Sport - La filière équine cravache pour sauver son taux de TVA réduit
En cette rentrée 2011, la filière équine française monte sur ses grands chevaux. C'est que l'enjeu est de taille. Il s'agit de défendre un taux de TVA réduit à 5,5% menacé par la Commission européenne. Cette remise en cause trouve son origine dans l'annexe III de la directive communautaire sur la TVA. Sur la base de ce texte, qui interdit un taux réduit à la fourniture d'animaux de compagnie ainsi qu'aux poneys et chevaux de course qui ne sont pas destinés à la consommation humaine ou animale ni à être utilisés comme entrants agricoles, la Commission a entamé en 2007 une procédure d'infraction contre huit Etats européens, dont la France. L'affaire a été portée devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en 2009. Au premier semestre 2011, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Autriche étaient condamnés pour avoir maintenu un taux de TVA réduit. L'arrêt condamnant les Pays-Bas indique ainsi que "dans les Etats membres, les chevaux ne sont pas utilisés à titre habituel et de manière générale dans la production agricole. Il en résulte […] que seules les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent faire l'objet d'un taux réduit de la TVA".
La France bientôt condamnée ?
Et alors qu'une décision de la CJUE concernant le cas français pourrait intervenir d'ici la fin de l'année, l'ensemble de la filière professionnelle s'est mobilisé à travers un site - lequitationenperil.org - dédié au maintien du taux actuel de TVA. Le 29 juin, le président de la Fédération française d'équitation (FFE) a adressé aux élus parlementaires et locaux une lettre précisant que "ce sont 6.000 salariés qui perdront rapidement leur emploi sans espoir de le retrouver" si rien n'est fait. Deux mois plus tard, 156 élus de tous bords politiques et de toutes régions lui ont déjà répondu pour manifester leur soutien ou faire état d'une intervention écrite ou orale auprès de membres du gouvernement français.
Peu auparavant, le Parlement avait réagi. Le Sénat a ainsi voté le 29 mai une résolution portée par Jean Bizet, sénateur de la Manche, département qui accueillera les Jeux équestres mondiaux 2014 avec le Calvados et l'Orne. Ce texte rappelle que "la réglementation européenne sur la sécurité alimentaire s'applique à tous les détenteurs de chevaux et que l'élevage de chevaux constitue une activité agricole, quelle que soit la destination de l'animal". Par une résolution du 21 juin s'appuyant sur un rapport du député des Yvelines Jacques Myard, l'Assemblée nationale, de son côté, "conteste la conception de la Commission selon laquelle les chevaux ne sont pas un produit agricole destiné, de manière générale et habituelle, à la consommation", et "souligne que le cheval est bien une production agricole, quelle que soit sa destination, et que la réglementation européenne sur la sécurité alimentaire s'applique, preuve que le cheval est couramment consommé".
Les deux chambres insistent plus particulièrement sur la finalité locale de l'économie du cheval pour demander l'application du principe de subsidiarité ouvrant la voie au maintien d'une TVA réduite. Le Sénat observe ainsi que "pour certaines activités, l'application de taux différents de TVA aux activités d'une filière économique n'entraîne pas une distorsion de concurrence significative entre les prestataires des différents Etats membres, rendant alors inutile une harmonisation des taux". Le rapport de Jacques Myard argue pour sa part que "le secteur équin est essentiel pour les personnes qui en vivent, parce qu'il est le cadre d'exercice de leur profession, mais ni sa taille ni son mode de fonctionnement n'en font un véritable enjeu de marché intérieur. C'est donc incontestablement du point de vue européen un contentieux de détail, mais il pose pour les professionnels concernés une question vitale, car il met en jeu leur survie économique. Peu d'entre eux semblent en effet en mesure de répercuter la TVA sur le client final, notamment les centres équestres".
Premier employeur du secteur sportif
Les centres équestres constituent justement le cheval de bataille de François Bonneau, président de la région Centre, dont le territoire abrite le siège de la FFE, troisième fédération sportive de France derrière le football et le tennis avec 687.334 licenciés en 2010, dont 80% de femmes, un record. Pour l'élu, qui a publié le 29 août un communiqué, "dans un secteur où les marges sont faibles, [le passage d'une TVA de 5,5% à 19,6%] serait immédiatement répercuté sur les non-professionnels et les particuliers, notamment au sein des centres équestres. Que l'on ne s'y trompe pas, l'enjeu est considérable, tant est important le nombre de jeunes et de sportifs pratiquant l'équitation et de structures qui la font vivre". Pour lui, "le profit fiscal qui résulterait d'une telle augmentation serait d'ailleurs bien vite anéanti par la défaillance de petites entreprises et la suppression d'emplois". Si l'équitation est actuellement au premier rang des employeurs du secteur sportif, loin devant le football, avec 62.000 emplois pour 55.000 entreprises équestres recensées, le très faible taux d'emplois par structure révèle la fragilité du secteur. Et ce, d'autant que la loi de finances 2011 avait déjà diminué le soutien à la filière équine de 24% par rapport à l'exercice précédent.
En outre, l'élu note que "l'équitation est aujourd'hui une activité amplement démocratisée. Ses vertus sportives, éducatives et sociales attirent toujours plus de public [et bénéficient] à de nombreuses personnes souffrant de handicaps". Selon lui, "nombreux sont ceux qui pourraient être amenés à renoncer à leur activité" en cas de hausse de la TVA. Pour le président de la région Centre, "il faut donc obtenir la modification des textes et ajouter expressément l'ensemble des activités liées aux chevaux à la liste des opérations susceptibles de faire l'objet d'un taux réduit". Interrogé par Localtis, le cabinet de François Bonneau évoque le dépôt d'une proposition de loi communautaire au Parlement européen d'ici la fin de l'année. Il n'est pas impossible que les Etats déjà condamnés par la CJUE profitent de l'occasion pour mettre la réglementation européenne au pas.