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Sécurité - La Maréchaussée bientôt sous la coupe de Beauvau

Les sénateurs ont entamé mardi soir en urgence déclarée le projet de loi prévoyant le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Terme d'un processus engagé il y a six ans avec le redécoupage territorial.

D'abord programmé en janvier, le projet de loi sur la Gendarmerie nationale a finalement entamé son parcours parlementaire au Sénat, mardi 16 décembre. Parcours bref mais qui risque d'être intense. Déclaré en urgence, le texte est en effet censé entrer en vigueur au 1er janvier 2009. Ce qui laisse à peine deux jours aux sénateurs pour débattre d'un enjeu de taille : le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l'Intérieur. L'objectif : "placer les deux forces de sécurité intérieure sous l'autorité du même ministre, afin de parvenir à une plus grande synergie et une meilleure complémentarité des actions au profit de la sécurité intérieure".
Quelque 100.000 gendarmes sont concernés par le chantier, avec la garantie toutefois de conserver leur statut militaire. En réalité, le projet parachève un processus engagé en 2002, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur. Plutôt de la "Sécurité intérieure", puisque c'était l'intitulé trouvé alors pour désigner ce grand ministère appelé à coiffer les deux corps. Un décret de 2002 a rendu Beauvau "responsable de l'emploi des services de la Gendarmerie" pour l'exercice des missions de sécurité intérieure. Mais jusqu'ici, la Gendarmerie restait encore sous l'autorité du ministère de la Défense pour toutes ses missions militaires, son budget et les questions de personnels. Ce qui ne sera plus le cas. Au plan budgétaire, le programme "Gendarmerie" a d'ores et déjà été transféré au ministère de l'Intérieur dans le projet de loi de finances pour 2009.
La réforme de 2002 a déjà permis un redécoupage territorial des missions de police et de gendarmerie, évitant ainsi les doublons, voire les situations de concurrence entre les deux services. Mais pour le groupe PS du Sénat, auteur d'une motion tendant au renvoi du projet de loi en commission, le rattachement préfigure la "fusion" entre les deux corps et remet en cause la spécificité française, prévue à l'origine pour éviter les risques de sédition.

 

95% du territoire

"L'existence de deux forces de police, l'une à statut civil, l'autre à  statut militaire, n'est pas seulement un héritage historique mais une garantie pour l'Etat républicain et les citoyens", souligne la motion socialiste. D'ailleurs, seule Michèle Alliot-Marie, la ministre de l'Intérieur, est venue défendre le texte, mardi soir, en l'absence de son homologue de la Défense, Hervé Morin. Ce qui a valu un rappel au règlement de Didier Boulaud, le vice-président de la commisison Défense. Mais l'attaque la plus vive est venue de trois anciens directeurs généraux de la Gendarmerie qui, dans une lettre ouverte, dénoncent "un projet de loi planificateur et liberticide". "Ce texte organise à terme l'impuissance de l'Etat. L'expérience de mai  68 nous permet de l'assurer", estiment les cosignataires, Jean-Claude Périer, Jean-Pierre Cochard  et Jean-Pierre Dintilhac, tous anciens magistrats à la retraite. Principal sujet de friction : la suppression du principe de "réquisition de force armée", qui date de la Révolution, pour l'emploi de la Gendarmerie au maintien de l'ordre, un principe conservé pour les autres forces armées. En clair, pour demander l'intervention de la Gendarmerie lors de manifestations, le préfet n'aura plus besoin d'ordre de réquisition écrite. "Remplaçant la règle de la réquisition par un simple ordre verbal, il ouvre la voie à toutes les aventures et d'une simple crise peut faire une émeute et parfois plus", estiment-ils.
Alors que la Gendarmerie assure à elle seule la sécurité sur 95% du territoire et d'un Français sur deux, principalement dans les zones rurales et périurbaines, les sénateurs PS considèrent par ailleurs que le texte "n'offre pas toutes les garanties quant à la  pérennité de la présence territoriale de la Gendarmerie, quant au maintien des brigades et pourrait aboutir à une moindre sécurité pour nos populations".
Le texte n'a toutefois aucune chance d'entrer en vigueur au 1er janvier comme prévu : il ne figure pas sur l'agenda de l'Assemblée avant la trêve de Noël. En attendant, les élus locaux ont une autre sujet de préoccupation : la menace de nouvelles fermetures de brigades de Gendarmerie dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. La fermeture de quatre des huit écoles de Gendarmerie est déjà programmée à Montargis (Loiret), au Mans (Sarthe), Châtellerault (Vienne) et Libourne (Gironde).

 

Michel Tendil

 

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