La Cour des comptes pointe les risques liés aux heures supplémentaires
Dans un rapport, la Cour des comptes livre ses recommandations pour mieux maîtriser les heures supplémentaires dans la fonction publique. En comparaison des hôpitaux, le phénomène reste globalement contenu dans les collectivités territoriales (39 millions d'heures supplémentaires en 2018). Mais celles-ci ont des progrès à faire en matière de suivi et de contrôle.
Les heures supplémentaires sont utiles au bon fonctionnement du service public, mais il convient de les limiter lorsqu'elles découlent d'une mauvaise organisation et occasionnent des risques en tout genre – ce qui est le cas lorsqu'elles sont "stockées". C'est ce que souligne la Cour des comptes dans un rapport qu'elle a remis à la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Dans ce rapport qu'elle a publié ce 28 octobre, la rue Cambon ne remet pas en cause le bien-fondé des heures supplémentaires : elles permettent tout à la fois d'assurer la continuité du service public, de faire face à des difficultés de recrutement pour certains métiers, ou à des pics saisonniers d'activité. En outre, les employeurs comme les agents peuvent trouver un intérêt à leur utilisation. Les premiers bénéficient de leur coût moins élevé que les heures effectuées par les agents dans le cadre de leur service normal et, pour les seconds, ces heures effectuées au-delà de la durée légale constituent un complément de rémunération.
Pas de provision budgétaire
Mais certaines heures supplémentaires ne sont "pas justifiées", critique la Cour. Il en va de celles qui découlent "des organisations et des cycles de travail qui structurellement entraînent des besoins importants en heures supplémentaires", indique-t-elle, en citant l'exemple de l'organisation du temps de travail dans la police nationale. Les magistrats dénoncent aussi les heures supplémentaires qui sont exercées dans les structures où le temps de travail est inférieur à la durée légale de 1.607 heures par an, sans que cela soit justifié par des "sujétions spécifiques". C'est le cas dans un certain nombre de collectivités locales. Mais une disposition de la loi de transformation de la fonction publique prévoit un alignement sur la règle commune dans les deux prochaines années.
Par ailleurs, le gendarme des comptes publics pointe les risques liés aux heures supplémentaires qui n'étant ni rémunérées et ni récupérées (repos compensateur), sont du coup "stockées" et parfois reportées d'année en année (pour déboucher sur des départs anticipés en retraite). Celles-ci "ne font pas l’objet d’une provision" dans les comptes des collectivités territoriales, "bien qu’elles puissent représenter des niveaux d’engagements significatifs", s'inquiète-t-il. Mais le secteur public local n'est pas le plus menacé par les risques engendrés par ce type d'heures supplémentaires. En effet, les collectivités privilégient l’indemnisation des heures supplémentaires de leurs agents. Selon une enquête de la Cour, 56,3% de ces heures ont été indemnisées en 2018, tandis que 30,1% ont été récupérées, 6,5% ayant été stockées et 7% écrêtées. On ne comptait que 6,1 millions d'heures supplémentaires "stockées" dans la fonction publique territoriale, contre 18,5 millions pour la fonction publique hospitalière et 23 millions pour la police nationale. Une telle option génère des risques financiers pour les structures concernées (d'autant qu'elle est plus coûteuse que le choix de l'indemnisation), sans compter que leurs agents sont exposés davantage à la fatigue et plus généralement aux risques psychosociaux.
Manques dans le suivi et le contrôle
La Cour préconise donc de limiter le stockage des heures supplémentaires, "en encourageant les récupérations dans l’année et l’indemnisation d’une proportion plus importante d’heures supplémentaires".
"Le pilotage et le suivi" du temps de travail par les administrations pourraient aussi permettre de réduire les cas d'utilisation injustifiée. Mais la pratique est insuffisamment développée. Peu de collectivités "disposent d’un tableau de bord mensuel ou régulier" présentant des données d’heures supplémentaires "réalisées". La Cour insiste aussi sur l'importance de contrôler régulièrement les mises en paiement ou les récupérations correspondant aux heures supplémentaires. Mais, là encore, bon nombre de collectivités ne disposent pas de "moyens de contrôle automatisé".
Heures supplémentaires : moins de la moitié des agents territoriaux ont reçu des indemnités
D’après l’enquête de la Cour, les heures supplémentaires ont coûté 540 millions d'euros, en 2018, aux collectivités territoriales – à comparer aux 2,3 milliards d'euros pour l'ensemble du secteur public. Sur cette somme, 463 millions d'euros (soit 86%) sont revenus aux agents territoriaux de catégorie C, le reste aux agents de catégorie B. Pour les agents ayant perçu une indemnité au titre des heures supplémentaires, ces sommes ont représenté en 2018 en moyenne 1.021 euros par agent de catégorie B et 829 euros par agent de catégorie C. Au total, 39% des agents territoriaux ont perçu des indemnités liées aux heures supplémentaires.