Administration numérique - La Cnil n'autorisera pas l'accès direct aux téléservices locaux par un identifiant unique
Les mairies déploient de plus en plus fréquemment des téléservices. Or chaque nouvelle initiative doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ce qui représente une charge administrative importante. Aussi, la direction générale des collectivités locales (DGCL) et l'ex-DGME, devenue, depuis, direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique (Dimap), avaient élaboré en 2012 un projet d'arrêté destiné à limiter les démarches des collectivités à une simple déclaration. Pour cela, elles devaient se conformer à des règles d'accès aux services et de sécurité, de conservation et de destruction des données. Le texte avait été approuvé par la Cnil dans ses grandes lignes, sans toutefois que soit accepté le principe essentiel d'un identifiant unique. Celui-ci ne pouvant être obtenu que par la voie de la fédération d'identité, sur le même principe que celui adopté par le portail mon.service-public.fr (MSP). Ainsi, au prétexte d'éviter tout risque de croisement d'information illicite, la mise en œuvre d'une gestion unifiée des identifiants était dès lors exclue.
Après de nombreux échanges, les parties prenantes - Etat, régulateur et collectivités territoriales - sont parvenues à un compromis et le projet d'arrêté dans sa nouvelle formulation a reçu, début mars, un avis favorable de la Cnil.
Le principe retenu est celui d'un identifiant unique pour les téléservices appartenant à une même famille, c'est-à-dire "s'inscrivant dans le même secteur d'activité et recueillant les mêmes catégories de données". En clair, sept grandes familles ont été définies afin de garantir le cloisonnement de la gestion des identifiants (voir encadré). Ainsi, l'hypothèse d'un bouquet de téléservices complet englobant les sept familles de démarches donnera lieu à sept demandes d'inscriptions différentes.
Ce système, un peu "usine à gaz", il faut le reconnaître, ne facilitera évidemment pas la tâche des communes et en particulier celle des plus petites, qui seront aussi invitées à séparer la gestion des identités. Quant aux usagers, ils risquent de ne pas comprendre tant de précautions pour une administration qu'ils ont toujours perçue comme un interlocuteur unique. L'identification pourra se faire par téléphone portable, par carte ou par certificat électronique, mais imposera sans doute l'utilisation d'une solution de fédération d'identité à tous ceux qui souhaiteront simplifier l'accès de l'usager. En prévision, la Dimap proposera bientôt aux collectivités territoriales qui le souhaitent, la récupération des modules MSP, en attendant un éventuel passage à des solutions en marque blanche une fois réglées les questions de responsabilités.
Comme nous l'indiquions dans notre article du 26 mars (voir ci-contre), le texte doit encore passer en commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) avant d'être définitivement validé, ce qui renvoie sa publication définitive au mois de mai prochain.
Sans aller jusqu'à réclamer la fermeture de la Cnil, comme le préconisait de manière un peu provocatrice Gilles Babinet, notre "digital champion" auprès de la Commission européenne, le respect strict des règles impose des solutions qui risquent de rebuter les usagers. D'un autre côté, la protection des données personnelles reste un enjeu prioritaire, y compris aux yeux d'une majorité de Français. Alors, entre l'enclume et le marteau, il fallait bien choisir. Mais dans un cas comme dans l'autre, on peut craindre que la prix à payer ne soit élevé.
Philippe Parmantier / EVS
Le jeu des sept familles de démarches retenu par la Cnil
Un identifiant unique pourra être demandé pour les téléservices appartenant à chacune des sept familles suivante :
- fiscalité : taxe de séjour ou d'enlèvement des ordures ;
- travail social : bourse de l'emploi, apprentissage, APA…
- santé : PMI, plan de vaccination, plan Canicule…
- transports : inscription, suivi et paiement en ligne des prestations, scolaires ou municipales ;
- état-civil et citoyenneté : recensement citoyen obligatoire, inscription sur les listes électorales…
- relations avec les élus : demande de rendez-vous…)
- vie quotidienne – la plus importante - qui regroupe elle-même plusieurs catégories : prestations scolaires, économie et urbanisme, polices spéciales et voirie, relations avec les usagers.