ADF - "La cohésion des territoires, c'est le métier des départements !"
Une délégation de présidents de départements a rencontré le 30 mai Richard Ferrand, le ministre de la Cohésion des territoires. Une toute première rencontre pour préparer le terrain à la "conférence des territoires" devant être organisée avant l'été, comme s'y était engagé Emmanuel Macron. La situation financière des départements s'est un peu améliorée. Pour l'Assemblée des départements de France, le financement des allocations individuelles de solidarité reste toutefois le dossier le plus urgent à aborder avec le nouvel exécutif, notamment par une reprise des négociations sur le RSA. S'y ajoute le problème de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Sans oublier les enjeux d'organisation territoriale et de compétences.
Lorsqu'il n'était encore que candidat, Emmanuel Macron avait à plusieurs reprises évoqué l'idée d'un "pacte de confiance" avec les collectivités et assuré aux représentants des élus locaux qu'une "conférence des territoires" serait organisée "avant l'été". Richard Ferrand, aujourd'hui l'un des principaux interlocuteurs des collectivités en tant que ministre de la Cohésion des territoires, l'a confirmé à la délégation de présidents de départements qui l'a rencontré le 30 mai. Une confirmation que l'Assemblée des départements de France (ADF) voit d'un bon œil, en souhaitant toutefois que cette conférence soit préparée bien en amont. Avec, pour les départements, deux dossiers à placer en haut de la pile : le financement des allocations individuelles de solidarité (AIS) et les mineurs non accompagnés (MNA).
Sur ces deux sujets "urgents", il faut "que les discussions techniques commencent dès maintenant", a fait valoir ce 31 mai lors d'un point presse Dominique Bussereau, le président de l'ADF, indiquant que les élus départementaux doivent aussi bientôt rencontrer Emmanuel Macron et Edouard Philippe (pas encore de date fixée), ainsi qu'un certain nombre de ministres. A commencer par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, dont le rôle sera "très important" pour les collectivités, prévoit Dominique Bussereau après avoir pris connaissance des décrets d'attribution (voir notre article du 29 mai). En notant au passage que Gérard Collomb était jusqu'ici membre du bureau de l'ADF en tant que président de la métropole de Lyon. Des rendez-vous avec d'autres membres du gouvernement sont également prévus : Gérald Darmanin (Action et comptes publics) dès mercredi prochain, Agnès Buzyn (Solidarité et Santé), Sophie Cluzel (Personnes handicapées), Jacques Mézard (Agriculture)…
RSA : "Nous sommes prêts à repartir en négociation"
S'agissant du financement des AIS, "ça va mieux mais le problème structurel n'est pas réglé", résume le président de l'ADF. "Il y a eu quatre fonds d'urgence... mais les départements subissent toujours le non-financement partiel de l'APA, l'ASA, le RSA et la PCH", ajoute-t-il, rappelant que les négociations engagées avec Manuel Valls en vue d'une recentralisation du financement du RSA avaient "failli aboutir". Mais que celles-ci avaient au final buté sur des obstacles techniques tels que l'année de référence. On sait toutefois qu'au-delà de cette raison officielle, nombre de présidents de départements n'étaient en réalité pas vraiment prêts à lâcher ce rôle de financeur du RSA.
Aujourd'hui, "nous sommes prêts à repartir en négociation" et "nous sommes ouverts à tous les schémas", assure le président de l'ADF. Une partie des élus départementaux, surtout à gauche, plaident toujours pleinement pour une recentralisation. Parmi eux, Mathieu Klein, président de Meurthe-et-Moselle, qui continue de porter le flambeau de son prédécesseur, Michel Dinet. "Les AIS sont avant tout une question de solidarité nationale. Or celle-ci est entaillée par les inégalités territoriales qui ne cessent de se creuser et par le rétrécissement de l'autonomie fiscale des départements", a redit Mathieu Klein ce mercredi. Plaidant donc toujours pour sa part pour une recentralisation, il a rappelé que lors de l'audition des candidats à la présidentielle en mars dernier, le candidat Macron s'était clairement positionné en faveur de cette option. D'autres élus départementaux, toutefois, préféreraient que l'on se limite à un système pérenne de compensation du reste à charge.
Mettant en avant "les écarts qui se creusent" entre "deux catégories de départements" - ceux qui cumulent vieillissement de la population (donc lourdes dépenses d'APA) et nombre élevé de bénéficiaires du RSA et ceux qui n'ont pas à faire face à cette double contrainte -, Benoît Huret, président des Ardennes, prône quant à lui une "méthode assez simple" : "Calculer le coût moyen des AIS par habitant et établir que les dépenses au-dessus de ce coût moyen seront prises en charge par l'Etat", explique-t-il. En précisant que ce coût varie entre 72 et 232 euros selon les départements.
