres vice-présidences ont été remportées par Nadège Abomangoli (LFI), l'ancienne vice-présidente Horizons Naïma Moutchou, Xavier Breton et la députée Annie Genevard (tous deux de la Droite républicaine), et le ministre de l'Industrie démissionnaire, Roland Lescure (Ensemble pour la République, ex-Renaissance).
Ont été élus secrétaires : Stéphane Peu et Mereana Reid Arbelot (Gauche démocrate et républicaine), Sébastien Peytavie, Sabrina Sebaihi et Eva Sas (tous trois membres du groupe Ecologiste et Social), Gabriel Amard et Farida Amrani (tous deux LFI-NFP), Iñaki Echaniz et Sophie Pantel (tous deux PS), Lise Magnier (Horizons), Christophe Naegelen et Laurent Panifous (Liot).
Enfin, Brigitte Klinkert (EPR), Michèle Tabarot (Droite républicaine), Christine Pirès Beaune (PS) – trois élues expérimentées - ont chacune hérité d'un poste à la questure. Les trois membres de la questure tiennent les cordons de la bourse au palais Bourbon et disposent d'une large compétence sur le budget de l'institution. "Aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable", précise le règlement de l'Assemblée. Ils ont aussi un pouvoir important dans la gestion administrative de l'institution.
Faute de gouvernement et d'agenda, les députés ne s'éterniseront pas forcément au palais Bourbon. La conférence des présidents, qui fixe l'ordre du jour, s'est réunie pour la première fois samedi après-midi et n'a pas prévu de nouvelle réunion avant septembre.