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La dynamique des nouveaux lieux de fabrication à la loupe

Le ministère de l'Économie a publié un état des lieux des fablabs. De l'espace numérique hébergeant quelques machines à l'unité de prototypage, ces lieux d'innovation recouvrent des réalités très différentes. Ils partagent néanmoins un paradoxe : la difficulté à trouver un modèle économique alors même que le "produire local" fait un retour en force.

Réalisée pour le compte de la direction générale des entreprises et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l'étude menée par les cabinets Ocalia et Terre d'avance propose un état des lieux des ateliers de fabrication numériques à partir d'une enquête menée auprès d'une centaine de tiers-lieux et autres structures accueillant des "makers". Le terme d'atelier de fabrication numérique (AFN) a du reste été préféré à celui de "fablab" car plus adapté à la diversité des lieux et des acteurs.

Un modèle économique à consolider

La typologie des AFN élaborée par l'étude relève six profils :
• les nouveaux espaces de médiation numérique équipés en matériel de fabrication (imprimantes 3D, découpeuse laser…) ;
•les tiers lieux favorisant l'hybridation des publics comme des activités ;
•les fablabs proprement dits centrés sur une communauté de "makers", ;
•les laboratoires territoriaux d'innovation (souvent liés à l'enseignement supérieur et à la recherche) ;
•les ateliers de prototypage professionnels ;
• et enfin les nouveaux espaces de  formation numérique.
À la croisée des chemins entre la diffusion du numérique (voire de l'e-inclusion), le renforcement du tissu économique local et le développement de l'attractivité du territoire, ils ont en majorité un portage public ou associatif. 

Ces AFN partagent cependant tous la difficulté à trouver un "modèle économique soutenable". Ils peinent notamment, à quelques exceptions près, à attirer des entreprises. L'étude note ainsi "un manque de visibilité sur ce que proposent ces lieux et les bénéfices que les entreprises pourraient en tirer" alors même que ces lieux "pourraient avoir un rôle de premier plan dans la découverte et la mise en œuvre des nouveaux processus d'innovation dans les entreprises". Il résulte de cette incapacité à vendre des prestations au secteur privé "une dépendance marquée au soutien public", "en investissement comme en fonctionnement et plus particulièrement en phase d'amorçage". 

Un vecteur du "made in territoire"

L'étude, réalisée avant la crise sanitaire, souligne l'intérêt des AFN à contribuer à la relocalisation des activités économiques et leur complémentarité par rapport à des politiques publiques structurantes comme les "territoires d'industrie" ou le programme "action cœur de ville". Les auteurs estiment ainsi que les AFN pourraient ainsi incarner le "made in territoires", voire une forme "d'artisanat 4.0", avec des projets à la pointe des transitions numériques et écologiques, en phase avec les nouvelles attentes de consommation. Ils plaident pour qu'à coté de la French Tech, émergent une "French Dab" associant un réseau d'AFN de proximité et d'AFN régionaux ou métropolitains.

Ce diagnostic est accompagné de 15 propositions– qui n'engagent que les auteurs de l'étude – pour renforcer le levier économique des AFN. Un premier lot concerne l'amélioration de la visibilité nationale des AFN par une campagne de communication et une structuration du réseau des AFN. Ils proposent également une structuration de l'offre de services des AFN avec un développement de la mutualisation des ressources et des dispositifs pour encourager le bénévolat. Pour aider les entreprises à recourir aux AFN ils suggèrent ensuite la création d'un Pass AFN sur le modèle du pass numérique ou culture. Ils proposent enfin de consolider les financements publics en créant des aides spécifiques ayant pour contrepartie une évaluation systématique de leur impact. 
Autant de propositions qui pourraient trouver un écho favorable après la crise du Covid-19 marquée par une mobilisation des makers et un retour en force du "produire local".