Sport / Economie - La filière équestre contre-attaque pour sauver son taux de TVA réduit
Depuis des mois, le monde de l'équitation est inquiet. Aujourd'hui, il est plus combatif que jamais. Inquiet parce que, selon lui, une réforme fiscale imposée par l'Europe menace sa viabilité économique. Combatif parce qu'à travers un mouvement collectif, il milite pour un dispositif fiscal eurocompatible… et pense bientôt toucher au but.
A la fin de l'année, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) devrait imposer à la France de relever à 19,6% son taux de TVA s'appliquant aux activités liées aux chevaux et aux ventes de chevaux de course, de compétition, de manège et d'agrément. Une décision qui fera suite à la saisine par la Commission européenne, le 16 décembre 2010, d'un recours en manquement contre la France pour application du taux réduit de TVA aux opérations relatives aux équidés lorsqu'ils ne sont pas normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole. Sur la base de la directive TVA 2006/112/CE prévoyant les taux réduits de TVA, la Commission européenne a déjà obtenu de la CJUE la condamnation des Pays-Bas, de l'Autriche et de l'Allemagne.
Le cas de la France est particulier. Il s'agit en effet du seul Etat attaqué sous l'angle des activités équestres, les autres ne l'étant que sous celui de la vente de chevaux. C'est pourquoi sa filière équestre s'est regroupée et a imaginé une voie originale pour contrer la procédure judiciaire européenne. Une voie dévoilée ce mercredi 5 octobre à Paris, lors d'une conférence de presse tenue au siège de la FNSEA.
Une filière sportive économiquement autonome
Afin de justifier son combat pour le maintien d'une TVA réduite, le collectif regroupant la Fédération française d'équitation (FFE), la Fédération nationale du cheval (FNC), le Groupement hippique national (GHN) et la Chambre syndicale du commerce des chevaux (CSCC) en a d'abord rappelé les grands enjeux.
Dans le monde du sport, l'équitation fait ainsi exception. Seul sport fiscalisé en France, elle est le premier employeur sportif privé avec 45.000 emplois regroupés dans 8.000 entreprises, dont 250 nouveaux établissements créés chaque année. L'imposition d'une fiscalité réduite en 2004 a par ailleurs permis de construire une filière économique autonome non subventionnée. Côté pratique, l'équitation est passée de 462.955 licenciés en 2003 à 705.783 en 2011, ce qui en fait le troisième sport au niveau national.
Pour le collectif, une hausse de la TVA de 5,5% à 19,6%, soit +14%, entraînerait une baisse du nombre de pratiquants. En effet, selon une étude de la FFE, ceux-ci sont le plus souvent issus de familles de la classe moyenne ayant un revenu net annuel moyen compris entre 25.000 et 30.000 euros. "Ce ne sont pas des gens qu'on peut ponctionner sans conséquences", a commenté Serge Lecomte, président de la FFE. Les conséquences ont justement été chiffrées : la hausse de la TVA provoquerait, selon le collectif, une perte de 6.000 emplois et l'arrêt de 2.000 entreprises. Elle se traduirait encore par un manque à gagner de 100 millions d'euros pour la Mutualité sociale agricole et de 40 millions d'euros… pour la TVA.
Pour illustrer cette débâcle annoncée, le GHN, qui regroupe les professionnels du monde du cheval, rapporte que "les dirigeants ont le pied sur le frein" : "Le traditionnel pic estival en termes d'embauches constaté chaque année ne s'est pas produit en 2011". Dans la salle, des dirigeants de centres équestres présents témoignent qu'ils ne savent pas s'ils doivent embaucher en ce moment. D'autres, plus inquiets encore, se demandent s'ils doivent ou non changer de métier.
Vers un nouveau cas d'application du taux réduit ?
Pour anticiper le jugement de la CJUE, le collectif propose d'établir un nouveau cas d'application du taux réduit en lien avec la nature sportive des activités équestres. La directive TVA offre en effet à la France la latitude d'organiser l'application de son taux réduit de 5,5% dans le cadre d'une liste de biens et de services dont elle définit elle-même le contenu. Or dans cette liste figure "le droit d'utilisation des installations sportives". Les acteurs de l'équitation proposent donc d'ajouter un cas supplémentaire à la liste des prestations bénéficiant du taux réduit visées à l'article 279 du Code général des impôts. Un cas fondé sur un critère "général [et] objectif" : l'utilisation d'animaux dans le cadre de pratiques sportives associées à l'utilisation d'installations dédiées. Ils proposent même une rédaction : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5% en ce qui concerne les prestations correspondant au droit d'utilisation des animaux à des fins d'activités physique et sportive, ainsi que de toutes installations nécessaires à cet effet."
"C'est une voie nouvelle pour que nos dirigeants aient un schéma eurocompatible. On a présenté une piste aux élus, tout le monde nous a soutenus. La décision appartient à Bercy. Les bonnes décisions doivent être prises dans le mois qui vient", a précisé Serge Lecomte. Du côté du GHN, on est tout aussi précis : "Au 1er janvier 2012, on doit savoir où l'on va. Cela passe par une loi de finances claire."
La filière y croit. Mais surtout, elle récuse par avance toute idée de compensation qui viendrait amortir une hausse imposée de la TVA et ferait d'elle une filière subventionnée. "On fait un métier et on veut vivre de notre métier", déclare Marianne Dutoit, présidente de la FNC, avant de conclure : "Si ça doit bouger, dans le monde agricole, on sait faire bouger."