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Conflits sociaux - La médiation en voie d'institutionnalisation

Efficace contre les conflits de proximité, la médiation n'a ni la vocation ni la capacité de "devenir le remède universel face à la conflictualité croissante des rapports sociaux". Alors que de nombreux rapports suggèrent sa généralisation, une note du Conseil d'analyse stratégique s'interroge sur l'efficacité réelle de ce mode d'intervention qui s'est développé à partir d'initiatives locales dans les années 1980-1990. Tâche d'autant plus compliquée que les médiations sociale, familiale, pénale et scolaire sont par nature très hétérogènes et que les modes d'évaluation sont insuffisants en dépit d'un "mouvement d'institutionnalisation" assez récent.
A en croire l'auteur, Laetitia Brabant-Delannoy, qui a travaillé à partir d'une série de rapports récents, c'est en matière sociale que la médiation semble la plus efficace. Avec un budget de 88,5 millions d'euros dans la loi de finances pour 2009 et 4.225 d'adultes-relais, l'Etat reste son premier financeur. La médiation sociale apparaît particulièrement adaptée pour les conflits de voisinage avec des taux de résolution atteignant les 90%. Les effets sont quasi immédiats : la première année de présence du médiateur dans un quartier engendrerait une baisse de 25% à 30% des incivilités et dégradations. L'intérêt est aussi économique avec une diminution de 60 à 75% des coûts liés au vandalisme. Toutefois, l'auteur pointe un manque de professionnalisation des médiateurs sociaux, avec une image encore prégnante des "grands frères", au risque de "renforcer le communautarisme, le clientélisme et le patriarcat au sein des quartiers et ainsi le retrait des femmes de l'espace public".
La note se félicite par ailleurs du nouvel élan donné à la médiation scolaire avec la création annoncée par l'ancien ministre de l'Education Xavier Darcos de 5.000 postes de "médiateurs de la réussite scolaire". De son côté, la "médiation par les pairs", c'est-à-dire par les élèves entre eux, a donné des résultats "encourageants" (baisse significative de l'agressivité dans l'école), sans permettre de transformation en profondeur. En revanche, la note est plus réservée sur l'efficacité de la médiation familiale et de la médiation pénale qui peuvent avoir des effets pervers. Le recours à la médiation pénale semble même en diminution (elle ne représentait que 1,8% des réponses pénales apportées par le parquet en 2007). Malgré une forte satisfaction chez les victimes (55% d'entre elles estiment que justice leur a été rendue contre 50% en cas de jugement), les avis restent très partagés, en particulier pour ce qui concerne les violences intrafamiliales. "Les associations de victimes sont farouchement opposées à l'utilisation de la médiation, au motif que ce processus a pour effet de banaliser cette forme de violence en la décriminalisant et de maintenir la victime sous l'emprise de son agresseur", souligne l'auteur.  Elle pourrait être à l'origine du développement d'une justice au rabais "dont les principaux requérants seraient les populations les plus défavorisées". De même, la médiation familiale qui emporte un fort taux de satisfaction chez les couples "médiés", s'avère encore marginale (seulement 1% des affaires soumises au juge des affaires familiales en 2008) et peu opérante lorsque les écarts de revenus sont importants :"La différence de capacité contributive au sein du couple peut ainsi créer une situation de dépendance économique, source d'inégalités, souvent au détriment des femmes."
La note préconise la mise en place d'un observatoire de la médiation ou, à tout le moins, d'une mission ou d'un comité national d'évaluation de la médiation.  Selon Laetitia Brabant-Delannoy, "la médiation sera d'autant plus féconde qu'elle sera un révélateur des dysfonctionnements sociétaux et qu'elle impulsera des actions préventives, voire des réformes de fonds".

 

Michel Tendil

 

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