La Fédération française du bâtiment alerte : "Le ressort du logement neuf est cassé"
Annoncée depuis plusieurs trimestres, la crise du logement neuf est bel et bien amorcée. Sans changement institutionnel d’ici l’été, la Fédération française du bâtiment redoute un recul de 4% de l’activité en 2024 qui menacerait 100.000 emplois. Son président, Olivier Salleron, a profité du point de conjoncture présenté mercredi 12 avril pour formuler plusieurs propositions susceptibles de redynamiser le marché du neuf et d’encourager la rénovation énergétique.
"Nous entrons dans une crise. Ce n'est pas faute d'avoir alerté depuis deux ans !" Olivier Salleron a donné le ton, mercredi 12 avril, au traditionnel point de conjoncture organisé par la Fédération française du bâtiment. Et pour cause : en chute depuis plusieurs mois, les chiffres de l'activité sont à la peine. En glissement annuel sur trois mois à fin février 2023, les mises en chantier de logements neufs fléchissent de 1,1%, tirées par l'individuel qui plonge de 8,6%. Les autorisations reculent quant à elles de 26,7%. La FFB indique par ailleurs relever une importante progression des annulations de ventes, sans doute liée à la contraction du marché du crédit. Olivier Salleron prévient : "Avec le scénario macrotendanciel, si rien n'est fait d'ici le mois de juin, la chute des ventes de logements neufs se poursuivra avec -20% anticipés en 2023 avant une stabilisation à un niveau très bas en 2024. Nous prévoyons un effondrement des mises en chantier à hauteur de -25% à fin 2024, comme au point bas de la crise des années 1990." Le futur recul de l'activité du BTP serait estimé à -4% et, selon le président de la FFB, menacerait près de 100.000 salariés et intérimaires en équivalent temps plein d'ici la fin 2024.
L'amélioration/entretien porte l'activité
Dans le même temps, le non-résidentiel neuf souffle le chaud et le froid. Les surfaces commencées chutent en effet de -14,5% en glissement annuel sur trois mois, pénalisées par les bâtiments industriels (-32,8%), les commerces et les locaux agricoles (7,5%). Les surfaces autorisées accélèrent en revanche de +7,9%, tous les segments contribuant à ce mouvement hormis les commerces. Les bureaux et bâtiments administratifs affichent une étonnante santé, "surtout en province" note Olivier Salleron qui y voit un effet "élections municipales" de 2026. À l'horizon 2025, l'activité devrait se maintenir à son niveau de 2022, avec des disparités entre les segments : "Les bureaux et commerces seraient en crise, tandis que les locaux administratifs, industriels et de stockage se redresseraient", prévoit la FFB. Une hypothèse qui se confirmerait sous réserve d'un ZAN pas totalement bloquant. "On ne construira pas d'usines sur des friches en cœur de ville !", nuance Olivier Salleron. L'activité en amélioration/entretien semble porter la filière et a progressé de 2,1% à prix constant en 2022. La rénovation énergétique enregistre toutefois un score quelque peu décevant de 1,9%. Sans majoration des aides, avec un marché du crédit contraint et des impacts du ZAN limités, le rythme de croissance de cette activité devrait être d'environ +2% en volume annuel ; positif mais insuffisant, compte tenu des objectifs politiques de zéro carbone.
Réanimer le logement neuf et accélérer sur la rénovation énergétique
En matière de préconisations, pas de nouveauté pour la FFB : celle-ci demande en effet à ce que les obligations du HCSF soient assouplies (notamment les plafonds de taux d'efforts et de durée, ainsi que les marges de flexibilité) et à ce que le reste à vivre soit intégré dans l'équation. Pour relancer l'accession dans le logement neuf, la Fédération propose le rétablissement d'une quotité de prêt à taux zéro de 40% en zones B2 et C, avec des barèmes réévalués et indexés, ainsi qu'un crédit d'impôt RE2020 sur les annuités d'emprunt. Afin d'encourager l'investissement locatif privé, deux mesures seraient à prendre : à court terme, un nouveau dispositif supérieur ou équivalent au Pinel 2022 pour redynamiser le marché rapidement, et à moyen terme un dispositif pérenne d'amortissement pour le bailleur privé.
La rénovation énergétique se doit elle aussi d'accélérer. A cette fin, la FFB estime qu'un milliard d'euros supplémentaire par an devrait être versé pendant cinq ans dans le cadre de MaPrimeRénov', notamment pour la rénovation globale. Le dossier de demande unique MPR-CEE simplifierait en outre les démarches, et la pérennisation du crédit d'impôt relatif à la rénovation des locaux pour les TPE/PME encouragerait ces dernières à se lancer. Olivier Salleron ajoute : "Un soutien de la Caisse des Dépôts serait également souhaitable pour les opérations de promoteurs pertinentes qui souffriraient de taux d'annulation trop élevés ou de problèmes de commercialisation. Il ne faut pas attendre que les promoteurs soient étouffés."
Du côté des matériaux, ceux dont les prix avaient le plus vite progressé apparaissent en recul depuis l'été 2022. Mais la crise de l'énergie est passée : tuiles, verre, produits céramiques ou issus du ciment accélèrent début 2023. Le béton affiche une hausse de +17,2% sur les deux premiers mois de l'année. "Ce n'est pas une bonne nouvelle…", déplore le président de la FFB, qui compte "fermement" sur la mise en place de l'Observatoire des prix promis en novembre par Bruno le Maire aux "24 heures du bâtiment" et lancé depuis fin janvier. "Nous demandons officiellement aux producteurs de matériaux d'intégrer cette commission pilotée directement par Bercy", déclare Olivier Salleron. |