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Environnement - La finance carbone s'étend aux projets locaux

Les mécanismes de la finance carbone résultant du protocole de Kyoto et incarnés par le système européen d'échanges de quotas de CO2 ne s'adressent aujourd'hui qu'aux entreprises de certains secteurs industriels et aux producteurs d'énergie, responsables de moins de 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Pour inciter les secteurs qui génèrent  près des trois quarts des émissions - les transports, l'agriculture, le bâtiment, le traitement des déchets, les installations industrielles non couvertes par le système des quotas - à réduire leurs pollutions, la France va être le premier pays d'Europe à mettre en oeuvre sur son territoire le mécanisme des projets domestiques. L'annonce en a été faite le 4 décembre par Thierry Breton, ministre de l'Economie et des Finances, à l'occasion d'un colloque co-organisé par son ministère et la Caisse des dépôts.
Le dispositif des projets domestiques consiste à rétribuer sous forme de crédits carbone les acteurs qui investissent volontairement dans des projets de réduction de leurs émissions. Concrètement, une collectivité qui choisit de remplacer une chaudière à fioul par un système de chauffage utilisant des énergies renouvelables ou une autorité organisatrice de transport qui renouvelle sa flotte de bus en optant pour des trolleybus pourront avoir recours à ce système de financement.
En s'attaquant aux émissions diffuses qui se sont fortement développées ces dernières années - entre 1990 et 2004, elles ont bondi de 22,7% dans les transports et de 22,3% dans le résidentiel et le tertiaire -, ce nouvel instrument financier, qui s'appliquera sur la période 2008-2012, doit permettre à la France de tenir ses engagements. Dans le cadre du protocole de Kyoto, elle s'est en effet donné comme objectif de stabiliser en 2012 ses émissions de GES à leur niveau de 1990. Par ailleurs, elle compte diviser par quatre ses émissions à l'horizon 2050. "Grâce aux projets domestiques, qui permettent de donner un prix au carbone évité, nous disposons d'un levier supplémentaire pour accélérer la diffusion des technologies les plus performantes pour le climat", estime Thierry Breton.

Un arrêté précisant les règles d'éligibilité attendu début 2007

L'Etat joue un rôle central dans le dispositif en créant un cadre légal sécurisé pour les porteurs de projets - collectivités et entreprises. Il fixe ainsi les règles juridiques déterminant l'éligibilité des projets (validation des méthodologies de calcul des réductions d'émissions, impact sur l'inventaire national des émissions de gaz à effet de serre) et le déroulement de la procédure d'agrément des projets (composition et modalités d'instruction des dossiers). Il délivrera aux porteurs de projet des crédits carbone, une fois que les baisses d'émissions dues au projet auront été certifiées par un organisme spécialisé. Car les porteurs de projet devront être en mesure de prouver que leur opération ne pourrait pas se faire dans des conditions économiques satisfaisantes sans l'apport des crédits carbone.

La mission interministérielle à l'effet de serre (MIES) prépare actuellement un arrêté. Attendu pour mi-janvier 2007, il détaillera l'ensemble des règles d'éligibilité des projets.
De son côté, la Caisse des dépôts va lancer en 2007 un appel à projets visant à sélectionner des initiatives de toute taille sur le territoire national, répondant aux critères d'éligibilité fixés par les pouvoirs publics. Elle se portera acquéreur des réductions d'émissions à un prix fixé à l'avance, qui correspondra au prix de la tonne de CO2 sur le marché au moment de la contractualisation. La Caisse des dépôts souhaite ainsi financer jusqu'à un million de tonnes de réductions d'équivalent CO2 par an auprès des porteurs de projet, soit cinq millions de tonnes sur la période 2008-2012. L'établissement public entend également jouer un rôle d'agrégateur de projets afin de simplifier les procédures de traitement et de réduire les coûts administratifs, techniques et financiers.
Pour Nelly Olin, ministre de l'Ecologie et du Développement durable, la mise en oeuvre des projets domestiques devrait contribuer à éviter 6 à 8 millions de tonnes d'émissions de GES.

Anne Lenormand

 

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