La directive Eau potable refondue
Le Parlement européen a adopté ce 15 décembre la refonte de la directive dite "Eau potable", qui vise à assurer un meilleur accès à une eau de plus grande qualité.
Une première ! En adoptant ce 15 décembre une nouvelle refonte (la quatrième, après celles de 2003, 2009 et 2015) de la directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, le Parlement européen vient – en partie – de couronner de succès la première initiative citoyenne européenne, instrument de démocratie participative institué par le traité de Lisbonne permettant à un million de citoyens européens d'inviter la Commission à présenter une proposition d’acte législatif. En l'espèce, près de 1,9 million d'Européens ont aujourd'hui signé la pétition "Right2Water" – officiellement transmise le 20 décembre… 2013 –, qui visait à "proposer une législation qui fasse du droit à l'eau et à l'assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d'eau et l'assainissement en tant que services publics essentiels pour tous".
Pas de nationalisation des services de l'eau
"En partie", parce que le nouveau texte ne répond pas à toutes les attentes de l'association, qui entendait notamment exclure les services de l'eau de toute libéralisation. Une demande à laquelle la Commission s'était opposée d'emblée, rappelant qu'une telle décision "reste clairement du ressort des pouvoirs publics des États membres" et, plus encore, que "la fourniture de ces services relève généralement de la responsabilité des autorités locales, qui sont les plus proches des citoyens et de leurs préoccupations".
Mais un meilleur accès à l'eau du robinet…
En revanche, l'objectif "de veiller à ce que tous les habitants jouissent du "droit à l'eau" également promu est, lui, bien recherché. Ainsi, les États membres doivent-ils améliorer l'accès à l'eau des groupes dits vulnérables et marginalisés : réfugiés, gens du voyage, sans abris, etc.
Le texte ambitionne également de substituer la consommation de l'eau du robinet à celle de l'eau en bouteille (les habitants de l'UE en consomment en moyenne annuelle 106 litres chacun), tant pour des raisons environnementales qu'économiques (la Commission escompte une économie annuelle de plus de 600 millions d'euros pour les ménages). Pour promouvoir l'eau du robinet, le texte dispose que les États membres veillent à ce que des équipements intérieurs et extérieurs soient installés dans les espaces publics ("lorsque cela est techniquement réalisable, d'une manière qui soit proportionnée à la nécessité de telles mesures et compte tenu des conditions locales spécifiques, telles que le climat et la géographie" toutefois). Ils doivent également faire connaître les équipements extérieurs ou intérieurs les plus proches, lancer des campagnes d'information auprès des citoyens concernant la qualité de l'eau et encourager sa fourniture, d'une part, dans les administrations publiques et les bâtiments publics et, d'autre part, à titre gratuit ou moyennant des frais de services peu élevés, aux clients de restaurants, de cantines et de services de restauration. Le tout en apportant aux autorités compétentes "l'appui nécessaire" pour ce faire.
Les consommateurs devront notamment bénéficier d'informations actualisées (une fois par an au moins) sur la qualité de l'eau qu'ils consomment (y compris les types de traitement ou de désinfection appliqués, la fréquence de surveillance, la dureté, la teneur en calcium, magnésium et potassium, les dangers potentiels en cas de dépassement des valeurs paramétriques, etc.), son prix, les volumes consommés et une comparaison de leur consommation avec la moyenne d'un ménage.
… de meilleure qualité
L'amélioration de la qualité de l'eau fait l'objet de nombreuses dispositions. De manière générale, les États membres devront veiller "à ce que les mesures prises pour les mettre en œuvre soient fondées sur le principe de précaution et n'entraînent en aucun cas, directement ou indirectement, une dégradation de la qualité actuelle des eaux destinées à la consommation humaine ou un accroissement de la pollution des eaux utilisées pour la production d'eaux destinées à la consommation humaine".
Des limites plus strictes seront imposées pour certains polluants, comme le plomb (5 μg/l contre 10 jusqu'ici, au plus tard dans les 15 ans). D'ici 2022, la Commission devra établir une première "liste de vigilance" – qui sera régulièrement actualisée – couvrant les "substances ou composés qui constituent un sujet de préoccupation sanitaire pour les citoyens ou les milieux scientifiques", tels que les produits pharmaceutiques, les perturbateurs endocriniens et les microplastiques. Y seront inclus d'emblée le nonylphénol et le bêta-œstradiol. Le sort du bisphénol A, visé en annexe, a lui déjà été fixé : il ne pourra dépasser les 2,5 μg/l.
Les États membres devront notamment veiller à ce que les matériaux utilisés – mais aussi les agents chimiques de traitement et les médias filtrants – pour le prélèvement, le traitement, le stockage ou la distribution d'eau potable et qui entrent en contact avec elle : ne compromettent pas, directement ou indirectement, la protection de la santé humaine ; n'altèrent pas sa couleur, son odeur ou sa saveur ; ne favorisent ("involontairement" dans le cas des agents chimiques et médias filtrants) pas le développement de la flore microbienne ; enfin, ne libèrent pas de contaminants dans les eaux à des niveaux supérieurs à ce qui est nécessaire au regard de l'usage auxquels ils sont destinés. La Commission définira des exigences minimales, avec le renfort de l’Agence européenne des produits chimiques. Des "listes positives européennes" de substances de départ, compositions ou constituants pour chaque groupe de matériaux seront constituées.
Les États membres devront également veiller à ce que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en eau potable fasse l'objet d'une approche fondée sur les risques, depuis la zone de captage jusqu'à la distribution (sortie du robinet), en passant par le prélèvement, le traitement et le stockage, y compris donc les risques liés aux installations privées (un travail déjà en cours de développement en France dans le cadre des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux). Des programmes de surveillance régulière doivent être établis.
Le texte prévoit en outre que les résultats de l'évaluation des niveaux de fuite des réseaux devant être conduite par les États membres soient communiqués à la Commission au plus tard trois ans après la date limite de transposition de la directive. La Commission définira dans un second temps une valeur seuil moyenne que les États devront viser en élaborant un plan d'action idoine.
Les États auront deux ans après l'entrée en vigueur de la directive pour transposer dans leur réglementation ces nouvelles dispositions.