Développement rural - La Cour des comptes européenne épingle la gestion des GAL
"Il faut mettre en place une gouvernance renouvelée sur une échelle territoriale plus large incluant zone rurale et ville", a déclaré la présidente du Comité des régions, Mercedes Bresso, devant le Congrès des maires, jeudi 25 novembre, en expliquant aux élus les enjeux de la future programmation européenne. Et de prendre pour exemple "l’approche Leader qui est un exemple de territoires de projets pertinents". Mais l'approche Leader, choisie pour mener à bien la politique de développement rural de l'Union européenne à travers des partenariats locaux appelés "groupes d'action locale" (GAL), n'est peut-être pas un modèle de bonne gestion... C'est en tout cas l'avis de la Cour des comptes européenne qui éreinte leur fonctionnement. Son audit a porté sur la période de programmation Leader+ 2000-2006 et sur celle en cours (2007-2013). 202 GAL européens (sur près de 2.000) ont été auditionnés, dont 13 de façon approfondie, sur la gestion financière du montant alloué par l'UE, lequel s'élève à 5,5 milliards pour la période actuelle.
Une valeur ajoutée très limitée
Les GAL, au nombre de 222 en France, sont sélectionnés dans chaque Etat par appel à projets en début de programmation : ce sont des territoires de projets (des pays la plupart du temps) qui reçoivent une enveloppe pluriannuelle pour mettre en oeuvre des stratégies locales de développement. L’argent peut ainsi être redistribué sous forme de subventions à des projets locaux. L'approche Leader promeut dans le même temps des modes de gouvernance novateurs : approche participative, partenariats privé-public au niveau local, mises en réseau, etc. Or, si la Cour des comptes européenne a noté quelques bons exemples, la majorité des GAL n'ont pas tenu compte de ces critères de bonne gouvernance, juge-t-elle. Et elle pointe une redistribution partiale des subventions, souvent à des organismes membres du GAL, loin donc de la logique participative. De même, la promesse de partenariat est rarement tenue : ce sont les autorités locales qui, en définitive, prennent les décisions au détriment du secteur privé. La cour souligne aussi que l'ensemble des "GAL n'ont pas centré leur attention sur la réalisation des objectifs des stratégies locales" qui auraient dû être au coeur de l'approche Leader.
Mauvaise gestion financière
En matière de gestion financière, les remarques ne sont pas plus tendres. La Cour des comptes européenne mentionne ainsi que des GAL ont financé des projets qui auraient dû l'être via des programmes communautaires ou qui répondaient aux activités courantes des autorités territoriales. Pire, certaines subventions ont été accordées à des projets en cours ou terminés. Manque de transparence, coûts de fonctionnement élevés, longueur des procédures sont quelques-uns des reproches également faits aux GAL qui sont accusés de conflits d'intérêts.
Parmi les exemples français cités, le GAL du Languedoc-Roussillon est épinglé pour des subventions allouées à une association membre du GAL, mais, surtout, pour des projets déjà achevés. Ce qui, selon les magistrats, va à l'encontre de "l'efficience" des dépenses subventionnées (c'est-à-dire le rapport entre les objectifs et les moyens mis en oeuvre pour les réaliser), critère de sélection imposé par l'approche Leader. Le GAL des Pays-de-la-Loire, quant à lui, a augmenté son taux de subvention à la fin de la programmation Leader+ afin de pouvoir dépenser la totalité de l'enveloppe allouée. En conséquence, une municipalité ayant demandé 12.000 euros de subventions s'en est vu accorder 25.000 pour un projet d'informatisation et de mise en réseau de ses bibliothèques. Selon la cour, ces procédures avaient pour but d'éviter que les Etats membres n'annulent les crédits non distribués par les GAL en fin d'exercice.
Trois ans pour corriger le tir
Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes européenne sur ce sujet, en 2000, soulignait déjà les mêmes carences dans la gestion financière et listait les mêmes manquements dans les contrôles effectués par la Commission européenne et les Etats membres. La cour souligne en effet que la Commission s'est montrée peu exigeante lors de l'approbation des programmes régionaux et nationaux de développement rural, au moment où la valeur ajoutée de l'approche Leader aurait dû être évaluée. Quant aux Etats membres, ils n'ont pas fait appliquer les exigences minimales en matière de bonne gestion financière malgré les recommandations de la Commission, suite au rapport de 2000.
Le rapport demande à la Commission européenne et aux Etats membres de prendre des dispositions pour limiter "l'effet d'aubaine", c'est-à-dire le financement, même partiel, de projets qui n'avaient pas véritablement besoin de subventions. La cour recommande aussi la mise en place de règles efficaces pour éviter tout conflit d'intérêts.
Sur les trois années qui restent dans la programmation 2007-2013, la Commission européenne doit s'assurer que les Etats membres surveillent les GAL, afin que ces derniers rendent compte de la réalisation des objectifs de leur stratégie locale, de l'efficacité de leurs dépenses et de leur coût de fonctionnement.
Des recommandations qui s'avèrent indispensables pour que soit reconduite cette gouvernance locale, comme le voudrait Mercedes Bresso, pour l'après-2013.