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Social - La Cour de cassation donne un nouveau coup de canif à l'obligation alimentaire

Dans un arrêt lapidaire du 21 novembre 2012, la Cour de cassation apporte un nouveau motif de non mise en jeu de l'obligation alimentaire des descendants envers leurs ascendants. Selon l'article 205 du Code civil, "les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin" (formulation remontant à la loi du 27 mars 1803). Longtemps considérée comme ayant une portée quasiment anthropologique autant que juridique, cette disposition a souffert quelques exceptions depuis une dizaine d'années. Cette évolution résulte de la prise de conscience de situations abusives - mettant souvent les départements mal à l'aise dans l'application de ce principe -, qui voyaient des enfants totalement délaissés par leurs parents naturels contraints, une fois devenus adultes, de prendre financièrement en charge leurs parents désormais âgés et notamment leurs frais d'hébergement en maison de retraite.
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a apporté une restriction de taille à l'obligation alimentaire envers les ascendants, en en dispensant les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par une décision judiciaire et durant une période d'au moins 36 mois cumulés avant l'âge de 12 ans. Le juge conserve toutefois la possibilité - eu égard aux circonstances de l'espèce - de prendre une décision contraire et de fixer alors une obligation alimentaire à l'encontre de l'enfant.
A cette modification législative se sont ajoutées les évolutions de la jurisprudence. En ce domaine, l'arrêt du 21 novembre 2012 élargit le champ de l'exonération de l'obligation alimentaire. Dans cette affaire, M. Michel X… demandait la condamnation de ses deux fils à lui verser une pension alimentaire de 900 euros par mois. La réponse de la Cour de cassation - qui confirme un jugement de la cour d'appel de Toulouse - tient en une seule phrase : "Attendu qu'ayant énoncé que les pièces versées aux débats établissent que M. Michel X... a laissé à ses enfants des messages téléphoniques réitérés contenant des propos humiliants et injurieux allant jusqu'au déni de paternité en ce qui concerne l'un d'eux, la cour d'appel a souverainement estimé que le père avait gravement manqué à ses obligations envers les débiteurs alimentaires".
Les défenseurs de M. X… faisaient pourtant valoir que "seuls des manquements graves par le créancier à ses obligations envers le débiteur permettent au juge de décharger ce dernier de tout ou partie de sa dette alimentaire". Mais les juges ont considéré que des injures répétées, blessantes et prouvées (les messages sur le répondeur) envers ses enfants suffisent à le priver du droit de mettre en jeu l'obligation alimentaire. Curieusement, les moyens évoqués devant la cour d'appel vont beaucoup plus loin que les simples injures : coups de feu tirés dans la porte de son ex-épouse et de ses enfants, violence physique (plusieurs dépôts de plainte) et perturbation continue, durant une vingtaine d'années, de la vie des enfants et de leur mère... En se contentant, dans ses attendus, des seules injures téléphoniques, la Cour de cassation marque une nette extension du champ d'application de l'exonération de l'obligation alimentaire.

Référence : Cour de cassation, première chambre civile, arrêt n°11-20140 du 21 novembre 2012, M. Michel X...