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Communication - La commission des lois du Sénat adopte la proposition de loi sur les sondages

La commission des lois du Sénat a adopté, le 2 février, la proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral. Ce texte est directement issu du rapport d'information sur la question, remis en octobre dernier par Hugues Portelli, sénateur (UMP) du Val-d'Oise, et Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret (voir notre article ci-contre du 27 octobre 2010). Les deux auteurs se sont toutefois partagé les rôles sur la proposition de loi : Hugues Portelli en est l'auteur, tandis que Jean-Pierre Sueur en est le rapporteur. Ce dernier a déposé 23 amendements sur le texte, qui ont tous été adoptés par la commission. Ce climat consensuel ne laisse guère planer de doute sur l'adoption de la proposition de loi, qui doit être examinée en séance publique par le Sénat le 14 février.

Qui est le mieux placé pour battre Untel ?

Fort d'une vingtaine d'articles, le texte - qui ne concerne que "les sondages publiés, diffusés ou rendus publics, portant sur des sujets liés au débat politique ou électoral" et les opérations de simulation de vote - commence par donner une définition du sondage. Il s'agit d'"une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d'une population par l'interrogation d'un échantillon représentatif de celle-ci, qu'il soit constitué selon la méthode des quotas ou selon la méthode aléatoire". Les différentes dispositions du texte modifient la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, qui reste le texte de référence en la matière. L'article 1er prévoit ainsi que les personnes interrogées ne peuvent recevoir aucune gratification de quelque nature que ce soit. L'article 2 précise les indications qui doivent accompagner la première publication ou la première diffusion d'un sondage. L'une d'entre elles fait déjà grincer les dents des sondeurs, puisqu'il s'agit des "marges d'erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire". Les articles 3 et 4 organisent les modalités de dépôt auprès de la commission des sondages. L'article 5 est plus surprenant - et devrait donner lieu à débats - puisqu'il encadre la publication, avant le premier tour d'une élection, de sondages portant sur le second tour. Sans interdire la publication des sondages sur le second tour avant la fin du premier - comme l'avait un temps envisagé le législateur en 1977 ! - il complique néanmoins singulièrement l'exercice. Le texte prévoit en effet que "les hypothèses testées dans un sondage relatif au second tour d'une élection, publié ou diffusé avant le premier tour, doivent tenir compte des données qui résultent d'un sondage de premier tour, obligatoirement publié ou diffusé en même temps". En d'autres termes - dans le cas d'une présidentielle, par exemple - les sondages sur le second tour ne peuvent porter que sur le duel entre les deux candidats supposés arriver en tête en premier tour. Fini, par conséquent, les sondages du type "quel est le meilleur candidat de la gauche (ou de la droite) pour battre Untel au second tour ?". Dans un amendement adopté par la commission et qui fleure bon la casuistique, Jean-Pierre Sueur a toutefois tenté d'apporter un léger assouplissement en remplaçant la rédaction initiale "correspondre aux" par "tenir compte des", en expliquant qu'"il convient d'ouvrir la possibilité de tester et publier plusieurs hypothèses de second tour, en particulier lorsque les scores établis pour le premier tour sont suffisamment proches pour que, compte tenu des marges d'erreur qui les affectent, l'identité des candidats qualifiés pour le second tour est incertaine". Cette subtilité sémantique laisse à penser que l'article en question a fort peu de chances d'être jamais appliqué...

Amendes salées

Les articles 6 à 12 renforcent les pouvoirs de la commission des sondages créée par la loi du 19 juillet 1977. Ils lui donnent notamment la possibilité d'établir, a priori, des observations à caractère méthodologique dans le mois précédant un scrutin (réserves ou, dans les cas graves, mises au point). Ces observations devront alors obligatoirement accompagner le sondage visé. De même, le texte donne une autonomie budgétaire à la commission et prévoit qu'elle est tenue de publier un rapport annuel, remis au président de la République et aux présidents des deux assemblées. Pour sa part, l'article 13 harmonise les règles applicables à l'interdiction de la publication de sondages électoraux le jour et la veille d'un scrutin et celles applicables à la divulgation anticipée de résultats, partiels ou définitifs, d'une élection. L'article 14 prévoit une amende de 75.000 euros pour sanctionner différents cas de figure : utilisation du terme "sondage" pour des enquêtes ne répondant pas à la définition légale, refus de publier ou diffuser une mise au point demandée par la commission des sondages ou entrave à l'activité de cette dernière. La même amende de 75.000 euros sanctionne "le fait de commander, réaliser, publier ou laisser publier, diffuser ou laisser diffuser un sondage en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables". Enfin, dans un souci de coordination qui risque de coûter cher aux contrevenants, les articles 20 et 21 portent l'amende en cas de divulgation anticipée de résultats d'élection à 75.000 euros, au lieu des 3.750 euros actuels. Une disposition qui devrait inciter les chaînes de télévision à bien régler leurs montres à l'approche de 20 heures, les soirs d'élections...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral (examen en première lecture par le Sénat prévu le 14 février 2011).