La Lopmi 2023-2027 publiée

Partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur vient d’être publiée au Journal officiel. Si elle vise d’abord les forces de sécurité intérieure, laissant au continuum de sécurité la portion congrue, plusieurs de ses dispositions – et singulièrement celles de son rapport annexé – concernent plus ou moins directement les collectivités locales.

Amputée de quelques dispositions par le Conseil constitutionnel (voir notre article du 23 janvier), la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), adoptée définitivement le 14 décembre (voir notre article du 15 décembre), vient d’être publiée ce 25 janvier au Journal officiel. Un tel texte avait fait défaut au premier quinquennat du président Macron.

Une loi longtemps attendue

Alors ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner avait pourtant bien annoncé le 7 janvier 2019, lors de ses vœux aux forces de sécurité, le lancement d’un tel projet. Mais ce dernier n’avait finalement pu réellement voir le jour, la première version du texte n’ayant été présentée en conseil des ministres par son successeur que le 16 mars 2022, à quelques jours seulement du premier tour de la présidentielle (voir notre article du même jour). Une première version à laquelle a succédé une seconde, remaniée, présentée en conseil des ministres le 7 septembre dernier (voir notre article du 2 septembre).

Qui laisse de côté les polices municipales

En 2019, Christophe Castaner indiquait que cette loi de programmation ne se "limitera[it] pas à la police et la gendarmerie nationale mais intègrera[ait] notre vision globale du continuum de sécurité". Un mantra alors particulièrement à la mode après la remise du rapport Fauvergue-Thourot quatre mois auparavant (voir notre article du 11 septembre 2018). Au contraire, le texte qui vient d’être adopté ne fait pas grand cas des polices municipales. Gérald Darmanin argue de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi Sécurité globale (voir notre article du 21 mai 2021) pour en justifier (voir notre article du 21 septembre). On relèvera néanmoins que, déjà, ce n’est que sous la pression des policiers municipaux que le ministre de l’Intérieur avait finalement consenti, en janvier 2021, à leur octroyer un strapontin au "Beauvau de la sécurité" (voir notre article du 20 janvier 2021).

Des objets variés

Ce texte, qui prévoit une augmentation régulière du budget du ministère jusqu’en 2027 (25,354 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 20,784 milliards en 2022), porte le sceau du numérique. Il renforce les moyens de lutte contre la cybercriminalité (est notamment prévu un rapport du gouvernement au Parlement, avant la fin de l’année, évaluant la protection des collectivités territoriales et leur vulnérabilité aux intrusions numériques) et entend apporter au ministère "un équipement à la pointe du numérique". Il vise également à améliorer l’accueil des victimes, en rendant notamment possible le dépôt de plainte par visioconférence, l’application "Ma sécurité" lancée l’an passé devant permettre par ailleurs le dépôt de plainte en ligne et son suivi prochainement. En revanche, rappelons qu’avait finalement été supprimée en commission mixte paritaire l’expérimentation de brigades de gendarmes ou de policiers mobiles chargées de recueillir les plaintes des victimes de violences conjugales en territoire rural. Pour autant, le texte ne renonce pas à mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes. Il entend par ailleurs renforcer la filière et la fonction "investigation" (en créant notamment des "assistants d’enquête", dont le Conseil constitutionnel a toutefois raboté les attributions) ou encore améliorer la réponse pénale, principalement via l’extension du champ d’application de l’amende forfaitaire délictuelle à de nouveaux délits, sans la généraliser à tous les délits punis de moins d’un an de prison comme le souhaitait l’Assemblée (voir notre article du 24 novembre 2022), contrairement au Sénat (voir notre article du 20 octobre). Il renforce enfin les pouvoirs du préfet lorsqu’un danger grave et imminent menace.