Une légère embellie... à tempérer
Dominique Bussereau et ses collègues en conviennent : "Les données financières de 2016 sont moins mauvaises que celles de 2015, avec une légère baisse de l'effet de ciseau", du fait d'une décélération des dépenses de fonctionnement, dont les dépenses sociales, parmi lesquelles les dépenses de RSA (+3,2%, contre +6,7% un an plus tôt), en lien avec une petite baisse du chômage. Cette courbe plutôt favorable vient d'ailleurs d'être confirmée et précisée par l'enquête annuelle de l'Odas dévoilée mardi (voir ci-dessous notre article de ce jour consacré à cette enquête). Désormais, ce ne serait plus une quarantaine mais une vingtaine de départements qui seraient "sous la ligne de flottaison", autrement dit en grande difficulté. Et du côté des recettes, il y a du mieux aussi, avec une hausse de 7,2% sur le foncier bâti et de 8,2% sur les droits de mutation. Toutefois, tout comme l'équipe de l'Odas, les présidents tiennent à pondérer la portée de cette légère embellie.
Et puis il y a cette autre "urgence" sociale venue s'ajouter aux questions sur lesquelles les présidents attendent des réponses de la part de l'exécutif : les mineurs non accompagnés devant être pris en charge par les services départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance. Selon l'ADF, ces mineurs arrivés en France "souvent par des filières de passeurs" étaient environ 14.000 fin 2016 et seraient aujourd'hui environ 18.000 (Outre-Mer compris). "Nous avions négocié avec Bernard Cazeneuve, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, afin que l'Etat, au-delà du forfait de 250 euros prévu pour cinq jours d'évaluation, prenne en charge 30% du coût annuel dès lors que plus de 13.000 mineurs seraient accueillis", a indiqué Dominique Bussereau, qui compte là encore relancer une négociation avec le nouveau ministre de l'Intérieur. Et le président de l'ADF d'évoquer, au-delà de la question financière, les difficultés humaines que pose l'accueil de ces jeunes par les services de l'ASE. "Nous devons les accueillir, c'est notre devoir. Mais est-ce aux travailleurs sociaux d'accomplir pour la Justice l'évaluation de la minorité du jeune ? En sachant que la décision de justice intervient bien souvent bien au-delà des cinq jours. Nous sommes dans un système qui ne fonctionne plus", considère Mathieu Klein.
"Métropoles-départements"
A l'aube du nouveau quinquennat, les départements comptent par ailleurs évidemment faire valoir leurs attentes en matière d'organisation territoriale : "Que le paysage institutionnel soit stabilisé" et "que le rôle de chef de file des solidarités humaines et territoriales soit confirmé", affirme Dominique Bussereau. "La cohésion des territoires, c'est le métier des départements !", lance pour sa part Pierre Bédier, président des Yvelines, en allusion directe à l'intitulé du portefeuille ministériel confié à Richard Ferrand.
Le président de l'ADF, qui s'était entretenu le matin même avec Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, assure ne pas avoir "de sujet" de discorde sur le devenir des métropoles, tout en soulignant que "toutes les métropoles n'ont pas vocation à devenir des métropoles-départements". On sait en effet qu'Emmanuel Macron avait fait part de son intention de laisser les métropoles absorber les attributions des départements pour, in fine, conduire à la disparition des départements concernés. S'il avait indiqué perspective ne concernerait que les "vraies" grandes métropoles, il avait toutefois affiché un objectif de réduction d'un quart du nombre de départements d'ici 2022. "Richard Ferrand nous a dit qu'il ne procéderait pas de manière forte sur ce sujet", se satisfait aujourd'hui Dominique Bussereau.
"Si nous avons d'abord besoin de stabilité, cela ne signifie pas ne pas corriger la loi", ajoute Pierre Bédier qui, en tant qu'élu francilien, attend notamment "une réforme institutionnelle de la région parisienne" pour améliorer les relations entre la région et la métropole du Grand Paris. De même, Dominique Bussereau a rappelé à Richard Ferrand qu'une "petite proposition de loi" visant à "corriger un peu les erreurs de la loi Notr" était sur le bureau du Sénat et pourrait faire l'objet d'un examen parlementaire rapide.
Enfin, les départements appellent de leurs vœux "des relations plus apaisées avec la DGCL". Celle-ci aurait selon eux eu "une lecture technocratique de la loi Notr" et aurait "inspiré" en ce sens des préfets prompts à contester certaines délibérations d'assemblées départementales relatives, principalement, aux interventions dans le domaine économique. Un sujet sur lequel les départements ont tout récemment connu un nouveau revers puisque dans une décision rendue le 12 mai (voir notre article du 17 mai), le Conseil d'Etat a rejeté la requête par laquelle l'ADF demandait l'annulation d'une instruction ministérielle relative à l'application de la loi Notr en matière de compétence économique...
Régions de France aussi rencontre le nouvel exécutif
Ce 31 mai, le président de Régions de France, Philippe Richert, avait pour sa part rendez-vous directement à l'Elysée pour y rencontrer Emmanuel Macron, en présence de Richard Ferrand. Centré sur les relations entre l'Etat et les régions, Philippe Richert a rappelé "l’importance du travail engagé avec le gouvernement précédent, notamment via la mise en place de plateformes Etat-Régions", mais a aussi fait part de son souhait d'expérimenter "de nouvelles formes de relations", à travers notamment "des possibilités de délégation de compétences exercées par les régions pour le compte de l’Etat", selon un communiqué de l'association.