Révolution du numérique

Côté programmation et orientation, l’essentiel du texte se trouve dans un rapport annexé, dont la portée normative n’est plus en doute depuis la réforme constitutionnelle de 2008. Ce rapport accorde là encore une large place à la prise en compte de la "révolution numérique" (voir notre article du 20 octobre 2022), se conformant cette fois à ce que prescrivait Christophe Castaner dans son discours de 2019. Parmi les multiples mesures évoquées, figurent notamment la création d’une "agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure" – pendant de l’agence du numérique de la sécurité civile –, la promesse de policiers, gendarmes, pompiers et agents "augmentés" ou encore un "réseau radio du futur".

Du bleu sur le terrain

Au-delà, l’un des principaux objectifs affichés est de "remettre du bleu" sur la voie publique – pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron dans une interview au Figaro du 18 avril 2021 –, avec le doublement de la présence (et non des effectifs) des forces de l’ordre sur le terrain d’ici 2030. Pour y parvenir, le recours aux réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police sera notamment accru et les forces de sécurité seront "recentrées sur le cœur de leur mission", notamment via la mise en place de la fonction d' "assistant d'enquête de police et de gendarmerie" et l'abandon des tâches "périphériques".

Maillage territorial

Est également prévu le renforcement du maillage territorial des forces de sécurité, et ce, "en priorité dans les territoires ruraux et périurbains". Deux cents brigades de gendarmerie nouvelles devraient ainsi être créées, sous la forme d'implantations nouvelles ou de brigades mobiles (deux tiers / un tiers a priori). La concertation en cours, organisée par les préfets de département, pour déterminer leurs emplacements doit se clôturer à la fin du mois, précise la gendarmerie nationale. Afin que les collectivités retenues puissent supporter les dépenses liées à la construction de bâtiments pour les accueillir, des "dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales" sont envisagées.

En outre, est affirmé le principe qu’aucun commissariat ou brigade de gendarmerie ne pourra être fermé sans que le maire de la commune siège du commissariat ou les maires des communes du périmètre d'intervention de la brigade territoriale soient préalablement consultés. Au-delà, onze nouvelles unités de forces mobiles seront créées "à brève échéance" pour renforcer les dispositifs liés aux grands événements à venir.

Relevons encore que le rapport prévoit également la relocalisation de services de l’administration centrale dans les territoires ruraux et villes moyennes.

Continuum de sécurité

Le rapport annexé consacre quelques lignes au continuum de sécurité. Principale mesure, la création d’une direction unique des partenariats chargée de son animation – ainsi que du pilotage des partenariats avec les polices municipales et les gardes champêtres (parmi autres) – sera créée au ministère. Elle unifiera, sous l'autorité du ministre, "la politique de l'État en direction de ces acteurs et coordonnera leur action dans le cadre de conventions nationales, dont elle assurera le suivi et l'évaluation en lien avec les échelons locaux, notamment les communes". Le texte prévoit encore le triplement au cours des 5 prochaines années des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) consacrés à la vidéoprotection, mesure qui apparaîtrait d’autant plus nécessaire dans le cas où les "boucliers sécuritaires" mis en place par plusieurs régions seraient remis en cause (voir notre article du 23 janvier).

Sécurité civile

Côté sécurité civile, le rapport indique notamment qu’il "conviendra, à la lumière du retour d'expérience des événements climatiques extrêmes de l'année 2022, d'encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué et de créer des centres de première intervention dotés d'une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d'espaces naturels". Et cette fois, l'inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture d'un centre d'incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège "sera envisagée".

L’importance du pacte capacitaire est également réaffirmée, et "des financements dédiés sont prévus pour créer un effet de levier et participer à l'effort de mutualisation des moyens exceptionnels entre Sdis". Il est également acté que "le ministère de l'Intérieur entame des négociations avec le ministère de l'Économie et des Finances afin d'exonérer du malus écologique les véhicules affectés aux services départementaux d'incendie et de secours et aux forces de sécurité intérieure (voir notre article du 17 juin 2022)". On relèvera que ce vœu a depuis été exaucé par l’article 48 de la loi de finances pour 2023. 

Références : loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, JO du 25 janvier 2023.

 

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